Coup de Coeur de Thomas (Librairie L'Amandier à Puteaux) pour Les Rues de Laredo de Larry McMurtry.
Il aimait les nuits claires et détestait les nuages - quand le temps était couvert, il se sentait privé de la moitié du monde.
En revanche, il était convaincu que les Indiens comprenaient la lune. Il n'en n'avait jamais parlé avec un Indien, mais il savait que leur peuple avait beaucoup de plus de noms pour la designer que n'en avaient les Blancs, ce qui était pour lui le signe des affinités profondes qu'ils entretenaient avec elle. Les Indiens avaient moins d'activités que les Blancs et avaient naturellement plus de temps à consacrer à l'étude de l'astre nocturne.
Plus il restait éveillé, plus il se sentait bizarre. Il se dit qu’il était en train de devenir fou sous la pression des événements qu’il vivait. Les étoiles ne pouvaient évidemment rien pour lui. C’étaient des étoiles, non des miroirs. Elles ne pouvaient guère montrer ses sentiments à Ellie. Il s’assoupit un moment et rêva qu’elle était de retour. Ils étaient assis dans le grenier de leur cabane et elle lui souriait.
Quand il se réveilla et qu’il comprit que tout ça n’avait été qu’un rêve, sa déception fut si grande qu’il se mit à pleurer. La scène lui avait paru si réelle et la présence physique d’Ellie si tangible qu’il voulut se rendormir pour retrouver son rêve, mais il n’y parvint pas. Il passa le reste de la nuit éveillé à s’en remémorer la douceur.
Une fois, vingt ans plus tôt, il avait eu le béguin pour une fille du nom de Betsie et il avait hésité à lui proposer d'aller faire une promenade, un soir. Mais il était timide, et le temps qu'il se décide à formuler sa demande, Betsie était morte de la variole.
– J'ai dit qu'on devrait se marier [...] En plus, vous êtes maigre. Si vous mourez, au moins vous serez pas difficile à enterrer. J'ai enterré assez de maris pour savoir apprécier ce genre de choses.
— Je veux pas voir de cochons ici [...] C'est trop intelligent. J'ai pas envie de m'encombrer d'animaux avec lesquels il faut finasser, je préfère cultiver la terre.
— C'est mon ragoût de bestioles, Capitaine, expliqua Maude.
— Oh, quel genre de bestioles ? demanda-t-il poliment.
— Tout ce que les chiens attrapent, répondit Maude. Ou bien les chiens eux-mêmes s'ils se débrouillent pas pour attraper quelque chose. Je supporte pas les chiens qu'en foutent pas une.
Selon son habitude, Augustus, assis sur sa chaise, avala une bonne quantité de whiskey en regardant le jour décroître. ll se balançait sur son siège et levait le coude en alternance. Les journées à Lonesome Dove étaient embrumées par la chaleur et d'une sécheresse de craie que le whiskey atténuait partiellement. L'alcool répandait en Augustus une agréable sensation de brouillard mouillé, aussi fraîche et brumeuse que l'aube sur les collines du Tennessee. Il se saoulait rarement pour de bon, mais il appréciait cette sensation de flou tandis que le soir tombait et que les delicieuses lampées de whiskey entretenaient sa bonne humeur pendant que le ciel se colorait à l'ouest.
La plupart des gens sont prêts à n'importe quoi pour éviter la peur suscitée par le combat.
Allen O'Brien considérait avec mépris les quelques bâtiments qui composaient Lonesome Dove.
- C'est ça, la ville ? demanda-t-il.
- Oui, et c'est encore pire que ça en a l'air, répondit Augustus.