Le 22.10.2021, Emmanuel Lechypre invitait dans "La Librairie de l'éco" (BFM Business) Julien Damon, professeur associé à Sciences Po, et Christian Chavagneux, éditorialiste à Alternatives économiques à débattre de La mentalité de marché est obsolète ! de Karl Polanyi.
Notre thèse est l'idée qu'un marché s'ajustant lui même était purement utopique. Une telle institution ne pouvait exister de façon suivie sans anéantir la substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l'homme et sans transformer son milieu en désert.
Les fascistes répondent à la reconnaissance de la réalité de la société en rejetant le postulat de la liberté. Le fascisme nie la découverte chrétienne de l'unicité de l'individu et de l'unité de l'humanité. Telle est l'origine de la disposition à dégénérer qui est en lui.
À l’ahurissement des esprits réfléchis, une richesse inouïe se trouvait être inséparable d’une pauvreté inouïe. Les savants proclamaient à l’unisson que l’on avait découvert une science qui ne laissait pas le moindre doute sur les lois qui gouvernaient le monde des hommes. Ce fut sous l’autorité de ces lois que la compassion fut ôtée des cœurs et qu’une détermination stoïque à renoncer à la solidarité humaine au nom du plus grand bonheur du plus grand nombre acquit la dignité d’une religion séculière.
En fait, la production mécanique, dans une société commerciale, suppose tout bonnement la transformation de la substance naturelle et humaine de la société en marchandises. La conclusion, bien que singulière, est inévitable, car la fin recherchée ne saurait être atteinte à moins; il est évident que la dislocation provoquée par un pareil dispositif doit briser les relations humaines et menacer d'anéantir l'habitat naturelle de l'homme.
Le mécanisme de marché a également créé l'illusion que le déterminisme économique était une loi générale pour toute société humaine.
L'idée qu'on puisse rendre universelle la motivation du profit ne traverse à aucun moment l'esprit de nos ancêtres.
Ce que nous appelons la terre est un élément de la nature qui est inextricablement entrelacé avec les institutions de l'homme. La plus étrange de toutes les entreprises de nos ancêtres a peut-être été de l'isoler et d'en former un marché. (p.253)
L'idée d'un marché s'ajustant lui-même est purement utopique. Une telle institution ne peut exister sans anéantir la substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l'homme et sans transformer son milieu en désert.
Cela ne signifiait pas autre chose que la nécessité d'un système de marché. Nous savons que, dans un tel système, les profits ne sont assurés que si l'autorégulation est garantie par des marchés concurrentiels interdépendants. Le développement du système de la fabrique ayant été organisé comme partie d'un processus d'achat et de vente, le travail, la terre et la monnaie devaient par conséquent être transformés en marchandises afin que la production continuât. Bien sûr, il n'était pas possible d'en faire vraiment des marchandises, car, à la vérité, ils n'étaient pas produits pour être vendus sur la marché. Mais la fiction qui voulait qu'il en fût ainsi devint le principe organisationnel de la société.
D'un point de vue général, l'espérance communiste d'un "dépérissement de l’État" me semble à la fois relever à la fois de l'utopie libérale et d'une indifférence dans les faits envers les libertés institutionnelles.