Borges en francais/espanol_clea idiomas
L’INSTANT
Mais où sont-ils passés, les siècles et les rois ?
Et l’herbe exterminée aux sabots du barbare,
Et les sabots exterminants ? Et la cithare
Héroïque, et l’arbre d’Adam, et l’autre Bois ?
Seul est vrai le présent, ce désert. La mémoire
Bâtit le temps. L’horloge et le calendrier
Ont la succession et le dol pour métier.
L’année est simulacre aussi bien que l’histoire.
Entre l’aube et la nuit un abîme d’efforts
S’ouvre, et de soins et de lumières et de morts;
Faussement il se croit le même, ce visage
Qui se cherche aux miroirs fatigués de la nuit.
Pas d’autre ciel, et d’autre enfer pas davantage,
Que la mince seconde à tout jamais qui fuit.
Personne ne peut savoir si le monde est fantastique ou réel, et non plus s’il existe une différence entre rêver et vivre.
Nous pouvons discuter le tango et nous le discutons, mais il renferme, comme tout ce qui est authentique, un secret.
"J'ai toujours imaginé le paradis comme une sorte de bibliothèque"
Ordonner une bibliothèque est une façon silencieuse d’exercer l’art de la critique.
(Le Monde, 28 Janvier 1983)
Le livre n’est pas une entité isolée : il est une relation, il est l’axe d’innombrables relations.
Le poème est plus beau si nous devinons qu'il est l'expression d'un désir et non le récit d'un fait.
Les pas que fait un homme, du jour de sa naissance à celui de sa mort, dessinent dans le temps une figure inconcevable. L'intelligence divine voit cette figure immédiatement, comme nous voyons un triangle. Cette figure a peut-être sa fonction bien déterminée dans l'économie de l'univers.
Il me dit que son livre s'appelait le livre de sable, parce que ni ce livre ni le sable n'ont de commencement ni de fin.
Après la quarantaine, tout changement est un symbole détestable du temps qui passe [...].