A l'occasion du Quai du Polar 2021, Gwenaël Bulteau vous présente son ouvrage "La république des faibles" aux éditions la Manufacture de livres.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2481453/gwenael-bulteau-la-republique-des-faibles
Note de musique : © mollat
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[ fin du XIXe siècle ]
Avant d'entamer les démarches, Soubielle ignorait que la lutte contre l'infertilité fût un tel chemin de croix. Leur intimité exposée sous une lumière crue, décortiquée, disséquée. Marie-Thérèse avait tenté tous les traitements, la pauvre : le repos absolu dans la position horizontale, les bains de siège, les cataplasmes vaginaux, le quinquina, le fer et la manipulation la plus traumatisante, une tentative de remise en place des ovaires par des moyens dont elle refusait encore de parler. (...) Soubielle aussi était passé au crible médical. Un spécialiste lui avait demandé s'il avait des habitudes de paresse ou de gloutonnerie car les excès de nourriture empâtaient les animalcules spermatiques. Si la situation n'avait pas été aussi humiliante, il lui aurait ri au nez.
(p. 24)
- Savez-vous qui est le père de son enfant ?
La bonne sourit, convaincue à juste titre que Soubielle connaissait déjà la réponse.
- Il faut vraiment se boucher les yeux pour ne pas le voir, admit-elle, heureuse de cancaner. Mais une seule chose compte, dans ce monde : sauver les apparences. Monsieur entretenait une relation avec [elle], dont le secret espoir était qu'un jour il la demande en mariage et reconnaisse l'enfant comme le sien, mais il ne l'a jamais fait. Tant pis pour lui car peut-être en ce cas ne serait-elle jamais partie. Monsieur est tombé dans le piège qu'il avait lui-même mis en place, celui de profiter de la situation.
La réussite personnelle ne passe pas forcément par l'argent et l'ascension sociale. C'est une vision étriquée. Participer à l'eveil des consciences apporte des gratifications dont vous n'avez même pas idée.
( *** mort de Louise Michel )
Elle avait la peau dure, la Louve ! L'autre salaud de chouan lui avait collé une balle dans la tronche qu'elle avait gardée en elle jusqu'au dernier jour.Cette femme était tellement bonne pour le peuple qu'ils en pleuraient de dévotion. C'était une héroïne, une sainte ! Même les hommes au cœur endurci avaient la moustache qui tremblait. En un jour, ils étaient tous devenus orphelins.
– Faites attention, madame Hoffmann, les indigènes ont l’air inoffensif, à première vue, mais vous ne les connaissez pas. Vous ignorez ce qu’ils dissimulent en eux. Moi, je les observe depuis des années : ce sont des paresseux, des fourbes, des voleurs. Ils profitent que vous regardiez ailleurs pour vous détrousser. Ils ne valent pas mieux que les Juifs.
La colonne Voulet-Chanoine. L’expédition a fait grand bruit, pour des raisons inhabituelles. Les journalistes se sont fait l’écho d’une rumeur, confirmée du bout des lèvres par le ministère, que le soleil d’Afrique avait sérieusement tapé sur la tête du capitaine Voulet. On a parlé de soudanite aiguë.
L’idée d’une boutique de spécialités alsaciennes en plein cœur d’Alger était judicieuse puisqu’il existait une clientèle toute trouvée, celle des réfugiés de la guerre de 1870, à qui les politiciens avaient promis l’eldorado en Algérie.
En tant que militaire, Monsieur avait participé à plusieurs campagnes africaines. Il a pris des villages d’assaut sous le feu ennemi. Il s’est battu au corps-à-corps. Il racontait qu’il avait tué des sauvages à tour de bras.
De loin, Alger donnait l’impression d’une ville envoûtante et paisible. L’illusion était parfaite. N’importe qui aurait pu se laisser berner et croire qu’en cet endroit il faisait bon vivre.
- Ton père se livre-t-il à des activités illégales ?
Le gamin était intelligent. Il saisit aussitôt.
- Vous voulez parler d'avortements ? Mon père a toujours exprimé une haine viscérale à cette idée. Il a fait de la natalité son credo, preuve en est ma ribambelle de frangins. Il faut faire plus de gosses que les Allemands, un point c'est tout. Et quand bien même, dans une perspective d'enrichissement personnel, il serait beaucoup trop lâche pour ce genre de commerce !
[ en 1900 ]
(p. 211)