Le jury de la 16e édition du Prix Orange du Livre, sous la présidence de l'écrivain et académicien Jean-Christophe Rufin., a choisi les 5 finalistes de cette édition.
Amina Damerdji, Bientôt les vivants, Gallimard
Sophie Divry, Fantastique histoire d'amour, Seuil
Marianne Jaeglé, L'Ami du Prince, L'Arpenteur
Kiyémis, Et, refleurir, Philippe Rey
Gaëlle Obiégly, Sans valeur, Bayard
https://www.lecteurs.com/prix-orange-du-livre
Visitez le site : http://www.lecteurs.com/
Suivez lecteurs.com sur les réseaux sociaux :
Facebook : https://www.facebook.com/orange.lecteurs
Twitter : https://twitter.com/FondationOrange
Instagram : https://www.instagram.com/lecteurs_com/
Youtube : https://www.youtube.com/c/Lecteurs
Dailymotion : http://www.dailymotion.com/OrangeLecteurs
+ Lire la suite
C'est bien parce que j'ai la volonté de tout contrôler que le sort de mes affaires me donne tant de souci.
Sans en faire une méthode, je dirais que pour voler impunément il faut avoir l'air riche et éduqué.
N'importe quelle chose, n'importe quelle pensée, peut à tout moment devenir un encombrement. Même des personnes.
Je n'achète que des vêtements de seconde main ou bien je mets des choses qu'on me donne. Selon la même évolution qu'avec le papier puisque, dans ma jeunesse, j'achetais mes vêtements aux puces par manque d'argent, par dandysme aussi, et désormais par responsabilité écologique.
J'étais dans ce magasin de vaisselle ouvert le dimanche. Je faisais la queue pour payer un saladier et j'aperçois à travers les fins cheveux de la cliente qui me précède une excroissance de chair. Une boule énorme sur le côté droit de sa tête. C'était une chose velue et rose. Je me suis dit qu'une telle disgrâce m'aurait été utile pour entrer dans les ordres. Si je l'ai envisagé pendant l'adolescence, le besoin de séduire et de sexe m'en a fait abandonner le projet. J'ai manqué de caractère. Car ce qui est beau dans cet engagement-là, c'est de renoncer à ce qui est essentiel pour soi. Je n'ai pas été capable de ce sacrifice. Une excroissance de chair rose venue dans la nuit, une grosseur et des poils qui m'auraient défigurée, un tel miracle m'aurait permis d'avoir une vocation. Au lieu de ça, j'exploite mon égotisme.
À part mon téléphone, je ne transportais rien. Il faut le préciser parce qu'il est rare que je me déleste de mon fardeau. Depuis ma naissance, je porte un sac sur mon dos.
Peu avant son hospitalisation, Yvette était en train de préparer le repas, elle a suspendu son geste et elle m'a dit : mon rêve, c'est foutu.
Le Parisien était déplié sur la table de la cuisine, j'étais dans les mots fléchés.
- Allons, bon, ton rêve, c'est quoi ?
- D'aller à Tahiti. "
Elle n'a plus jamais vraiment vécu une fois qu'elle a compris que son rêve, c'était foutu.
- Tu crois que tu n'iras jamais ?
- Penses-tu, comment j'irais ?
- Il faudrait que je t'y emmène.
- Qu'est-ce que ça me plairait ! On ne ferait rien. On regarderait les fleurs.
Elle repose dans ce poème turquoise. Ce sont ses dernières phrases :
" Mon amour, je ne sais pas le dire
Tu m'abandonneras
La main de Dieu est sur moi et tu ne peux pas me défendre
Qu'est-ce qu'on fait ? "
Ses phrases font un poème. Ce que j'appelle un poème, c'est un entrelacs sacré, une parole qui procure une émotion mystérieuse, une parole qui vient en toi, qui fait trembler la peau.
On se fait soi-même, avec l'aide des autres, chaque jour on recommence. Et la nuit nous défait.
Regarde comme la fée Séverine a chaud ce soir. Elle a de la chaleur plein son cœur…
(p. 45)
La pensée c'est inclassable, c'est imparfait, autonome, ça n'entre pas dans un genre.