Dominique Noguez -
Une année qui commence bien .
Dominique Noguez vous présente son ouvrage "
Une année qui commence bien". Parution le 4 septembre 2013 aux éditions Flammarion. Rentrée littéraire 2013. http://www.mollat.com/livres/noguez-dominique-une-annee-qui-commence-bien-9782081306073.html Notes de Musique : 8 Schubert/ Piano Sonata #14 In A Minor, d'784 - 2. Andante
Les élèves de l'école Louis-Braille de Saint Mandé purent lire (ou plutôt se faire lire), quant à eux, ce "conseil d'amis" :
AVEUGLES !
CHANGEZ DE VICE :
DEVENEZ SOURDS !
Tandis que la fiction romanesque semble saisie d’un appétit de plus en plus grand de réalité, la réalité qu’elle veut ingurgiter se privatise et se dérobe. Il n’y a plus de nature, il y a des propriétés privées ; plus de pays, mais des multinationales ; plus de ville, mais des chaînes de magasins et des marques ; plus de foule, mais des individus qui peuvent interdire ou monnayer leur image.
Au téléphone, il me parle de René Thom et de la théorie des catastrophes, il est assez porté sur les maths. Il a fait Agro. Son problème : ne plus travailler. Il m’explique que travailler le déprime et que la déprime s’arrête d’elle-même dès qu’il est en congé maladie ou au chômage. Il n’a pas la télévision. C’est la lecture des «témoignages » de Marie-Claire qui l’arrime à la réalité.
Nous sommes dans un pays laïque où l’on a le droit d’être, comme je le suis, contre toutes les religions ; dire qu’on hait l’islam n’est pas plus terrible que tout ce qu’on entend chaque soir contre le pape aux Guignols de l’Info.
Si le « i » se prononçait « zvchwrac », ça donnerait du tonus à la langue.
Comment rater si vous êtes libraire
Avant tout, détestez les livres.Non seulement comme objets envahissants et inflammables qui prennent la poussière, mais pour leur prétention à être les plus extraordinaires véhicules de communication inventés par l'homme. Et les balladeurs alors? Et les cassettes, les CD, les DVD, les jeux vidéos? Et internet? Et les Pokémons?
Donc ne lisez rien. Fiez vous au bagou des représentants ou commandez au hasard...
Si philosopher était un tant soit peu dan-
gereux — si l'on risquait de s'étouffer en s'in-
trospectant, d'être irradié par une idée pla-
tonicienne, de se noyer dans le cogito, d'être
renversé par un lemme de L'Étique, de sauter
sur une monade, d'être foudroyé par l'impé-
ratif catégorique ou intoxiqué par la Raison
pure, d'être embétonné dans une infrastructure
marxiste ou expulsé dans les galaxies par l'élan
vital bergsonien : la philosophie aurait tout de
suite une autre allure !
p.57-58
Ratez votre suicide
Un suicide qui rate est le seul suicide qu'un raté peut s'autoriser. A la rigeur, vous pouvez vous en offrir plusieurs, mais à condition de les rater systématiquement l'un après l'autre comme le personnage de Delicatessen, le film de Caro et Jeunet, ou celui du roman Promenade de Régis Jauffret.
Si tous les mots étaient plus courts, le plaisir
du silence serait plus long.
p.29
Chapitre: La barbe
Tel l'inconscient selon Lacan, elle est structurée comme un langage.
Elle n'est pas que poil, elle est sémaphore.Elle émet des signes, quelquefois à l'insu de celui qui la porte. Ecartons d'emblée les messages trop simples - tristement banals ou franchement désagréables, [...].
Grattons sous le poil. Que trouvons -nous?
Rien. Ou des valeurs si contradictoires qu'elles s'annulent deux à deux: autorité mais aussi asocialité; sagesse et science mais aussi fanatisme; sainteté et douceur mais aussi terrorisme; élégance mais aussi laisser-aller.
De toute façon, la barbe porte en elle-même l'ambiguïté car elle est masque: comme tout masque, elle est aussi bien protection contre le monde extérieur que déguisement pour cacher quelque chose, donc signe de sournoiserie autant que de fragilité.Bref, elle est comme la langue d'Espoe, signifiant le meilleur comme le pire. On s'y perd.
Sauf si l'on quitte les généralités pour l'examen au poil près. Tout s'éclaire alors. [...]
Il y a des barbus heureux. Au jardin des barbes, ou peut choisir.
Pour moi, ce sera la plus équilibrée, la plus légère, celle qui impose le moins de sens lourd, la moins péremptoire. Ce sera la barbe à l'italienne. Apparemment négligée, elle est l'objet de mille soins, de cent coups de ciseaux quotidiens au millimètre près. C'est celle du vrai dandy, dont on sait qu'il doit être remarquable sans se faire remarquer, original en ayant l'air de tout le monde, sublime avec des airs d'être votre prochain. C'est la barbe que choisira l'humaniste conséquent. C'est la barbe véritablement humaine.