Bernard Delaunay a 19 ans lorsqu'il fait connaissance avec sa garnison et la vie quotidienne d'un jeune dragon engagé pour trois ans dans le beau régiment de cavalerie de la place de Paris. Régiment implanté de surcroît auprès du Château de Vincennes, qui allait devenir à compter du 24 août 1939, le poste de haut commandement du général Maurice Gamelin, chef d'état-major général et commandant en chef des forces terrestres.
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C'était un régiment de tradition dont la filiation remonte au XVIIème siècle, un des quatorze "vieux corps" de Louis XIV, unité descendant de la "Reine-dragon" depuis 1675, date à partir de laquelle les reines de France étaient de manière honorifique colonels de ce régiment. L'étendard portait les inscriptions suivantes : Marengo 180 ; Austerlitz 1805 ; Friedland 1807 ; Khangil 1855 ; l'Yser 1914 et Picardie 1918. Il était décoré de La Croix de guerre 1914-1918 avec palmes.
L'abbaye est bien équipée pour son grand jardin. L'eau de la Mayenne fournit le nécessaire pour l'arrosage grâce à un bélier hydraulique. Cette technique permet de pomper de l'eau jusqu'à une hauteur plus élevée que la source en utilisant l'énergie d'une chute d'eau de hauteur plus faible. Sont consignées dans un mémento manuscrit toutes les subtilités de réglage et toutes les canalisations du monastère à entretenir. Le régime alimentaire monastique fait une grand place aux légumes. On verra infra qu'il existe un "coutumier de la cuisine des hôtes" qui recueille toutes les recettes de leur utilisation.
La culture connaît aussi des difficultés dans les années 20. Le foin récolté n'est pas abondant. Les pommes de terre une année n'ont pas réussi, ni en qualité, ni en quantité. Deux wagons ont donc été achetés pour pallier ces déficiences. Quand la chronique relève encore que les pommes n'ont pas été récoltées en abondance et qu'il a fallu en acheter, le bilan de l'année 1926 est sans appel : "En résumé, sauf le jardin, tout ce qui est élevage et culture s'est trouvé en déficit".
Les comptes de la communauté trahissent en effet ces difficultés : l'année comptable 1926 enregistre un déficit de 45 376 francs pour la vacherie et 7 831 francs pour la porcherie. La production de la basse-cour compense à peu près la perte due à l'exploitation porcine. Il est curieux à ce sujet d'observer dans la comptabilité simple de l'abbaye que la balance des résultats intègre dans les dépenses la part des dons effectués chaque année par le monastère au nom de la charité : la charité est donc considérée comme une dépense de fonctionnement ordinaire, sinon obligatoire, nonobstant toute difficulté interne de conjoncture économique. Elle reflète un esprit évangélique ancré, celui de la veuve du Temple qui se prive du nécessaire pour donner son obole.