Citation N°1 :
--> Sur la paroi rocheuse qu’ils longeaient à présent, il laissa courir sa main. Le grain fin du banc de calcaire qu’ils suivaient lui rappelait la peau de la Femme Blonde. Hormis la température, cette strate de roche lisse et douce avec laquelle il entretenait un contact presque sensuel depuis quelques mètres n’avait rien à lui envier. Il sourit en se remémorant la nuit passée. Et à toutes les autres, où ses doigts, tout d’abord intimidés par la blancheur immaculée du corps qu’ils apprenaient à apprivoiser, s’étaient peu à peu enhardis, avides de nouvelles sensations sur une peau où tout était à découvrir. Alors qu’il poursuivait son exploration tactile de la roche, une aspérité l’arrêta. Avant d’y poser les yeux, il l’ausculta en la palpant du bout des doigts. Le relief spiralé et côtelé qu’il devina ne lui laissa aucun doute sur le genre de fossile qui se trouvait là. Il repensa en souriant à son rêve éveillé du matin, et se revit nager dans cette mer chaude et ancienne, entouré d’ammonites incrédules.
Citation N°2 :
Personne n’aurait pu dire combien de temps dura ce silence. Cela n’avait d’ailleurs aucune importance. Les dix yeux regardèrent le corps suspendu se balancer, puis s’immobiliser. Les dix poumons se figèrent à leur tour, remplis d’un air glacial et sec. Et les cœurs, à l’unisson, se mirent à battre si fort que le silence se brisa.
La Femme Blonde couvrit de ses mains les yeux de son homme, dans un instinct protecteur touchant. Elle serra son buste contre son dos et lui chuchota avec douceur des paroles qui se voulaient rassurantes.
Une menace flottait dans l’air.
Sournoise.
Insidieuse.
Impromptue et inévitable.
Une menace dont elle ne comprenait pas encore vraiment le sens.
Observer ce qui l’entourait ainsi, c’était pour lui prendre conscience du côté terriblement insignifiant de son existence. Et par là même, prendre conscience du petit miracle que cette existence représentait. En reprenant sa marche, abandonnant le fossile dans son linceul de calcaire blanc, les questions existentielles qui sans cesse habitaient son esprit se réveillèrent.
Ça va aller. Ne t’en fait pas. Je suis sûre que ça va aller. Une valse à trois temps incertains qu’elle lui répéta encore et encore. Ça va aller. Ne t’en fais pas.