Partir en Livre | Antoine Dole et Diane Le Feyer, les auteurs de Mortelle Adèle, sont les parrains
C'est ce qu'il ressent de plus vif et de plus beau. Une chaleur intense, qui dissipe la peur et l'inquiétude. Même si sa mère ne lui a jamais donné cette affection nécessaire, ces signes de tendresse, il l'a aimée. Il l'aime. Ce lien, c'est la vérité la plus solide en ce monde. Ça le transperce, ça le traverse. Il voulait que ça existe dans ces cœurs qui n'ont jamais connu l'existence qu'à peu près. Cette sensation de vie. Pleine et entière. Une lumière précieuse, dans le cortège des ombres.
Elle aurait pu dire la vérité : au lycée, rien ne se passe comme prévu. La solitude n'est plus un refuge, elle est une cage. Aude y rumine les mots qui la transpercent tout au long des journées. C'est mots qu'on lui jette à la figure, qui la griffent, la pincent et la cognent. Ces mots comme des armes, dont personne ne mesure la force et l'impact dans les parties tendres du dedans. Parce que là encore, tout est prétexte à la gamelle. Aude chute, de personne en personne, aucun contact ne se noue qui ne devienne pas aussitôt douloureux.
J'ai l'impression que je pourrais raconter la même histoire tous les jours : à croire que je suis un caillou de plus dans les graviers de la cour, à qui on veut rappeler sans arrêt que sa place est par terre et pas chez les humains.
Il suffirait de si peu pour que chacun ait sa place. Un peu d'amour, de compassion, d'empathie, de tolérance.
Login. Mot de passe. Connexion. Elle connait un tas de sites de rencontres, de ceux pour minettes qui cherche le big love, et faut être supra conne pour croire qu'on le trouve dans le catalogue des branleurs asociaux qui se tripotent derrière leur écran d'ordinateur.
Il me sourit. Depuis que je l'ai rencontré, le froid ne cesse de reculer au-dedans, comme si des siècles de saisons mortes avaient vu naître un soleil.
On peut tomber de tout en bas. Pour un coeur comme le sien c'est toujours suffisant, se briser, c'est juste une habitude, y a pas besoin d'élan.
Nos regards se croisent, on n'échange pas un mot. J'ai l'impression que si je pleure, elle pleure aussi.
Je regarde mon ventre, des bleus se perdent dans les vagues de chairs et d'os. Je peux retracer ma semaine de cours en suivant l'itinéraire des yeux : l'ecchymose sur mon avant-bras droit c'est lundi, quand Laurent m'a poussé contre la rambarde du grand escalier, la griffure sur mon flanc gauche c'est mardi, quand Vincent s'est pris pour un ninja avec la pointe de son compas pendant le cour d'arts plastiques, les bleus sur ma hanche droite et sur ma cuisse c'est mercredi, quand ils ont joué à celui qui arriverait à me mettre le plus de side-kicks en une journée, et ils ont trouvé ça tellement drôle qu'ils ont continué le jeudi.
Il est triste, ce monde, sans émotion, sans amour. Qu'est-ce qu'il y a à sauver ? Ils ont déjà tout perdu.