Dans "Disparition d'une femme de 56 ans", paru aux éditions du Seuil le 5 avril 2024, Anne Plantagenet nous offre bien plus qu'un récit dans cet ouvrage. L'autrice nous plonge dans la réalité crue et poignante de Letizia Storti, ouvrière syndiquée chez UPSA. Elle a quitté la clinique où elle était hospitalisée et s'est évanouie dans la nature. Un an auparavant, elle avait voulu se suicider dans l'usine où elle travaillait à la chaîne depuis trente-six ans.Un appel à témoins est lancé, mais les jours passent et rien, le désert. Une anonyme, une ouvrière.
Cette histoire vraie, loin des fictions romanesques, expose le combat quotidien de cette femme, fille d'immigrés italiens, confrontée à la brutalité du capitalisme dévorant. Engagée comme figurante dans le film "En guerre", elle devient le visage d'une lutte, celle des travailleurs sacrifiés sur l'autel du profit. Anne Plantagenet, avec sa plume habile, dépeint avec justesse la violence physique et psychologique qui règne dans certaines entreprises, brisant ainsi bien des clichés. À travers ce témoignage poignant, c'est toute une humanité bafouée qui se révèle, celle des héros du quotidien, broyés par un système sans pitié
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"C'est dans la différence, comme on dit, que l'on crée la richesse."
Elle, c'est ma noire, ma vivante, ma chère grande, mon beau corps, mon cher cœur, mon endormie, mon beau sable, mon Finistère, ma brûlante, ma vraie vie, ma petite victoire, ma passion, ma secrète, mon beau visage, la femme que j'aime, ma lumière noire, mon enfant chéri, ma tendre, ma captive, ma plage, ma désirable, ma femme, et tant d'autres noms d'amour répétés et réinventés au long des lettres qu'Albert lui écrit chaque fois qu'ils sont séparés.
C’est presque du théâtre, il y a réunion, suspension, etc., c’est à l’usure, un jour on a fini à la bougie. On défend les collègues, on ne monte pas pour soi. Avec l’âge, j’ai appris à tempérer, ça ne sert à rien de foncer tête baissée, il faut réfléchir. Malgré tout, on a moins de syndiqués, ou alors les gens prennent la carte un an ou deux quand ils ont un problème avec le patron et après on ne les revoit plus ! C’est dommage, parce qu’il faut continuer de se battre pour garder ce qu’on a acquis.
Elle, c'est ma noire, ma vivante, ma chère grande, mon beau corps, mon cher cœur, mon endormie, mon beau sable, mon Finistère, ma brûlante, ma vraie vie, ma petite victoire, ma passion, ma secrète, mon beau visage, la femme que j'aime, ma lumière noire, mon enfant chéri, ma tendre, ma captive, ma plage, ma désirable, ma femme, et tant d'autres noms d'amour répétés et réinventés au long des lettres qu'Albert lui écrit chaque fois qu'ils sont séparés.
"Mais à force de les repasser, et nourrie de tout ce que j'ai appris depuis, j'ai réalisé que je me trompais : ce à quoi ne croit pas Letizia dans ces scènes, ce n'est pas au casting, c'est à son rôle, celui d'une syndicaliste capable de faire bouger les choses, de défendre ses collègues face à un employeur qui ne tient pas ses engagements et cherche à faire des économies par tous les moyens. Sentiment d'impuissance, terrible constat d'échec, quand on y a cru, justement, toute sa vie, qu'on prend conscience brutalement qu'on est face à un mur et que quelque chose va péter."
"Les jours passaient sans qu'elle resurgisse. Qui prononçait encore son nom ? Bientôt, qui se souviendrait d'elle ? Une femme, une ouvrière, sans voix, sans visage indistincte parmi la masse des figurants."
Je veux savoir. Comprendre ce que j'ai raté, à côté de quoi je suis passée. Ce n'est pas une question de culpabilité de remords, je ne me dis pas que j'aurais pu faire quelque chose, l'empêcher de passer à l'acte. Pas du tout. Ce n'était pas mon rôle, sans doute. Et c'est trop tard, de toute façon. Mais, je peux peut-être agir quand même d'une certaine manière.
Qué es la vida ? Un frenesi. Qué es la vida ? Una ilusion , una sombra, una ficcion, y el mayor bien es pequeño : que toda la vida es sueño, y los sueños son.
Nous avons plusieurs conversations à propos de mon livre 'D'origine italienne', qui paraît en mars et la touche beaucoup. (...) Il y a énormément d'échos, de parallèles, entre nos familles exilées, nos familles de taiseux, de miséreux, de communistes. Un héritage commun, mélange de fierté et de honte, de révolte et de soumission, qu'elle s'est pris de plein fouet alors qu'il m'a atteinte plus indirectement.
(p. 78)
Les études, ce n'était pas la priorité ; il fallait gagner un salaire. Letizia a le souvenir d'avoir toujours vu ses parents travailler, tout le temps, le travail, le travail, le travail, et mettre de côté pour se faire leur petite maison, sans crédit, avec leurs économies, que son père a construite. Aucun loisir, jamais.
(p. 27)