André Brugiroux
Jacques CHANCEL s'entretient avec
André BRUGIROUX, écrivain, voyageur
pourquoi il a fait le tour du monde, sa
quête spirituelle, a visité 135 pays, les
langues qu'il a apprises, explique les deux périodes de son
voyage, son livre
La Terre n'est qu'un seul pays, raconte ses
aventures de
voyage en stop, a abandonné l'idée de créer une famille. A fait de la
prison, ce que lui a appris le...
L'affection présente un danger certain pour celui qui veut toujours aller plus loin.
La minute qui compte dans le désert pour votre bourlingueur, c'est celle de la première gorgée de thé après une journée éprouvante de piste. De ce thé brûlant avalé assis sur le sable chaud en écoutant crépiter un feu d'épineux. Minute rédemptrice. (p.240). extrait du carnet de route du 5 mars 1979.
L’Inde démunie est une cour des Miracles portée à la puissance 10, et Calcutta est la capitale de cette diaspora des oubliés de la création. Comme il est difficile de demander à un pays, où un dixième de la population vit, couche et meurt dans la rue, d’ouvrir ses portes à l’étranger de passage, je me retrouve à plusieurs reprises dans l’obligation de dormir moi-même sur le trottoir, au milieu de familles entières dont certaines, complètement nues, n’ont même pas un reste de haillon pour protéger leur intimité, rien que la crasse.
Alors, je me jette dans la gueule du loup et passe au Cambodge.
Là, tout n'est que chaos et larmes.
Tous ceux qui ont 16 ans révolus circulent avec une arme. Et s'en servent !
Persécutions, vengeances personnelles, massacres, les horreurs de la guerre se repaissent ici comme ailleurs de la bêtise humaine, et les corps gonflés glissent à n'en plus finir sur le Mékong.
... je m'installe quelque temps à San Francisco, où je vis parmi les hippies pour découvrir qui ils sont vraiment.
Non sans une certaine appréhension d'ailleurs, car ils sont alors présentés par la presse américaine unanime comme de dangereux trouble-fêtes. Allons donc ! Ce sont juste des boulons à tête ronde dans un monde exclusivement formaté pour des boulons à tête carrée, à qui toute réflexion sur le fonctionnement de la machine infernale chère à Charlie Chaplin semble interdite.
- Moi, je ne peux pas me perdre, me lance un jour l'un de ces chevelus du Haight-Ashbury, parce que je ne sais pas où je vais ! (p.106-107)
(propos recueillis en 1969)
Djibouti (…) : Après qu’on a excisé les fillettes d’un coup d'ongle, on leur suture les lèvres portées à vif avec des aiguilles d’acacia afin qu’en cicatrisant elles se soudent (ne laissant qu’une petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler). Tout ceci sans la moindre anesthésie, bien sûr. Au mariage, un coup de silex ou de couteau pour rouvrir, et la mariée est prête ! Bonjour l’amour. À chaque accouchement, il faut rouvrir également. Une femme peut ainsi subir plusieurs ré-infibulations et dés-infibulations au cours de sa vie.
Oh ! Naturellement, j’ai beau être Scorpion et considérer la vie comme un champ de bataille et chacun des défis proposés par le quotidien comme autant de combats à gagner, il m’arrive de toucher mes limites et de craquer. Au moins dans ma tête. En relisant le journal de bord que je rédigeais scrupuleusement, chaque jour qu’a duré mon premier périple en stop de six ans, j’ai remarqué que le mot « dur » y apparaissait beaucoup plus souvent que je ne l’aurais imaginé, surtout à la fin, après la dysenterie.
Le stop, c’est de la tauromachie, de la pêche au gros, du zen, de la psychologie appliquée, de l’art. Le stop est la Voie royale du voyageur, une voie initiatique mêlant la méditation à l’action la plus déterminée. Car le paradoxe du stop est qu’il vous rend à la fois complètement libre (besoin de rien pour le pratiquer) et totalement dépendant : l’exacte condition humaine.
Je fixais dans les yeux, souriant pour inspirer confiance, chacun des conducteurs qui me dépassait. Je savais qu’on allait me prendre mais ignorais quand. Il n’y a vraiment pas de loi. Pour être plus précis, au terme de six années de pratique, j’avais découvert deux principes qui régissent l’auto-stop : le point stratégique et savoir attendre.
L’Inde, une autre dimension. Elle vous saisit à la gorge. Chaque seconde, le sublime côtoie le sordide et cette terre par excellence des paradoxes est capable de marier à la spiritualité et l’analyse de la conscience les plus hautes une indifférence absolue pour le malheur d’autrui.