À l'occasion de la 20ème édition du festival "Quais du Polar" à Lyon, Alexis Laipsker vous présente son ouvrage "D'entre les morts" aux éditions Michel Lafon.
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Note de musique : © mollat
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Dans la Genèse, il est écrit cette phrase célèbre: « Dieu fit L'homme à son image. » En réalité, c'est l'inverse. L'homme a fait Dieu à son image : vivant, mais mortel. Car les dieux sont mortels, cher monsieur. C'est l'homme qui les tue. Il s'en débarrasse dès qu'il en trouve d'autres à vénérer.
- Il est en pleine dépression.
- Vous en connaissez la cause ?
- La cause ? Il est flic. Parfois, c'est suffisant.
Le Cow-Boy se leva d'un coup, râla le temps d'arriver à la porte qu'il ouvrit brutalement.
[...]
- J’espère que c'est le ministre en personne qui vous envoie, sinon je vous jure que je vais vous raccompagner à coups de pompe dans le cul.
- Oui
Il avait connu toutes les reformes, survécu à une demi-douzaine de ministres, traversé toutes les modes, inspiré un film. Un flic à l'ancienne, solide, droit. Un roc. Mieux, une statue. Il avait grimpé les échelons un à un et, malgré le grade qu'il avait désormais atteint, il continuait de mettre les mains dans le cambouis quand c'était nécessaire. Il n'en fallait pas davantage pour susciter l'admiration ou, au pire, le respect des hommes qu'il commandait. Il avait beau râler sans cesse, exiger l'impossible, pousser de mémorables gueulantes, rien ne semblait écorner sa popularité dans les services.
Peut-être n'avais-je pas été la fille modèle, mais j'étais sa fille, et il semblait parfois nécessaire de le lui rappeler. Pas facile d'aimer une mère qui ne vous aimait pas. J'ai toujours été convaincue qu'elle aurait préféré que je sois une autre. Et j'étais tout aussi certaine qu'elle aurait détesté cette autre à peu près autant que moi.
Comment vaincre une ombre ? Un fantôme ?
Comment tuer ce qui est mort ? Ce qui n'existe pas ?
La terre brune, tapissée d'épines et de pommes de pin fit place à un sol craquelé et recouvert de cendres. Elle eut l'impression d'entrer en enfer. Elle ignorait encore que chacun de ses pas la rapprochait effectivement de l'enfer, le vrai. Celui des hommes.
Elle aurait voulu qu'on se souvienne d'elle pour autre chose. Sa bonne humeur, ses traits d'esprit, son professionnalisme, sa sincérité... N'importe quoi, mais pas « la sixième victime ». (…)
Elle avait été une bonne personne. Appréciée de tous. Et... c'était tout ! Le résumé d'une vie est parfois si lapidaire que c'en est insultant.
Mais le plus choquant se trouvait au sol. Deux cadavres y reposaient. Trempant dans une mare de sang, ce qui avait été un homme et une femme gisait, déchiqueté.
C'était comme si leur corps tout entier avait vomi muscles, membres, organes et viscères.
Le sang avait donné au plancher de bois une teinte étrange, une patine inquiétante, presque belle. Il s'était insinué dans les nervures, avait coulé entre les lattes. Çà et là, des caillots s'étaient formés. Ou bien étaient-ce des bouts de chair ?
Malgré son expérience, Elisabeth Guardiano était médusée.
- Son portable ? On l'a borné ?
- Commissaire, vous savez le temps que ça prend.
- Si c'est moi qui fais la demande, on l'aura d'ici ce soir, alors magnez-vous. Ses proches ? Quelqu'un chez qui il pourrait trouver refuge ?
- Ses parents habitent Roubaix...
- Paix à leur âme, ironisa Venturi.