La défaite indiscutable, totale, décisive infligée aux Barbares par les Bisons et les Dogs après leur débarquement, le soulèvement magnifique des Lapins de notre capitale, la libération des neuf dixièmes de notre sol par les Bisons, la délivrance du pays des Lionceaux par les Dogs, l’avance foudroyante et irrésistible des Ours à travers la Barbarie, tous ces évènements inouïs que nous attendons depuis plus d’un lustre et qui se précipitaient, fulgurants, en l’espace de quelques lunes, sonnaient bien le glas de la domination du Grand Loup.
La Bête déchainée – dont le règne devait durer mille ans ! était enfin terrassée après cinq années de luttes, de souffrances et de sacrifices de tous les animaux pacifiques. On devinait son agonie toute proche et déjà le régime qu’il avait instauré sentait le cadavre.
Poursuivant plus particulièrement leur vengeance contre certaines tribus d’animaux pacifiques que nous hébergions et à qui nous avions bien souvent ouvert nos portes pour les abriter contre la fureur de la Bête déchaînée, les hordes du Grand loup avaient commencé le plus atroce plan de destruction des races rebelles, dispersant les membres de leurs tribus dans des régions lointaines, séparant les femmes de leurs époux, les enfants de leur mère, visant ainsi l’anéantissement total de ces foules inoffensives qui n’avaient commis d’autre crime que celui de ne pas se soumettre à la volonté de la Bête
Qu'on soit enfant, cheval ou voiture, il faut écouter ses parents, ses maîtres, ses patrons. Certes la fantaisie présente souvent un certain attrait. Il semble qu'en refusant de se soumettre, en se tenant en marge des règles, on se grandisse. C'est une erreur. Ce n'est pas en désobéissant qu'on arrive à l'indépendance. Tout cela est faux. Ce qui est vrai, c'est qu'il faut d'abord apprendre à obéir pour savoir commander plus tard.
Mais ces mesures barbares portaient en elles-mêmes le germe de la révolte. De nombreux lapins de chez nous se refusèrent à partir. Il n'était pas question d'aller crier ce refus à la barbe des loups, car nous étions sans armes. Mais notre beau pays ne manquait ni de montagnes, ni de forêts pour abriter ceux qui ne voulaient pas travailler en Barbarie. Et c'est ainsi que prit naissance le "Maquis", lieu de rassemblement de ceux qui avaient décidé de ne plus se soumettre aux Barbares.
Aux animaux de tout poil.
Nous avons perdu une bataille ! Mais nous n'avons pas perdu la guerre ! Dans l'univers libre, des forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour ces forces écraseront l'ennemi.
Notre patrie est en péril de mort. Luttons tous pour la sauver.
... car chez nous la vie ne va pas sans parlotes et il faut toujours que quelqu'un expose des idées qui ne sont pas celles des autres, et des programmes magnifiques qu'on n'exécutera jamais...
Le Grand Loup, se croyant bien malin, avait aupravant pris la précaution d'aller lécher les pattes du Grand Ours dont la puissance s'étendait bien loin au-delà de la Barbarie.
Finalement il s'arrêta au beau milieu d'une cour de ferme où, après que les phares furent éteints, tout semblait mystérieux. Des ombres inquiétantes s'approchèrent et Rosalie crut entendre que sa présence les tracassait. On ne comprenait pas son obstination à ne pas lâcher son ravisseur. Cela semblait louche. Il était évident qu'on la soupçonnait d'être de la police, d'autant que, sous le coup de l'émotion elle s'embrouillait dans ses réponses.
C'est ainsi qu'on vit des Dogs femelles tourner des obus, conduire des trains, extraire le charbon dans les mines, éteindre les incendies avec une bravoure admirable, faire la police aux carrefours, soigner les blessés et mêmd servir aux armées dans des corps auxilliaires.
Tout est bien qui finit bien, puisque tous nos amis du garage se retrouvèrent au travail dès le lendemain matin. Mais ils avaient frisé la catastrophe, et plus d'un se promit de ne jamais plus quitter le droit chemin de l'obéissance.