Comment lancer sa carrière d'écrivain avec Margot Dessenne
18 mai 2023
Au micro de Lucie Castel, retrouve l'autrice de dystopie Margot Dessenne qui a publié son premier roman Absolu aux éditions Bigbang. Lucie échange avec cette ancienne élève de Licares sur cette première expérience en maison d'édition et sur les stratégies qu'elle souhaite mettre en place pour dérouler sa carrière d'écrivain.
J’ai vu tant de choses, tu sais. J’ai vu les réseaux sociaux naître et asservir les gens. J’ai vu les pandémies enfermer des pays entiers. J’ai vu le changement climatique ravager le monde. J’ai vu la guerre se déclarer à quelques kilomètres de chez moi. J’ai vu l’intelligence artificielle redéfinir notre manière de vivre. J’ai vu les extrêmes monter et diviser les peuples. J’ai vu les femmes perdre des droits fondamentaux sur leurs corps. J’ai vu les murs s’ériger autour des villes et des cœurs. J’ai vu les définitions de l’amour et de la liberté être réécrites encore et encore pour nous opprimer.
D’abord, il y eut le noir et le silence.
Le monde s’était réduit à une immense boîte sombre que quelqu’un déplaçait sans précaution. Le currūs qui nous transportait était plongé dans la pénombre : pas de fenêtre et aucune lumière interne pour nous rassurer. Malgré sa flottaison à près d’un mètre du sol, il s’élevait de temps à autre, comme pour éviter un obstacle. Cela arrivait de plus en plus souvent au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la Zone.
« Parfois, le mieux pour réfléchir était de se concentrer sur autre chose de permettre à ses pensées de voguer en arrière plan, le temps qu’elles trouvent elles mêmes une solution. En tout cas, pour moi, ça avait toujours fonctionné. Et pour ça rien de mieux que la lecture.» (Zuzanna)
Je ne suis plus qu’un souvenir, qu’une illusion, et bientôt, ce sera ton tour. Il n’y a pas d’avenir glorieux qui t’attends, Prym. Juste la mort. Mais ne t’inquiètes pas, le néant est paisible.
Ma babcia me disait, quand je n'étais encore qu'une malec comme toi, qu'on ne doit pas pleurer la mort de ceux qui ont eu le temps de goûter tous les parfums que la vie a à offrir. Au contraire, leur souvenir ne doit évoquer que la joie des moments partagés.
Puis, je me souvins. Je me souvins du noir et du silence. De la peur. De mes doutes. De mon passé. De mes espoirs. De ma promesse. De tout ce que j’avais du abandonner derrière moi. De ces vies que j’aimais et qui ne tenaient qu’a un fil. L’une d’entre elles se trouvait près de moi. Une personne que je refusais de perdre. Et puis, il y avait ce conseil d’un père. Ne pas douter. Plus jamais. J’ouvris les yeux.
Nous étions les rédempteurs. La vingtième génération a fouler ce sol, à franchir ces portes, à prêter serment de réussir ou mourir, vaincre un fantôme ou tomber dans l’oubli.
Son parfum était celui de la forêt. Sa poitrine, je le sentais, se soulevait avec difficulté.
- Tu n'es pas obligée d'être forte tout le temps ou de faire semblant de l'être. Tu as le droit de raquer aussi.
Ma bouche s'entrouvrit, et un hoquet de douleur m'échappa, suivi par des milliers de larmes brûlantes qui s'ecrasèrent contre le tee-shirt de Liba.
Gravez-vous ces mots dans le crâne : vous n'êtes rien. Vous appartenez à Erit corps et âme, et ce tant que vous serez encore capable de respirer. Vous avez accepté de donner votre vie pour votre patrie en entrant dans la Zone. Nous ne vous la rendrons pas tant qu'elle nous sera utile.
Le doute était ce qui me maintenait éveillée la nuit, ce qui m’empêchait de vivre le jour, ce qui me faisait reculer là où je voulais avancer, ce qui étouffait le feu dans ma poitrine, ce qui me tuait jour après jour.