Il n'y qu'à lire le titre et observer la couverture pour deviner que "
La truie, le juge et l'avocat" est sans doute une sorte de satire sociale, ayant un côté probablement insolite, incongru.
Le résumé de la quatrième de couverture, ainsi que la lecture de ce roman graphique le confirmeront. Puisqu'en effet, ce dernier raconte le procès d'une truie, accusée de meurtre, celui d'un jeune cavalier dont le père qui est comte demande que justice soit faite. Tout un chacun sait que cette malheureuse truie sera pendue, voire même brûlée vive, déjà coupable avant même toute forme de procès. Mais ce n'est pas compter sur l'Avocat qui, pour retrouver sa réputation d'antan, se nomme le défendeur de l'accusée.
De là, alors que le procès attirait déjà la foule, c'est à une sorte de spectacle, de mascarade plutôt qu'à un jugement auquel nous assistons. le juge fulmine de ne pas pouvoir annoncer son verdict, le procureur est tourné en ridicule, le peuple change d'opinions sur la truie au gré des nombreux retournements de situation. Parce que même si l'avocat défend la truie pour des raisons qu'on pense douteuses, il faut bien lui reconnaître qu'il la défend sacrément bien notre accusée !
Malgré l'humour quelque peu détourné, où dérision et burlesque se disputent la première place, il y est tout de même question de sujets sérieux : de justice et d'équité avant tout, d'accusation à tort et à travers et/ou sans preuve, de manipulation des petites gens, d'inégalités entre classes sociales, de maltraitance envers les animaux, de la place des femmes et des animaux dans ce monde d'hommes qui se savent supérieurs.
Commençons par le point faible de ce roman graphique, pour finir sur le positif : les dessins. Non pas qu'ils s'adaptent mal à l'histoire, au contraire je trouve qu'ils reflètent d'ailleurs très bien l'ambiance moyen-âgeuse. Mais ils manquent, à mon avis, d'un peu d'originalité, peut-être sont-ils trop épurés, trop simples, peut-être un peu trop secs également.
En revanche, le gros point positif de cet ouvrage, c'est la façon dont sont octroyés des sentiments et des pensées aux animaux. Ainsi on pourra observer la poule et l'oie cancanner, commenter, juger, participer aux rumeurs, ou encore voir notre pauvre truie pleurer sous les coups, s'inquiéter de ses petits seuls à la porcherie. Les animaux, parce que capables d'empathie et d'entraide, de ressentir et de penser, sont rendus bien plus humains que les hommes eux-mêmes, montrés ici sous leur vraie nature. On prend automatiquement partie pour eux et pour les quelques humains qui prennent leur défense, à savoir l'avocat évidemment, le porcher qui gâte sa truie d'affection, et puis aussi la femme du juge (dont j'ai adoré la manière dont elle s'est vengée).
Le dénouement n'est pas du tout celui que j'avais imaginé, peut-être pas non plus celui que j'aurais voulu... Mais la derrière scène, bien qu'horrible, n'en est pas moins terriblement jouissive !
Reçu et lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée, je remercie Déborah de Babelio pour la sélection et les éditions Delcourt pour l'envoi de ce roman graphique à la fois burlesque et allusif, que je n'ai pas vraiment trouvé drôle comme c'était certainement voulu et dont j'ai éprouvé quelques difficultés à me familiariser avec les dessins, mais dont l'intrigue reste tout de même bien menée de bout en bout, faisant preuve d'empathie et de sensibilité envers les animaux, malgré la divergence des thèmes évoqués.