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EAN : 9782384313211
270 pages
Le Mot et le reste (22/03/2024)
4.39/5   55 notes
Résumé :
Près de la frontière italienne, en zone blanche, le village de Tordinona est l’isolement incarné. Voyant la tempête qui se prépare, la patrouille de gendarmerie composée de Marcus et sa cheffe Nadia s’apprête à partir quand le garde-champêtre du village découvre le corps sans vie de la fille du maire. Dès le lendemain, alors que le seul pont reliant le village à la vallée a été détruit par une avalanche, le maire et une partie des villageois s’en prennent à un homme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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La masse critique privilégiée de Babelio, c'est une belle opportunité de lire un livre très récent -- celui-ci a été imprimé en mars 2024 -- mais surtout de tomber sur ce que certains lecteurs appellent des pépites et c'est bien le cas de ce polar en huis clos où le suspense pousse le lecteur à tourner très vite les pages. Je remercie donc Babelio pour cette sélection, les éditions le mot et le reste qui m'ont envoyé le livre et Sébastien Vidal d'avoir écrit un si roman d'une telle qualité.

De neige et de vent déroule tous les fils de ce qui est apprécié dans une lecture où peuvent être satisfaits ceux qui aiment la montagne et la nature, l'intrigue policière qui va ici s'exacerber de manière inattendue, les douleurs et doutes de l'existence, le bien et le mal, la bêtise humaine qui se décuple lorsqu'elle est portée en groupe.

Je pense qu'il ne faut rien dire de l'histoire hormis ce qu'en livre la quatrième de couverture que chacun peut choisir de lire ou non, donc pas de développement de ma part dans ce commentaire.

C'est donc un roman dans lequel de très fortes personnalités vont s'exprimer, des plus douteuses suivre le mouvement de la masse, d'autres plus isolés se démarquer d'une violence injustifiée. Ce texte est porteur d'analyses sociétales assez classiques avec l'ordre déboussolé, les marginaux dangereux uniquement dans l'imagination des bien pensants, l'honneur, les blessures physiques et morales, tous les protagonistes dévoilant peu à peu nombre de secrets, le plus tragique sans doute dévoilé à la toute fin.

C'est aussi un vrai roman de nature writing avec des références au Montana, au Wyoming, à des écrivains comme Richard Wagamese qui est cité par Sébastien Vidal, mais aussi le héros des livres de Craig Johnson non cité mais que ses fans reconnaîtront. Toutes les descriptions de cet enferment montagnard de l'hiver en montagne, le blizzard, l'avalanche contribuent à renforcer l'atmosphère saisissante de ce très beau roman.
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On dira bien ce que l'on voudra des prix littéraires, dont certains d'entre eux font l'objet de polémiques avec des suspicions de collusions et de favoritisme, il n'en demeure pas moins qu'ils projettent, tous autant qu'ils sont, un éclairage bienvenu tant sur la sélection que sur le récipiendaire permettant ainsi de faire basculer le destin d'un livre et de son auteur. Avec l'émergence des centres culturels Leclerc, son dirigeant, grand opposant du prix unique du livre, créait en 2008 le prix Landerneau, du nom de sa commune d'origine, se concentrant tout d'abord sur la littérature blanche, jusqu'à ce que d'autre genres apparaissent quatre ans plus tard, à l'instar du prix Landerneau polar qui est l'un des premiers événements importants de l'année célébrant la littérature noire. Parmi les lauréats figurent quelques figures imposantes du roman policier ou du roman noir telles que Hervé le Corre, Sandrine Collette, Colin Niel, Gwenaël Bulteau ainsi que l'ancien policier Hugues Pagan. Pour l'année 2024, c'est Sébastien Vidal, un autre membre des forces de l'ordre, au sein de la gendarmerie cette fois où il a officié durant 24 ans, qui obtient le prix Landerneau polar avec de Neige Et de Vent publié auprès de la maison d'éditions indépendante le Mot et le Reste qui a déjà édité deux autres de ses romans Ca Restera Comme Une Lumière (Le Mot et le Reste 2021) et Où Reposent Nos Ombres (Le Mot et le Reste 2022). Il est également l'auteur d'une trilogie mettant en scène l'adjudant de gendarmerie Walter Brewski enquêtant dans la région de la Corrèze où le romancier a d'ailleurs élu domicile, ce qui explique sans doute cette prédominance aux ambiances rurales qui imprègnent l'ensemble de son oeuvre et plus particulièrement de Neige Et de Vent dont la magnificence du cadre hivernal se situe à la frontière naturelle que forme les Alpes entre la France et l'Italie.

Dans cette région reculée des Alpes, le village de Tordinona constitue la dernière localité avant le col conduisant vers l'Italie et qu'empruntent Victor Pasquinel, travailleur itinérant accompagné de son chien Oscar. Tant bien que mal, ils se frayent un chemin dans cette accumulation de neige tandis qu'une tempête s'abat sur la région les contraignant à trouver refuge dans l'unique café du village. Au même moment, le garde champêtre découvre le corps sans vie de la fille du maire ce qui suscite un regain d'émotion tandis que la bourgade se retrouve soudainement coupé du monde, suite à une avalanche qui emporte le pont, unique voie d'accès vers la vallée. Marcus et Nadia, composant la patrouille de gendarmerie également bloquée dans la localité, vont devoir s'interposer pour empêcher les habitants bien décidés à faire justice eux-mêmes en s'en prenant à ce voyageur égaré qu'ils considèrent comme le meurtrier tout désigné. Sous la conduite du maire, les hommes armés vont donc assiéger la mairie, où Nadia, Marcus et Victor ont trouvé refuge, en employant tous les moyens pour les déloger. S'ensuit un rapport de force de plus en plus tendu jusqu'à l'inévitable confrontation qui va faire parler la poudre. Sera-t-il possible alors possible de faire marche arrière et de revenir à la raison au sein de cet environnement à la fois hostile et isolé où la loi n'a plus cours ?

Il faut se féliciter de cette mise en avant providentielle d'un roman tel que de Neige Et de Vent nous permettant ainsi d'apprécier l'écriture somptueuse de Sébastien Vidal, possédant l'indéniable talent, pas si évident que cela, de décliner une histoire d'une belle intensité en conjuguant l'introspection de ses personnages avec la description subtile de paysages rudes qui les enture et dont l'ensemble est entrecoupé d'une succession de confrontations aussi vives que brutales s'inscrivant dans un registre extrêmement réaliste. D'entrée de jeu, le romancier pose le cadre de cette oppression hivernale au gré d'une tempête de neige s'abattant sur cette localité de Tordinona dont le nom fait certainement référence à cet ancien quartier de Rome abritant une prison avant que l'on y bâtisse le premier théâtre public de la cité. Et c'est bien ce qui apparaît au détour de cette dramaturgie aux allures de western contemporain se déroulant dans cet environnement à la fois majestueux et sans issue présentant ainsi l'aspect d'une prison à ciel ouvert. A partir de là, émerge du texte une force évocatrice troublante, imprégnée parfois d'une note poétique nous permettant de saisir immédiatement cette ambiance à la fois âpre et puissante qui plane sur l'ensemble du récit. Il y est donc bien évidemment question de nature, mais également de nature humaine avec tout ce qu'elle a de plus atavique autour de cette communauté repliée sur elle-même n'acceptant pas la différence et observant d'un très mauvais oeil celles et ceux qui n'appartiennent pas à leur monde à l'instar du maire Basile Gay, figure toute-puissante du village et incarnation des dérives et de la folie qui embrasent les habitants dès lors que la colère les submerge à la suite du drame qui le touche. Entre chagrin et fureur, on apprécie le caractère nuancé du personnage dont on découvre le désarroi lorsqu'on le retrouve dans l'intimité de la chambre de sa fille désormais disparue à se remémorer quelques souvenirs épars tout en distillant sa haine de l'étranger et également de l'autorité qui entend se mettre sur son chemin de justicier vengeur. Ainsi, Sebastien Vidal, bâtit une intrigue aussi classique que solide où les événements s'enchainent dans une escalade d'affrontement mettant en scène Victor, cet homme de passage, dont le profil présente quelques similitudes avec son auteur et plus particulièrement sur le sujet de l'écriture, tandis que les deux jeunes gendarmes que sont Nadia et Marcus évoquent sans nul doute quelques réminiscence de son ancien métier au sein des forces de l'ordre avec cet idéal et les valeurs qui en découlent. Mais au-delà, de ces nobles sentiments, il y a la violence et les doutes qui jaillissent et ceci plus particulièrement pour Marcus s'interrogeant sur le sens de la mission et de sa capacité à l'accomplir en surmontant l'adversité. Il en va de même pour ce mystérieux vétéran qui voit dans cette flambée de violence, l'occasion de protéger les plus faibles ce qu'il n'a pas forcément eu à faire lorsqu'il était engagé sur les conflits. Tout cela, Sébastien Vidal l'intègre au gré d'un récit au lyrisme dynamique, qui nous questionne en permanence sur notre rapport à l'autre dans un contexte où les règles n'ont plus cours en libérant ainsi la part sauvage de l'homme, que ce soit pour le meilleurs et pour le pire.


Sébastien Vidal : de Neige Et de Vent. Editions le Mot et le Reste 2024.

A lire en écoutant : Neve (Versione Integrale) d'Ennio Morricone. Album : Quentin Tarantino's The Hateful Eight (Original Motion). 2015 Cine-Manic Productions Limited.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Un voyageur et son chien. Deux gendarmes. Un village perdu à la frontière franco-italienne. le corps d'une adolescente découverte par le garde champêtre. Un drame qui va faire basculer le village de Tordinona dans une violence extraordinaire.
Pour ce village isolé, peu habitué à voir des étrangers, le coupable est tout trouvé : il s'agit du voyageur basané. D'autant que le père de la victime est le maire de la commune. Un colosse de près de deux mètres qui a bien l'intention de rendre la justice à sa manière, aidé dans ses oeuvres par sa fidèle escouade de chasseurs et d'employés fidèles. Il s'en est effectivement fallu de peu que Victor se retrouve pendu au bout d'une corde. Heureusement pour lui, Marcus et Nadia, les deux gendarmes, sont intervenus à temps. Mais le maire a bien l'intention de ne pas en rester là, quitte à considérer les deux militaires comme de simples dégâts collatéraux. Compte tenu de la météo défavorable et d'une avalanche qui a bloqué l'accès au village, la seule solution pour le trio afin de se protéger de ces hommes armés et déterminés, est de se barricader dans la mairie en attendant que l'orage passe. Ils ne sont malheureusement pas au bout de leur peine.

Je découvre avec un plaisir non dissimulé cette nouvelle plume qui vient d'être récompensée par le Prix Landerneau Polar 2024. le corrézien fait mouche avec ce roman parfaitement calibré qui allie un scénario sans faute nous réservant son lot de rebondissements avec une atmosphère angoissante accentuée par cette neige omniprésente qui change les repères et vient à couper du monde ce village. Cette neige et ce vent impétueux qui apportent le chaos climatique alors qu'un esprit de vendetta a déjà gagné les hommes du village. Capables des pires extrémités en toute impunité dans cet univers en forme de huis clos.
L'auteur montre ainsi les dégâts de l'intolérance dans un milieu refermé sur lui-même. La haine qui gagne sur la raison même si l'auteur nous réserve quelques ( belles) surprises en forme de contre pied à cette masse agissante et rugissante sous l'emprise d'un homme qui a perdu tout discernement. Comme si le Bien ne pouvait que vaincre le Mal au final.
Je recommande .

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« De neige et de vent » se déroule près de la frontière italienne, dans le petit village de Tordinona. le lieu importe peu finalement, puisque, si je ne m'abuse, il est fictif. Seul le « Teatro Tordinona », théâtre situé à Rome, construit en 1670, puis reconstruit trois fois, ayant changé de nom plusieurs fois, dispose aujourd'hui de trois salles d'exposition dont l'une porte le nom d'un illustre dramaturge, Luigi Pirandello. Heureux hasard ou coïncidence, Tordinona est précisément le lieu où se joue une pièce de théâtre grandeur nature, où les acteurs de l'intrigue imaginée par Sébastien Vidal pourraient être vous et moi. Car, dans ce microcosme, miroir de notre société, fleurissent nos humanités, qu'elles soient abjectes ou honorables.

Ce qui distingue Tordinona de n'importe quel village est son emplacement où un seul pont permet de s'en échapper. Isolé, en zone blanche, entouré de montagnes, il est aisé d'en demeurer prisonnier. Ce sont précisément des conditions météorologiques dantesques « De neige et de vent » qui vont séquestrer ses habitants du reste du monde. « Le blizzard furieux malmène les flocons qui grêlent les murs et les toits, piquent avec acrimonie leur visage, tout est balayé et bouleversé. le hurlement de la bise qui se prend dans les gouttières et les branches dépouillées agresse les tympans, la lumière donne l'impression de mourir. de sombres nuages obèses formant un vaste océan aux limites inconnues compriment le village. le clocher a désormais disparu dans leur ventre et on ne sait plus où commencent les rafales de neige et où finit le ciel, plus bas que jamais. » Parallèlement, Marcus et Nadia, gendarmes, vont être appelés par le garde champêtre sur les lieux d'un drame : le corps d'une jeune femme a été retrouvé, sans vie. Il s'agit de la fille du maire, Basile Gay.

À Tordinona, plusieurs camps s'affrontent : les anciens et les néoruraux. Les premiers vivent là de père en fils depuis le dix-neuvième siècle. Des bourrus, des taiseux, aux coeurs aussi durs que la roche. Leurs femmes sont dévouées, soumises, l'émancipation a raté le virage du village. Les seconds ont repris une ferme, élèvent des chèvres et des brebis, font du fromage et ne sont pas acceptés par les habitants. « Ici, on n'aime pas le changement, donc on n'aime pas les étrangers, même les touristes, qu'ils aillent se faire escroquer ailleurs. » Alors, quand Victor Pasquinel, voyageur « de passage où il ne fallait pas » arrive dans le bourg avec son chien, on ne peut pas vraiment dire qu'il soit accueilli les bras ouverts… La découverte d'un cadavre catalyse une multitude d'émotions, et pas seulement les plus positives.

« De neige et de vent » est un huis clos où la notion de justice n'existe plus et où les haines suscitées par la méfiance de l'autre prennent toute la place. « Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. », si ce n'est ton frère, c'est ton voisin, ou ces néoruraux « ces accidents de la nature » qui empoisonnent notre manière de vivre, ou encore cet étranger qui a franchi le pont de la ville récemment. C'est l'heure du déchaînement des haines déclenché par ce décès incompréhensible. La mort de Caroline n'est d'ailleurs qu'un prétexte à cette étude sociologique où la fourmilière s'agite, retirée des règles sociales de base à cause d'une mauvaise tempête. »(…) on serait plutôt dans un état ségrégationniste américain quelque part à la charnière des années cinquante-soixante. Au point où ils en sont, ils vont arborer des cagoules pointues et enflammer des croix devant les maisons de ceux qu'ils détestent. » L'observation de ce déchaînement de la nature humaine est aussi passionnante que pathétique, ceux qui pensent être dans leur bon droit face à ceux qui défendent le droit. Un maire omnipotent, deux gendarmes blessés par la vie, mais combatifs et déterminés, des villageois résignés et manipulés.

Sur la grande scène du théâtre de la vie, « De neige et de vent » est un flocon de neige presque insignifiant, mais pourtant fort révélateur de ce dont l'homme est capable, livré à lui-même. Sébastien Vidal y développe la peur de « l'étranger », la haine de la différence, l'apogée d'une forme d'extrémisme, la violence exacerbée, le désir de vengeance qui vient balayer toute raison. Dans l'esprit des grands romans américains, une large partie est consacrée au décor, cette nature qui reprend ses droits et vient ensevelir les dernières onces d'humanité. « La malédiction de ce lieu est le manque, le manque d'amour et le manque de mots. Il n'y a que le vent, qui ne fait jamais que passer, pour pousser son hurlement et enfreindre la règle de la saison froide et muette. » Au-delà de la poésie qu'il manie avec grande dextérité pour décrire l'environnement, quand tous sont retirés du monde et ne rêvent que de vengeance, seuls les deux gendarmes profitent de cette opportunité pour faire le point sur leurs existences. Nadia touchée dans sa chair, Marcus dans son esprit. Leur retranchement forcé dans ce monde où tout va trop vite permet ce temps d'introspection dont ils sont si cruellement besoin. Pour Victor, l'homme à protéger, l'observation de sa conscience et le souvenir de ses voyages passent par l'écriture. Il tient un carnet où se mélangent textes divers, poèmes et pensées. Même les « âmes grises » de ce village n'ont pas le pouvoir d'arrêter ses mots. « Il se dit que la vie des humains devrait être rythmée par ces deux évènements fondamentaux que sont l'horreur et le crépuscule. La Grande Parenthèse dans laquelle se développe la Vie. Ce serait un beau moyen de reprendre contact avec leur origine, la Nature. »

« De neige et de vent » prend souvent la forme de toiles que l'on visite en arpentant le roman. Les tableaux se succèdent, jour, nuit, jour, nuit, mais je souhaite insister sur l'écriture de Sébastien Vidal qui autorise ce prodige : « Le jour est là, la nuit s'est réfugiée dans les sous-sols, dans les greniers et les caves humides. Elle s'est repliée au plus profond des forêts, sous la neige et peut-être aussi dans le tunnel. Elle n'est pas partie loin car elle sait que l'intermède sera bref. La lumière qui ratisse le village tombe de fatigue. Grise, lente, dessinée au crayon de papier. Elle jette sur toute chose un masque de mort, une allure affligée d'exister. », la nature se façonne pour prendre des allures humaines, « Les ventres blancs marbrés de noir des bouleaux accentuent le tableau morne qui se peint et se dépeint sans cesse. On dirait qu'ils pleurent et que du rimmel coule sur leurs troncs d'un marmoréen sale. », la neige et le vent écrasent tout, les contours des lieux, les paysages, les hommes et leur raison. « La neige recouvre le village. Tout est blême. Les turbulences du vent augmentent. L'océan de nuages est si bas qu'il projette une couleur écrue, parcourue de veines grises et noires. La lumière rasante donne une impression d'épuisement. »

Grâce à une écriture riche et évocatrice, Sébastien Vidal dépeint le décor hivernal impitoyable qui enveloppe le village, créant ainsi une atmosphère sombre et oppressante. Les descriptions minutieuses des paysages enneigés et des tempêtes de vent renforcent le sentiment d'isolement et de désespoir qui imprègne le récit. « De neige et de vent » se présente comme une exposition de toiles où chaque tableau dépeint une scène saisissante, où les éléments naturels semblent refléter les tourments intérieurs des personnages. L'écriture de Sébastien Vidal offre une immersion totale dans ce huis clos oppressant, où les émotions et les doutes des personnages s'entrelacent avec la force de la tempête qui fait rage à l'extérieur. Même dans cette lumière épuisée, l'auteur souligne la résilience de ces trois personnages retranchés, déterminés à vaincre la folie des hommes. « C'est Soulages qui doit être aux manettes, et dont Marcus acquiert la certitude qu'il y aura, à un moment donné, un trait de lumière sublime. » Si la lumière semble faible ou éteinte, elle offre pourtant un contraste saisissant avec l'obscurité d'une situation sombre et désespérée.

Découvrir la plume de Sébastien Vidal c'est comme se laisser envelopper par les rayons d'une flamme douce et apaisante dans un paysage enneigé et déchaîné. Chaque mot est une étincelle de poésie qui réchauffe l'âme et éclaire les recoins les plus sombres de l'histoire.
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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« La vengeance vient comme la brise, elle repart comme le tonnerre. »

L'inscription à l'entrée du village était pourtant claire, ici à Tordinona l'accueil ne sera pas des plus chaleureux : « VOUS POUVEZ ENCORE FAIRE DEMI TOUR ».

Contraint de trouver rapidement un refuge à cause d'une tempête de neige, un voyageur va pourtant oser passer outre l'avertissement. Son espoir, trouver un toit pour s'abriter pour la nuit. C'est sans compter sur le « sens de l'accueil » plus que relatif pour ne pas dire inexistant des habitants.
Au même instant, deux gendarmes sont en visite dans le village pour y rencontrer le maire dans le cadre d'une de leur patrouille habituelle.

Les conditions météorologiques deviennent alors apocalyptiques. Une avalanche détruit la seule route d'accès à Tordinona bloquant ainsi ensemble villageois, voyageur et gendarmes. Bientôt l'électricité est coupée, puis c'est au tour des lignes téléphoniques. le piège se referme.

« C'est un vent féroce. C'est un hurlement. C'est un lieu perdu. La bise violente une armée de flocons affolés. Elle passe en sifflant comme un serpent sur un corps à demi enseveli dans la neige. Sous son souffle, une mèche de cheveux se soulève et frémit. À côté de la tête dont les yeux éteints fixent le ciel, une larme rouge cinglante sur les cristaux blancs ; une unique goutte de sang figée par le froid. »

Comme si la situation n'était pas assez difficile, on retrouve le corps sans vie de la fille du maire. Pour ce dernier le coupable est tout désigné, il s'agit forcément du nouvel arrivant. Aveuglé par la douleur, la colère et surtout par sa haine de « l'étranger », il entraine avec lui une partie du village dans une vengeance aussi violente qu'impitoyable.

Sébastien Vidal excelle à faire entrer le lecteur dans son huis-clos oppressant grâce notamment au soin apporté pour décrire l'atmosphère des lieux, mais aussi la force des éléments. Ça souffle fort, le froid est cinglant, la nuit noire et profonde. On sent l'amateur de nature writing tant ses descriptions sont soignées, souvent très contemplatives, voire poétiques. C'est pour moi le gros point fort de ce roman.

J'ai en revanche quelques réserves sur le village en lui-même. L'auteur m'a semblé y aller parfois un peu fort sur le côté bas du front, barbares et ultra racistes des habitants de Tordinona. Par contre la contamination insidieuse à tout le village de la vengeance et de la violence est très intéressante et raconte bien les rancoeurs qui gangrènent les hommes au fil des années.

Cette exagération se retrouve aussi dans l'intrigue qui connait, surtout vers la fin, des rebondissements pas toujours très crédibles. Pour autant l'histoire est prenante, sans temps mort et profite bien de ce format plutôt court.

Merci à Wyoming dont le billet m'a permis de découvrir ce roman et cet auteur. Charmée par le style de Sébastien Vidal, j'irai certainement piocher de prochaines lectures dans ses autres livres.
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critiques presse (1)
Actualitte
19 mars 2024
Un roman noir au style fluide — avec un vocabulaire riche, des phrases longues et une syntaxe soignée, ce qui ne gâche rien, bien au contraire. Le lecteur navigue au fil d’une intrigue où les interactions ambiguës entre les personnes creusent le malaise. L’omerta est de mise.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
Chacun se replie sur lui-même pour s'éloigner de la réalité, pour se donner un peu de trmps avant d'accepter la situation. Comme un fol hirsute marchant dans la rue avec une cloche et un écriteau pour annoncer la fin du monde, le blizzard lance des incantations sur la montagne. Il pèle les contreforts, cisaille des arbres et cloue les rêves au sol. Sa puissance tue dans I'oeuf toute volonté d'opposition, il est vif, véloce, il peut deraciner un sapin comme on arrache un brin d'herbe. Il plane très haut sur les massifs, hors de la vue humaine il râpe les sommets et décapite leur coiffe de neige glacée en hurlant dans les aigus. Tout ce qui vit au-dehors est soumit au joug du vent déchaîné, et chaque animal attend, en boule dans le moindre abri, que la colère d'Éole faiblisse. Sa voix lugubre et omniprésente sape le moral des trois assiégés, parce que c'est ce qu'ils sont, des assiégés. Sa mélopée a des allures d'oraison funèbre et Marcus a de plus en plus l'impression qu'elle s'adresse à eux.
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Le jour est là, la nuit s'est réfugiée dans les sous-sols, dans les greniers et les aves humides. Elle s'est repliée au plus profond des forêts et peut-être aussi dans le tunnel. Elle n'est pas partie loin car elle sait que l'intermède sera bref. La lumière qui ratisse le village tombe de fatigue. Grise, lente, dessinée au crayon de papier. Elle jette sur toute chose un masque de mort, une allure affligée d'exister. Les toits alourdis de neige donnent I'impression de s'affaisser. Les façades en pierre paraissent plus sombres, pareilles à des entrées de cimetières. Il n'y a pas un être vivant qui se signale, pas même un animal ou un choucas, ce corbeau des altitudes habitué à toiser les humains, drapé dans son silence, dont la robe noire a toujours alimenté les croyances les plus sombres. Les bourrasques poudrent I'air de flopées de flocons, c'est presque des spectres qui se lèvent de l'amas blanc et prennent forme, s'agitent un instant dans un mouvement quasi humain et disparaissent si vite qu'on doute de ce qu'on a vu. Avec la fatigue, avec la lumière cassée qui rase le sol, Nadia a l'impression de sentir le mal palpiter à Tordinona.
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Ils contemplent la fin du monde rétrécie au périmètre du village, ce cloaque où infusent de vieilles haines et d'anté-diluviennes peurs. ll n'y a rien à dire, simplement le reconnaître et décider de la personne que l'on veut être. La bise est inépuisable, elle attaque et attaque encore, soulève, remodèle et bouscule. Les pays ventés portent en eux une résignation, la fatalité du vent qui sera toujours supérieur, contre lequel on ne peut rien d'autre qu'endurer, la tête baissée et les yeux plissés, les oreilles saoules de son hurlement. Le vent harceleur et invisible, gourou des grands espaces qui égrise les patiences, érode les volontés et finit par tout désagréger. A cet instant où le jour se ratatine et se meurt, ils ressentent tous les trois une mélancolie aussi violente que passagère, un moment de faiblesse corrélé aux décibels du blizzard et à la fuite de la lumière, La nuit est en route et elle est en avance. Elle n'apporte que l'angoisse, des questions, une promesse de fatigue et des fantômes.
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Contrairement aux humains la douleur n'a pas besoin de dormir, elle est à l'ouvrage à chaque seconde, tant que sa cible est vivante, elle vit et mâche, déchire, lamine avec une patience qui décuple sa force et son endurance. Et elle rit de son labeur, parce que, luxe suprême, quand sa proie est morte au bout d'une interminable agonie, elle se transmet aux proches et peut continuer son œuvre d'élision. Seule la parole peut la tuer, mais quand il en bave, l'humain se mure souvent dans le silence et bâtit ainsi son propre tombeau.
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La tempête a façonné la neige et des congères se sont formées à certains endroits comme des vagues immobiles. La lumière se retire alors qu'elle n'est jamais vraiment arrivée. Les replis obscurs gagnent en profondeur, des recoins deviennent impénétrables, et, si cela est possible, le village se fait encore plus triste et morne. Ils ne disent rien parce qu'il n'y a rien à dire d'autre que des banalités, et ils en ont trop prononcé et trop entendu au cours de leur existence. À cet instant où ils ont la sensation de flotter, ils n'ont besoin que de silence, ce silence qui n'est rien d'autre que l'absence de mots et qui leur fait une belle couverture qui protège et tient chaud. Victor réfléchit à ce concept de silence. Oui, pour lui, ce n'est que ça, l'absence de paroles. Le silence idéalisé, celui que l'on voudrait absolu, n'existe pas. Il y a toujours un son, son, un bruit, même atténué. La forêt, que l'on considère comme étant l'endroit sacré du silence, est un des lieux naturels les plus bruyants au monde. Les oiseaux piaillent, les troncs des arbres grincent, le vent et la simple brise animent les ramures pour en faire un orchestre incomparable. Seules les bouches scellées et les langues inertes fabriquent le silence immaculé. Dans ce vide, dans cette absence, naissent des choses fabuleuses. Nous sommes donc les maîtres du silence.
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