Je suis tombée sur Ethelred Hengist Tressider, par le biais de ma copine babeliote nameless ( tous ses billets ne sont que tentations, je résiste, mais là j'ai succombé ).
Ce monsieur au nom long et compliqué, Ethel… Red … ou Reddy Baby, pour les intimes, est un écrivain; en faites trois écrivains. Il écrit sous trois différents pseudos , dont un nom de femme, des navets dans différents genres, des policiers, des policiers historiques ( toujours la même période, celle du règne de Richard II, car il n'a aucune envie d'approfondir ses connaissances sur d'autres périodes ), et des romans d'amour. Son agent littéraire pour les trois, est Elsie. Elsie, carbure au chocolat, méprise les écrivains, et est un as pour vendre des livres qu'elle qualifie de "dog's crap" (m....de chien ), dont elle méprise encore plus les lecteurs. Voilà pour le décor.
Quand à l'histoire, l'auteur de polar est lui-même incriminé dans le genre d'histoire qu'il a l'habitude d'écrire......Son ex-femme, Geraldine, “zeu bizines vumen” qui habite Londres, vient d'avoir la mauvaise idée de disparaître, laissant à l'abondon sur une plage du Sussex une Fiat rouge louée et une lettre d'adieu au "Monde cruel ".....non loin d'où il habite.
Le titre de la v.o. “The Herring seller's apprentice “ est très explicite pour le fond et la forme du récit. Herring seller (vendeur de hareng ) est le surnom donné par son ex à EHT, « herrings », faisant référence aux fausses indices que sèment les auteurs de polars dans leurs livres ( red herrings, plus précisément ). Quand à l'«apprentice »( l'apprenti) c'est Elsie, la vraie star du livre, qui décide d'enquêter sur cette disparition qui pourrait éventuellement leur rapporter gros dans le cadre des “dog's crap”. Alternant les deux personnages comme narrateur, l'auteur nous plonge dans un océan de « herrings ».....
Un livre intéressant où Tyler L.C., se défoule à travers Ethelred, sur sa propre expérience d'auteur de polar, ses astuces, ses incidents de parcours et ses frustrations d'écriture . Souvent l'histoire prend son propre envol, et une tournure non planifié d'avance, le caractère principal échappant à l'auteur et poursuivant sa propre voie ("some of my more villainous characters, who would sell their own grandmothers, prove strangely incapable of telling a direct lie" *).
Lu en v.o. j'ai aimé la prose élaborée, où l'humour ne tombe jamais dans le vulgaire, et le petit air de vintage qui donne un faux air d'intemporalité , si ce n'était quelques indices sur les nouveaux gadgets de communications. Une agréable lecture, très divertissante, dans le fond et la forme.
*Certains de mes plus vils personnages , qui auraient pu vendre leur propre grand-mère, étaient étrangement, dans l'incapacité de mentir d'une façon directe.
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« Nous espérions que vous pourriez nous en dire un peu plus, monsieur. Voyez-vous, avant de disparaître, Mme Tressider a laissé dans sa voiture ce qui ressemble fort à une lettre d’adieu. »
J’opinai du chef.
« Et alors ?
– Nous avons retrouvé sa voiture tout près d’ici… Près de la plage de West Wittering. »
Je me rassis.
« Nom de Dieu ! m’exclamai-je.
– En effet. Ça fait une trotte de venir jusqu’ici depuis le nord de Londres pour se suicider. Bien sûr, ça peut parfaitement être une coïncidence, le fait que vous viviez dans le West Sussex et qu’elle laisse sa lettre d’adieu dans le West Sussex. Mais vous comprenez pourquoi ça nous a paru bizarre, si vous voyez ce que je veux dire. »
Et voilà, il ne pouvait pas s'empêcher de me rappeler cet épisode douloureux de mon passé. Bien que ma mémoire se détériorât avec l'âge, il était peu probable, à priori, que j'aie pu oublier que mon meilleur ami s'était tiré avec ma femme.
"Tu m'as piqué la seule femme que j'aie jamais aimée, si on ne compte pas ma maîtresse de primaire, précisai-je. Et peut-être bien la seule qui m'ait jamais aimé. A part ma mère, à la limite, et encore, elle était assez évasive sur ce point (...)"
– Pourquoi faire réparer sa voiture quand on a le projet de se suicider ? »
C’était une remarque assez pertinente, et j’aurais bien aimé avoir Geraldine dans les parages pour savoir quoi en penser. J’avais presque trouvé quelque chose à dire lorsque Elsie décida de répondre à sa propre question.
« J’ai trois théories, décréta-t-elle en décomptant les hypothèses une par une sur ses petits doigts potelés. La première : elle s’est effectivement foutue en l’air, et elle l’a fait dans le Sussex pour t’infliger autant de chagrin que possible. Mais ça n’explique pas le problème de la voiture disparue, donc je n’y crois qu’à moitié. D’où ma deuxième théorie : elle ne s’est pas du tout foutue en l’air mais elle est parfaitement vivante en train de se payer notre tête au comptoir d’un bar quelque part.
– Et pourquoi donc ?
– Je n’en sais rien. Peut-être qu’elle a laissé une fausse lettre d’adieu et qu’elle s’est tirée pour éviter ses créanciers. Ou peut-être qu’elle a juste fait ça pour se marrer.
– Donc, je résume : ou bien elle s’est tuée, ou bien pas. Ça ne fait jamais que deux théories.
– Je n’ai pas fini, me coupa Elsie. C’est moi, le détective, pour l’instant. Toi, tu n’es tout au plus qu’un suspect.
– Pardon, répondit le suspect.
– Théorie numéro trois : peut-être que quelqu’un l’a tuée et a déguisé son crime en suicide.
– C’est possible, concédai-je avec un léger haussement d’épaules parfaitement maîtrisé.
– Non, justement, ce serait trop beau, soupira Elsie. Toutes ces petites manigances, c’est du Geraldine tout craché. Prends la voiture qui a disparu : des jantes en alliage léger, en plus ! Il n’y a vraiment que Geraldine pour se donner la peine de changer de voiture. Pareil pour la lettre d’adieu : “Je me suis envolée pour un monde meilleur.” Tu m’étonnes ! Elle s’est tirée, ouais. Je ne croirai pas à sa mort tant que je n’aurai pas vu le cadavre. Et même là, j’aurai des doutes.
Elle (Elsie) me ramena dans le salon et me planta devant la bibliothèque.
- Qu'est-ce que tu vois ? Et ne me dis pas "des livres"ou je te coupe la bite avec une scie rouillée.
Je gardai le silence. Cela me semblait l'option la moins risquée.
J'ai toujours été écrivain.
J'ai écrit mon premier roman à l'âge de 6 ans. Il faisait sept pages et demie et racontait l'histoire d'un pingouin, qui se trouvait avoir le même prénom que moi, et d'une femelle hérisson, qui se trouvait avoir le même prénom que ma maîtresse d'école. Après avoir surmonté quelques difficultés et malentendus mineurs, ils devenaient amis et vivaient heureux jusqu'à la fin de leurs jours : mais leur relation était, comme il se doit, entièrement platonique. A l'époque, les rapports hérissons/pingouins me paraissent des sources d'intrigues infiniment plus riches que les rapports filles/garçons