Ann Scott a été un phénomène de librairie il y a plus de vingt ans en publiant
Superstars, un immense succès public et critique. Depuis elle n'a jamais retrouvé cette énergie et cette flamme qui a fait d'elle un auteur culte sur la foi d'un seul livre, et chacun des textes qu'elle a publié par la suite ont essayé de ranimer en vain cette vigueur.
Les Insolents raconte la fuite d'Alex, compositrice de musique de films dans une maison au bord de l'océan atlantique avec ses guitares et toutes ses affaires. Ravie de redécouvrir une denrée rare (le silence), elle est également l'archétype de la néorurale qui comprend que la vie à la campagne quand on est seule et pas du tout préparée est compliquée : allumer un feu, vivre sans voiture dans un trou paumé, qu'une maison mal isolée en bord de mer est catastrophique pour le linge, savoir changer une bouteille de gaz sous peine de voir son repas à moitié cuit… Cette chronique est entrecoupée par la vie de ses amis restés à Paris, Jacques, un homosexuel qui couche avec des mannequins, et Margot, rongée par l'anxiété. Et par les propos de Léo, un jeune homme qui a travaillé dans la Silicon Valley et se réfugie chez sa mère suite à une agression qui flashe sur Alex. Alex, c'était le prénom du musicien star dans
Asphyxie, celui porté par la DJ ex de Louise dans
Superstars, on peut en déduire que pour
Ann Scott, quand on bosse dans le domaine, on s'appelle Alex.
Les Insolents, c'est le désenchantement des quinqua dans les années 2020, les quinqua qui ont toujours travaillé dans la musique, la mode, la culture, qui voient leurs idoles mourir les unes après les autres et ne plus être remplacées par des artistes substantiels. C'est cet angle que nous suivons, et il n'est pas inintéressant quand on sait qu'
Ann Scott a longtemps été une amie de
Virginie Despentes (elles ont d'ailleurs publié toutes deux leurs premiers romans chez
Florent Massot à peu près à la même période) : cette génération d'auteurs amenant colère et goût de la référence musicale et cinématographique, souvent absents des romans français, et qui a conquis une frange de lecteurs ayant l'impression qu'on leur parlait enfin. Comment vieillissent ces auteurs ? L'an passé, Despentes avait globalement déçu avec son
Cher connard dont l'intrigue paresseuse et les propos vus et revus n'avaient plus la force des livres précédents. Pour
Ann Scott, c'est le même problème : hormis quelques réflexions désabusées plutôt bien vues sur le deuil d'un certain mode de vie et d'amitié, le livre ne va pas bien loin et tourne rapidement en rond, avec un final typique de l'auteur qui ne savait pas comment finir son livre. Notons qu'Alex n'achète pas de vélo pour se déplacer et préfère appeler un taxi pour faire les courses, mais finit par refuser de chauffer sa maison parce que ça coûte trop cher et qu'elle est trop humide, son meilleur qui a une maison dans la Drôme paie 1h30 de trajet de taxi entre la gare et sa résidence secondaire sans sourciller, donnant à l'ensemble une drôlerie peut-être involontaire des gens qui veulent la campagne profonde sans passer le permis.