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EAN : 9782070368686
220 pages
Gallimard (18/02/2000)
3.73/5   538 notes
Résumé :
« Qu'est-ce que tu m'as fait ? Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives. Je te vois partout, je vois ton ventre, ton sale ventre de chienne, je sens ta chaleur dans mes mains, j'ai ton odeur dans les narines. J'ai couru jusqu'ici, je ne savais pas si c'était pour te tuer ou pour te prendre de force. Maintenant, je sais. (Il la lâche brusquement.) Je ne peux pourtant pas me damner pour une putain.»
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Combien de gens ne sont courageux qu'en l'absence de danger, ou généreux seulement quand personne n'est disponible pour recevoir leur don ? C'est bien beau de brandir des valeurs à tout bout de champ lors de conversations, mais c'est seulement dans les actes qu'on découvre vraiment ce que vaut la personne.

Sartre explore ce thème dans deux pièces de théâtre : dans « La putain respectueuse », un groupe d'hommes blancs agressent deux noirs dans le train pour le plaisir du lynchage. L'un deux parvient toutefois à s'enfuir, mais est poursuivi sous le prétexte qu'ils ont tenté de violer une femme dans un wagon. Ceci dit, la dite femme, une prostituée, contredit cette version des faits et est prête à témoigner devant un juge. L'agresseur, un fils de sénateur issu d'une grande famille de la ville, ne semble pas devoir craindre grand-chose à première vue : quand on vend son corps toute la journée, on ne doit pas faire beaucoup de difficulté pour vendre ses valeurs morales. La partie sera cependant plus serrée que prévu…

Dans « Morts sans sépulture » un groupe de résistant est capturé par les allemands. Chaque membre est torturé par des collabos pour lui faire avouer le nom de son chef de cellule. Ironie du sort, le chef en question est présent dans la même prison qu'eux, simplement arrêté pour vagabondage, et probablement libre sous peu. Devant lui, chacun s'interroge sur son propre courage, l'importance ou l'insignifiance du sacrifice qu'il est en train de faire, et quel sens lui donner.

Deux pièces qui forcent à l'introspection, avec une conclusion douloureuse : on ne connaît pas vraiment le poids de nos valeurs tant qu'elles n'auront pas été mises à l'épreuve. Beaucoup de gens mourront sans avoir à subir ce test, et c'est tant mieux pour eux. Pour les autres, leur existence se résumera sans doute à ces quelques minutes de vie qui font toute la différence entre un héros et un salaud.
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Pièces de Jean-Paul Sartre.

La P... respectueuse - Lizzie Mac Cay est une prostituée qui a subi des violences de la part du neveu d'un sénateur et de ses amis. Un Nègre en cavale lui demande sa protection. Il est poursuivi pour le crime qu'a subi Lizzie et il lui demande de rétablir la vérité quand la police et la famille du sénateur Clarke l'interrogeront. Mais ces derniers tentent d'arracher à Lizzie une fausse déposition. Pour eux, une prostituée voire une femme vaut à peine mieux qu'un noir et la seule façon qu'elle a de gagner un peu d'estime est de vendre un être plus pitoyable qu'elle. La brusquerie et la vulgarité dont tous font preuve à l'égard de Lizzie et du Nègre finissent par avoir raison des résolutions de la prostituée, qui finit par accepter que soient achetés son mensonge et son silence. Fred, le neveu du sénateur, ne peut se défaire de l'attirance qu'il éprouve pour elle même s'il la déteste de l'avoir ainsi attaché : "Qu'est-ce que tu m'as fait ? Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives. Je te vois partout, je vois ton ventre, ton sale ventre de chienne, je sens ta chaleur dans mes mains, j'ai ton odeur dans les narines. J'ai couru jusqu'ici, je ne savais pas si c'était pour te tuer ou pour te prendre de force. Maintenant, je sais. (Il la lâche brusquement.) Je ne peux pourtant pas me damner pour une putain."

Jean-Paul Sartre a écrit cette pièce très peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale. La haine raciale est alors une composante affligeante de la société américaine. La puissance du langage et les annotations scéniques font de cette pièce un concentré de haine et de violence, mais aussi d'émotion et de révolte. le dégoût qu'éprouve Fred au sujet des Noirs et de la prostitution s'exprime par un dégoût des odeurs: ça pue le nègre et ça pue le vice.

J'ai toujours été interloquée par le titre et les points qui remplacent le mot complet. Censure de la part de l'éditeur peut-être, mais il me semble que c'est aussi une façon de montrer que la personne au-delà du mot qui la désigne est innommable. La juxtaposition du mot "putain", lourd d'opprobe et de sous-entendus négatifs, avec le qualitatif "respectueuse" est un des plus bels oxymores de la littérature. Inutile d'en dire davantage, le titre se vend tout seul et les trois points en disent beaucoup.

Morts sans sépulture - Lucie, Henri, François, Sorbier, Canoris ont été arrêtés par la milice en raison de leurs activités au sein de la Résistance. Ils attendent qu'on vienne les chercher, terrifiés par les séances de torture à venir, les séances où on leur demandera où est leur chef, Jean. Mais Jean est pris à son tour. Ils sont alors six à se regarder dans ce grenier, à se dire des vérités. Pire que les souffrances infligées par leurs geoliers, la présence des autres devient insupportable pour chacun.

Terrible confrontation! Les bourreaux ne sont pas les miliciens qui ne sont que de falots personnages. Ce sont les alliés qui se détruisent les uns les autres. Déchirés par le poids de leur secret, ils tentent de défendre leurs idéaux jusqu'au bout, jusqu'à l'agonie. Chacun résiste différemment à la torture :du plus vieux qui ne crie pas au plus jeune qui sait qu'il craquera en passant par la femme qui ressort souillée, les victimes deviennent coupables et assassines.

Loin des images héroïques des résistants, Jean-Paul Sartre sert des personnages torturés au plus profond de leur être, des êtres faibles et faillibles, des hommes en somme, des hommes à qui l'impossible ne peut pas être demandé, des hommes qui, très humainement, tentent de sauver la vie encore un peu avant de renoncer.

Je n'aime Sartre qu'en dramaturge, ses romans ne me touchent pas. Mais ses pièces! Je n'ai jamais eu la chance de voir ces pièces sur scène, mais je ne doute pas que les représentations doivent être à la limite du soutenable.
Lien : http://lililectrice.canalblo..
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La p... respectueuse ou pour les grossiers (comme moi eheh normalement chutttt)
La pute respectueuse ou la putain respectueuse

Un bijou a ne pas passer devant de Sartre !
C'est certe un sujet tabou entre un nègre (la manière pour Sartre bien évidemment de dire les noirs) et une prostituée dans les années 70 !
Je l'avais commencer à le lire avec mon professeur de français mais on prenait trop de temps à le lire que je lui ai demandé si je pouvais pas lui emprunter ahah ! Car il sait que j'adore lire et qu'il peut me faire confiance :)
Quelle histoire incroyable j'ai vraiment cru que...
Lisy allait tirer sur Fred à la fin ! Tellement que c'est fort en émotion et de suspecs...
J'en dis pas plus !
Vive Sartre finalement ! :)

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La P....respectueuse , la pièce théatrale de Jean-Paul Sarte ( Poulou pour Simone
Beauvoir ) est une lecture qui ne m ' a pas ni marqué ni attiré Les pièces de théatre
dans un livre, généralement, ne m 'interessent pas tellement .Je suis réfractaire à ce
genre de littérature .Une pièce de théatre se joue dans une salle de théatre .Car on
voit les acteurs évoluer devant nous .Dans la pièce : on voit et écoute les acteurs, on tient compte du jeu des comédiens, l 'importance des costumes, du décor, ,
l 'éclairage, les accessoires etc....Donc , je ne peux donner un avis sur cette pièce .
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"La P... respecteuse"

La scène se passe dans la chambre d'une jeune prostituée qui vient de s'installer dans une ville américaine du sud.
Lizzie reçoit un homme qu'elle avait rencontré la veille. Elle ne se doute pas que ce client ne l'a pas choisie par hasard..

Arrivée par le train, Lizzie avait été agressée sexuellement par deux hommes blancs, qui s'en sont ensuite pris à deux passagers noirs du wagon, tentant de les jeter hors du train.
L'un deux est abattu, l'autre parvient à s'enfuir.

Pour se justifier d'avoir abattu un homme noir, le meurtrier accuse les deux passagers noirs du train d'avoir violé la fille, et de l'avoir défendue.

Accusé à tort de viol, le second homme noir vient demander à Lizzie de rétablir la vérité et de le cacher.
Si la jeune prostituée renvoie l'infortuné, elle lui promet de témoigner en sa faveur, car elle ne veut pas faire condamner un innocent.
Arrive un sénateur, oncle du meurtrier, venu la convaincre de signer une fausse déclaration afin de protéger son neveu.

Cette pièce essentielle sur la ségrégation raciale aux Etats-Unis, et montre les tensions sociales et le pouvoir des Blancs américains.

C'est une pièce intense et bouleversante, car Lizzie, guidée par une certaine éthique, se trouve harcelée, acculée, tandis que le lecteur s'accroche à l'idée qu'elle ne se parjure pas !
Car quoique honnête et désintéressée, Lizzie se trouve dans une situation fragile : la prostitution étant punie par la loi...

La pièce se focalise sur la manipulation et sur les contradictions morales de la société.
En effet, le sénateur usera d'odieux stratagèmes pour convaincre l'innocente Lizzie.

Aussi, ce drame pose la question de la morale et de la responsabilité individuelle.
J'ai beaucoup aimé cette pièce poignante. A découvrir, absolument.



"Morts sans sépulture"

La scène se passe en France, en 1941.
Après un coup raté qui a coûté la vie à de nombreux villageois, cinq résistants sont retenus prisonniers dans un grenier par la milice française. Les poings liés, accablés par la culpabilité, ils attendent d'être interrogés par les miliciens. Ils ne savent pas où se trouvent leurs camarades, et n'ont rien à avouer.

Alors que les miliciens commencent à interroger le premier prisonnier, Jean, leur chef, est arrêté lors d'un contrôle sous une autre identité, et rejoint les prisonniers, et pourra bientôt être libéré.

Or, ses compagnons, qui ont désormais un secret à défendre, se retrouvent face à leurs doutes ; mais aucun n'irait le dénoncer pour se sauver.
Les résistants doivent rester soudés, pour servir leur juste cause, mais aussi par orgueil.
Un seul mot d'ordre : se taire.
Mais le jeune François, âgé seulement de 15 ans, pourra t-il résister à la torture ?

Le but des prisonniers est de "gagner" face aux miliciens. Qu'importe le prix à payer. Qu'importe les sacrifices. Jusqu'où iront-il pour sauver Jean ?

C'est une pièce oppressante car le lecteur va être plongé dans les émotions des résistants et se confronter à leur état psychologique fragile.

L'orgueil ou la volonté de ne pas faire souffrir leurs amis les empêcheront de crier sous la torture. Un sentiment de malaise s'invite chez le lecteur lorsqu'ils deviendront eux-mêmes bourreaux.
Car la folie gagnera autant les miliciens que les résistants...
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Morts sans sépulture :

- Écoute ! si tu n'étais pas venu, nous aurions souffert comme des bêtes, sans savoir pourquoi. Mais tu es là, et tout ce qui va se passer à présent aura un sens. On va lutter. Pas pour toi seul, pour tous les copains. Nous avons manqué notre coup mais nous pourrons peut-être sauver la face. (Un temps.) Je croyais être tout à fait inutile, mais je vois maintenant qu'il y a quelque chose à quoi je suis nécessaire : avec un peu de chance, je pourrai peut- être me dire que je ne meurs pas pour rien.
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LE SENATEUR
- Lizzie, ce nègre que tu protèges, à quoi sert-il ? Il est né au hasard, Dieu sait où. Je l'ai nourri et lui, que fait-il pour moi en retour ? Rien du tout, il traîne, il chaparde, il chante, il s'achète des complets rose et vert. C'est mon fils et je l'aime à l'égal de mes autres fils. Mais je te le demande : est-ce qu'il mène une vie d'homme ? Je ne m'apercevrai même pas de sa mort.
LIZZIE
- Ce que vous parlez bien.
LE SENATEUR
- L'autre au contraire, ce Thomas, il a tué un noir, c'est très mal. Mais j'ai besoin de lui. C'est un Américain cent pour cent, le descendant d'une de nos plus vieilles familles, il a fait ses études à Harvard, il est officier - il me faut des officiers - il emploie deux mille ouvriers dans son usine - deux mille chômeurs s'il venait à mourir - c'est un chef, un solide rempart contre le communisme, le syndicalisme et les Juifs. Il a le devoir de vivre et toi tu as le devoir de lui conserver la vie. C'est tout. A présent, choisis. (p. 55)
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Henri, doucement.
Lucie ! Est-ce que nous parlions beaucoup de nos morts ? Nous n'avions pas le temps de les enterrer, même dans nos coeurs. (Un temps.) Non, je ne manque nulle part, je ne laisse pas de vide. Les métros sont bondés, les restaurants combles, les têtes bourrées à craquer de petits soucis. J'ai glissé hors du monde et il est resté plein. Comme un oeuf. Il faut croire que je n'étais pas indispensable. (Un temps.) J'aurais voulu être indispensable. A quelque chose ou à quelqu'un. (Un temps.) A propos, Lucie, je t'aimais. Je te le dis à présent parce que ça n'a plus d'importance.

Lucie
Non. Ca n'a plus d'importance.
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JEAN, avec violence
Ne riez pas. (Ils cessent de rire et regardent Jean.) Je sais : vous pouvez rire, vous. Vous avez le droit de rire. Et puis, je n'ai plus d'ordres à vous donner. (Un temps.) Si vous m'aviez dit qu'un jour vous m'intimideriez... (Un temps.) Mais comment pouvez-vous être gais ?

HENRI
On s'arrange

JEAN
Bien sûr. Et vous souffres pour votre compte. C'est ça qui donne une bonne conscience. J'ai été marié ; je ne vous l'ai pas dit. Ma femme est morte en couches. Je me promenais dans le vestibule de la clinique et je savais qu'elle allait mourir. C'est pareil, tout est pareil ! J'aurais voulu l'aider, je ne pouvais pas. Je marchais, je tendais l'oreille pour entendre ses cris. Elle ne criait pas. Elle avait le beau rôle. Vous aussi.
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Premier tableau
Une chambre dans une ville américaine du sud. Murs blancs. Un divan. A droite, une fenêtre, à gauche, une porte (salle de bains). Au fond, une petite antichambre donnant sur la porte d'entrée.
Scène I
Lizzie, puis le Nègre
Avant que le rideau se lève, bruit de tempête sur la scène. Lizzie est seule, en bras de chemise, elle manœuvre l'aspirateur. On sonne. Elle hésite, regarde vers la porte de la salle de bains. On sonne à nouveau. Elle arrête l'aspirateur et va entrouvrir la porte de la salle de bains.
(lever de rideau de l'édition de poche parue en 1961)
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Vidéo de Jean-Paul Sartre
Laurent Touil-Tartour vous présente son ouvrage "Achever Sartre : élucidations sur les dix dernières années de sa vie" aux éditions Grasset.
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