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4,19

sur 75 notes
J'ai toujours pensé que la tentative d'assassinat du grand auteur d'origine indienne était dû "grâce" à la fatwa prononcée en 1989 par l'imam Khomeini, mécontent du co.ntinu du best-seller "Les versets sataniques" de la victime.
Or selon Salman Rushdie ce n'est pas le cas, car son agresseur de 24 ans en avait lu à peine 2 ou 3 paragraphes et avait regardé sur YouTube 2 ou 3 clips de fanatiques religieux.

Toujours est-il que ce fou de Hadi Matar, d'origine libanaise mais né aux États-Unis, a effectivement essayé, le 12 août 2022, de tuer Rushdie et a réussi à le blesser gravement et à lui faire perdre l'oeil droit et la main droite.

Étant a-religieux, je trouve l'existence d'une fatwa, ou ordre de tuer quelqu'un pour ses idées, totalement inadmissible et criminel. Qu'ils soient des hauts dignitaires religieux ne devrait pas être une raison de ne pas les traîner devant des cours de justice civile, comme tout et chacun responsable de la mort d'autrui. Surtout si le véritable responsable laisse faire la sale besogne par un tiers. Aucune religion n'a le monopole de la vérité et ne devrait résoudre des désaccords métaphysiques par l'élimination physique.
Et dire qu'en Iran et parmi les chiites enragés, ce sinistre spécimen est considéré comme un héros et un saint !
Je m'excuse de cet intermédiaire personnel, mais lorsque je me souviens de cet acte monstrueux, mon sang se met à bouillir. Si l'infaillibilité du Pape constitue déjà une aberration, la fatwa des vieux ayatollahs dans leur monde clos de Téhéran relève d'un tout autre ordre.

Salman Rushdie se pose la question pourquoi il n'a pas réagi et tenté de se défendre ?
Comment aurait-il pu ? Il a été surpris par un fana idiot armé de 51 ans plus jeune que lui, qui avait suivi des cours de boxe ! Il admire par contre le courage des gens autour de lui qui se sont attaqués à cet individu illuminé. Il a eu le sentiment de mourir lorsqu'il a vu l'énorme perte de sang et à pensé à sa jeune épouse bien-aimée, Eliza, marié même pas un an avant.

Avec beaucoup d'affection, l'auteur raconte sa rencontre lors d'un congrès, en 2017, avec la belle poétesse afro-américaine Rachel Eliza Griffiths, auteure de 6 oeuvres, parmi lequel son recueil de poèmes "Mule y Pear" (non traduit) de 2011, qui est tombé dans les prix littéraires. Malgré leur 31 ans de différence, le couple s'est marié le 24 septembre 2021.

L'auteur raconte son séjour à l'hôpital, son pénible programme de rééducation et son retour à la maison et termine par une réflexion comment il faut tourner la page.

L'ouvrage autobiographique compte un chapitre (le chapitre numéro 6) tout à fait remarquable, dans lequel Rushdie présente une conversation fictive entre lui et son agresseur, dont il ne mentionne jamais le nom, mais qu'il qualifie de la lettre "A".

L'auteur rappelle aussi qu'en 1994, le Nobel égyptien, Naguib Mahfouz, a été également, à l'âge de 82 ans, victime d'une agression similaire en pleine rue, parce qu'il avait osé accuser les fondamentalistes islamistes de "terrorisme culturel".

Entretemps, Hadi Matar, qui plaide non coupable, se trouve en taule et s'il est condamné au cours de son procès, qui aura lieu cette année, il risque 25 ans d'emprisonnement pour tentative d'assassinat et 7 ans pour attaque à main armée.

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Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Salman !!!
Comme beaucoup, j'avais été émue en apprenant le 12 aout 2022 que Salman Rushdie avait été sauvagement poignardé et se trouvait entre la vie et la mort.
Je n'avais jamais lu cet auteur auparavant et j'ai décidé de céder à la curiosité lorsque j'ai vu le livre exposé sur le rayonnage de la bibliothèque.
Cet ouvrage m'a rappelé pour des raisons différentes ma déception lors de la lecture d'American Mother de Colum McCann (qui est d'ailleurs un ami de Rushdie apprend-on dans le livre).
Le début est assez attendu (dans les deux sens du terme), l'auteur raconte par le menu les circonstances de la tentative d'assassinat dont il a été victime, comment il l'a vécue.
Dans le premier chapitre, j'ai aimé rentrer dans ce flux de pensées parfois saugrenues et complètement déplacées, sans filtre. L'auteur pense à son beau costume Ralph Lauren mis en pièces par son assassin ou par les personnes qui le libèrent de ses vêtements afin de panser ses plaies, se préoccupe de ses clefs et de sa carte de crédit alors qu'il est à l'article de la mort.
Ensuite, ça s'est gâté, j'ai eu l'impression de lire un mélange étrange de Gala et Paris-Match, on rentre dans une litanie sans fin sur les blessures de Salman, mais aussi sur sa femme merveilleuse, ses proches, toute sa famille, la belle-famille et bla bla bla (même ressenti alors que pour American Mother évoqué plus haut). Ça s'étale sur de nombreuses pages, et j'avoue que là je n'ai pas vu l'intérêt, son éditeur (dont Salman Rushdie dit d'ailleurs qu'il a dans un premier temps commencé la rédaction du livre à sa demande) ayant dû lui demander de fournir un nombre minimum de pages pour que le lecteur ait l'impression d'en avoir pour son argent.
Salman ne nous épargne aucun détail, et certains n'ont pas le moindre intérêt, sur tous ses examens médicaux, les avis des médecins, ses angoisses, sa prostate… Stop !
Par miracle (mais ça ne sera pas le premier opéré par Salman), le livre redevient beaucoup plus intéressant en dernière partie, tout particulièrement lors du face à face imaginaire avec son assassin. Si tout le livre avait été rédigé sur cette trame, ç'aurait été un véritable régal (mais qui ne dure malheureusement que sur 35 pages). Cette joute verbale est particulièrement réussie et crédible et pleine d'un humour dont je me suis délectée.
Un livre qui aurait mérité un élagage drastique de son ventre mou bedonnant pour s'avérer intéressant au lieu de ce grand déballage et délayage de bulletins médicaux. Un immense cri d'amour à sa femme, on est content pour lui et pour elle, mais je pense là aussi qu'il était inutile d'en faire des tonnes sur tous les chapitres et que quelques pages auraient suffi au lecteur à cerner le propos et surtout à l'apprécier.
Vous l'aurez compris, j'en ressors avec un bilan médical mitigé : en résumé, un bon premier chapitre qui démarre sur les chapeaux de roue, un excellent dernier tiers, mais un vide abyssal entre les deux. J'ai cependant noté Les enfants de minuit que cette lecture m'a donné envie de découvrir.
Nul doute en tout cas que l'auteur a l'art de se rendre sympathique avec un humour aiguisé et un grand sens de l'autodérision.

[…] il y a vingt ans, le roman qui est devenu Shalimar le clown est né d'une simple image que je ne parvenais pas à chasser de mon esprit, celle d'un mort allongé au sol alors qu'un deuxième homme, son assassin, se tient au-dessus de lui, un couteau ensanglanté à la main. Au début, c'est tout ce que j'avais, l'acte sanglant. Ce n'est que plus tard que j'ai compris qui étaient les deux hommes et quelle était leur histoire. Quand j'y repense aujourd'hui, je suis ébranlé. Je ne vois pas en général mes livres comme des prophéties. J'ai eu quelques ennuis avec des prophètes dans ma vie et je ne postule pas pour ce genre d'emploi. Mais il est difficile, en repensant à la genèse de ce roman, de ne pas voir dans cette image, à tout le moins, une prémonition. L'imagination emprunte parfois des voies que même un esprit imaginatif ne parvient pas parfaitement à comprendre.
Les premières lignes des Versets sataniques reviennent aussi me hanter. « Pour renaître, chantait Gibreel Farishta en tombant des cieux, il faut d'abord mourir. »
(p.36-37)
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Salman, tu vaux bien une messe. C'est un cri du coeur !
Ta plume est remarquable, tu es instruit, tu es un authentique écrivain, tu as un humour dévastateur, tu t'occupes de choses qui s'adressent à la conscience des hommes du monde entier, tu es un partisan acharné de la liberté au vrai sens du mot, tu ne renieras jamais les tiens, d'où tu viens, tu es d'un courage à toute épreuve !..

On t'a vu pour mort gisant au sol dans ton sang, agressé sauvagement par un islamiste !..

Tu racontes maintenant ton histoire que je suis en train de boire comme du petit lait. Sans rapport aucun avec aucune satisfaction terrestre bien sûr, mais avec l'empathie que j'ai pour toi qui es un grand homme !..

« ..Répondre à la violence par l'Art .. »
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Trente ans après la fatwa, en 2022, « A » comme le surnomme Salman Rushdie, attaque l'écrivain et lui donne quinze coups de couteau.

« A » intelligence limitée, paroles médiocres nourries de celles de l'Imann Yutubi, pas de paroles « habitées » et avançant une non-culpabilité!!!

2024 : Rushdie soumet aux lecteurs les réflexions et les ressentis qui font suite à cette agression.
Une descente aux enfers combattue par une volonté de vivre et de vivre cette « seconde chance » encore plus intensément.

Il nous raconte tous les maux dont il a souffert, la douleur, la rééducation, l'importance de ceux qui l'entourent (femme, enfants, soeur…).

Il y a de ces passages forts qui dénoncent la stupidité et la dangerosité des idées reçues, d'une religion impitoyable quittant la sphère privée, d'une démocratie en berne.
Un échange imaginaire avec « A » ne contient pas la force à laquelle on pourrait s'attendre mais « soulage » probablement l'auteur en proie au doute : rencontrer ou pas le fanatique?(la démarche de Samuel Beckett l'interpelle).

Quant à sa relation maritale, quant aux renvois à ses livres, quant à son auto-louange, etc… cela contribue à le rendre moins sympathique et n'apporte qu'un reflet de narcissisme.

Mais l'important et le beau sont dans ces mots qui donnent espoir, ramènent aux faits et à la réalité et proviennent du profond d'un homme qui a souffert dans sa chair par la stupidité d'autres hommes.
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Je n'ai pas lu Les Versets sataniques, tout comme ne l'a pas lu non plus celui qui a tenté d'assassiner Salman Rushdie, un américain de 24 ans.

33 ans après la sortie de ce livre -qui a entraîné à sa sortie manifestations, autodafés, condamnations de la part de certaines personnalités (l'ancien président Jimmy Carter ou l'écrivain Roald Dahl par exemple) mais surtout une fatwa contre lui- alors que l'écrivain est sur scène pour intervenir lors d'une conférence à Chautauqua, il est poignardé à de multiples reprises et laissé quasi pour mort.

Parce qu'il ne pouvait pas faire autrement qu'écrire sur cette tentative d'assassinat, est né le couteau

Le couteau, celui utilisé par son meurtrier. le couteau peut-être aussi pour dire que lui aussi à une arme, les mots et que le livre est, si ce n'est un droit de réponse, une façon de reprendre le contrôle sur le cours des choses.De ce moment où sans voir pour autant la fameuse lumière, il a pensé qu'il était en train de mourir (avec une tristesse liée au fait que ses proches n'étaient pas là) au retour à la vie publique dans une soirée avec d'autres écrivains en passant par toutes les étapes physiques et morales vécues, Salman Rushdie nous livre ses réflexions.

Si le second chapitre est consacrée à sa femme actuelle, la poétesse et romancière Eliza Griffith, ce n'est pas seulement pour nous raconter leur rencontre assez romanesque mais parce que l'écrivain, face à cette haine que quelques pages des Versets sataniques ont provoqué, ce qui l'a sauvé, selon lui, est l'amour. L'amour de sa femme, celui de ses proches (famille).

Sur les motivations de l'acte de celui qu'il appelle « le A. », Salman Rushdie ne s'attarde pas réellement mais il consacre tout un chapitre à des conversations imaginaires avec son assassin où il l'interroge tout de même sur le pourquoi de son acte, sur les notions de vérité et d'ennemi.

Avec une plume d'une clarté impeccable, un sens de l'humour toujours présent, Salman Rushdie réaffirme de manière aussi percutante que bouleversante le rôle des écrivains face au fanatisme. Magnifique.
Lien : http://www.baz-art.org/2024/..
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Je n'ai lu "le" roman sur bien après sa sortie, quand, naïvement, je pensais - et Rushdie lui-même- que la violence, la polémique et l'angoisse semblaient éteintes. Je l'avais jugé pour ses qualités littéraires, pas pour ce qu'il représentait, l'ayant trouvé un peu long et inégal, sans percevoir d'ailleurs ce en quoi il avait pu être interprété comme subversif. Bref, j'avais lu un roman, je l'avais jugé comme ainsi, pour l'histoire, le style, les personnages
Et puis... Il y a eu ce douze août, l'attentat, le couteau - et "A", celui qui le tenait, mais qui ne mérite pas d'être considéré. Il n'a pas de nom, car il ne mérite pas de devenir un personnage, il ne mérite pas d'être dans le roman - ou l'autobiographie, ou l'essai... qu'importe - qu'a écrit Rushdie, celui-là même que l'on est en train de lire, dans une démarche quasiment proustienne.
Le couteau donne son titre au livre, non l'assassin, parce que, lui, est érigé en personnage du livre, il est plus réel et matériel que cet homme sans identité, sans humanité - Rushdie l'appelle aussi "l'âne", qui n'est réduit qu'à être le figurant imaginaire d'un dialogue dans la tête de Rushdie, enfermé dans son esprit comme dans sa prison. Ce couteau renvoie à d'autres dans l'histoire, la mythologie ou la littérature, dans les mains d'autres assassins prétendant agir par idéologie. Ayant été atteint corporellement, Rushdie raconte donc longuement ses souffrances physiques et sa lente reconstruction, sans pudeur mais sans pathos, cliniquement mais avec de l'humour parfois.
L'oeil aurait aussi être cité dans le titre, l'oeil de Rushdie devenant un personnage également. Cet oeil perdu symbolise lui seul l'attaque et ses séquelles - voire, pour certains fanatiques, la e caractère diabolique de Rushdie. Mais c'est l'oeil de l'écrivain, celui qu'il pose sur le monde sur les hommes, sur ses personnages. Comment écrire donc s'il ne peut plus observer ses semblables ?
Tout le livre est une réponse, et une victoire. Une victoire sur la mort : Rushdie a survécu. Et une victoire sur le fanatisme et l'ignorance qui voulaient le faire taire : il écrit et publie à nouveau, et c'est son héroïsme.
Rushdie écrit sur la vie et ses plaisirs physiques : contempler un lever de lune sur un lac, manger au restaurant, boire, profiter de ses amis, sur la famille - son fils qui le rejoint, sa petite-fille qu'il rencontre à sa naissance, sur l'amour. le texte est une déclaration d'amour a sa femme, qui commence par une rencontre digne d'une comédie romantique, et qui l'assiste "pour le meilleur et pour le pire".
Cela pourrait être un essai fastidieux sur le fanatisme, c'est un conte de fée qu'on lit, avec certes son méchant, mais aussi ses bonnes fées - les docteurs et infirmières, sa princesse et sa fin qui pourrait être "et ils vécurent heureux, très longtemps".
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J'ai lu « Joseph Anton » le récit autobiographique de Salman Rushdie qui raconte toute la période qui a suivi la fatwa prononcée en 1989, période pendant laquelle l'auteur et sa famille ont été cachés et protégés par autorités britanniques. « Le couteau » est une sorte de suite qui raconte l'attentat dont a été victime Salman Rushdie en août 2022 et ses suites.

Le récit détaille toutes les étapes de la convalescence, tant d'un point de vue physique que psychologique. On y retrouve le style de l'auteur, même si on est très loin des romans…

C'est un livre essentiel qui rappelle l'importance de la liberté d'expression.
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Ils ont finalement mis leur menace à exécution ; ils, les fanatiques islamiques, ces fous de Dieu qui n'ont sans doute jamais lu une ligne de cet auteur, et l'ont condamné à la suite de la publication d'un roman (que je n'ai pas lu, et à propos duquel je ne me permettrai aucun commentaire).
Trente- trois après cette fatwa, durant l'été 2022, Salman Rushdie a été violemment agressé à coups de couteau alors qu'il s'apprêtait à donner une conférence dans une toute petite ville du nord de l'Etat de New-York.
″Le langage était aussi un couteau, capable d'ouvrir le monde, d'en révéler le sens, les mécanismes internes, les secrets, la vérité. Il pouvait trancher dans une réalité pour passer dans une autre. Il pouvait dénoncer la bêtise, ouvrir les yeux des gens, créer de la beauté. le langage était mon couteau. Si j'étais pris à l'improviste dans une attaque au couteau que je n'avais pas souhaitée, peut-être est-ce là le couteau que j'allais utiliser pour riposter. ″
Salman Rushdie a senti le besoin de témoigner, une bonne fois pour toute sur ce qui s'est passé, mais surtout, et c'est l'objet d'une magnifique seconde partie, sur sa réhabilitation, son retour à la vie au sens propre et figuré, et d'une profonde mutation dans sa perception du monde et de son chemin de vie.
″Une question se posait à présent : quand on vous donne une deuxième chance, qu'est-ce que vous en faites ? Quel usage en faites-vous ? Qu'allez-vous faire de la même façon ? Qu'allez-vous faire différemment ? ‶
Avec son épouse, il allait désormais faire de sa vie un régal, de ne plus se projeter trop loin pour vivre chaque journée aussi pleinement que possible.
‶Ma seconde chance dans la vie devait être consacrée à l'amour et à l'écriture ″
Et bien d'autres combats. Mais il exprimera dans cet opus, et ce pour la dernière fois, sa conception de la religion à savoir tolérance, laïcité et intimité !
Ainsi, Salman Rushdie souhaite tourner une page, et continuer !
J'ai lu ce récit presque d'une traite ; subjuguée par son optimisme et son humanisme. Salman Rushdie ne montre aucun esprit de revanche, ni rancoeur. C'est lumineux et plein d'espoir et de sagesse ! Une ode à la liberté d'expression !

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Je n'ai jamais vraiment lu les précédents livres de Rushdie. Son univers, ses références culturelles, sa fantasmagorie ne m'intéressent pas vraiment, mais même si je ne suis pas un lecteur assidu de cet écrivain, je crois reconnaitre le talent lorsque je le croise, et, indubitablement, c'est un auteur de talent, un grand, même s'il ne me « parle » guère.
Et puis, un soir, je l'ai entendu parler à la radio de son livre « le couteau ». Pas une fiction, hélas, le récit d'une improbable survie. La sienne. Alors je l'ai lu, et j'ai apprécié.
Rappelons les faits, le 12 aout 2022, accomplissant la Fatwa de Khomeini plus de trente ans après qu'elle ait été prononcée, un musulman fanatique porte quinze coups de couteau à Salman Rusdie, qui va survivre. de justesse. Ce livre, c'est l'histoire de cette survie, mais c'est aussi bien plus que cela.

Le livre comporte deux parties : la première, l'ange de la mort, raconte l'attaque, les soins, la guérison lente du corps, et les réactions de la famille et de l'entourage de l'écrivain. La seconde, l'ange de la vie, est une description du retour à la vie, à la cette vie publique qui dépasse l'individu devenu symbole de la liberté d'expression.

L'auteur raconte, et fort bien, ce qui l'avait amené, ce jour-là, dans l'amphithéâtre de Chautauqua, dans l'état de New York, pour une conférence consacrée, ô ironie, à la protection des écrivains menacés. Nous partageons sa vie quotidienne, quelques souvenirs, et ses réactions lors de l'attaque. Vingt-sept secondes de terreur. Ensuite, c'est l'histoire d'une reconstruction, celle du corps, ce corps meurtri, lacéré, endommagé et diminué, mais qui renferme toujours un esprit invaincu. L'esprit d'un homme, aussi, qui apprécie les plaisirs de la vie, de l'amour : un très beau chapitre est consacré à sa femme Eliza, et aux relations avec ses enfants. Un homme qui ne cache rien des soins qu'il doit recevoir, de sa guérison à sa rééducation, et de ses craintes (dont celle, très Américaine, de se demander dès qu'il le peut si le montant de ses soins est bien couvert par son assurance santé). Nous pénétrons aussi, au fil des pages, et entre les lignes, dans la vie quotidienne d'un auteur reconnu, et dans le petit monde des intellectuels dont il fait partie (j'oserai confesser que je ne connaissais aucun des auteurs célèbres ou célébrés qui sont ses proches). C'est un monde bien évidemment très éloigné de celui des auteurs qui resteront à jamais inconnus, dont je suis, mais dont la description est éclairante.
Dans la seconde partie, Rushdie imagine un dialogue impossible entre lui et son agresseur, qu'il ne nomme qu'une fois. le reste du temps, il sera « A », car il refuse
d'en faire un moderne Erostrate. Qu'il retourne au néant, et c'est tant mieux. Ces trois entretiens imaginaires sont bien menés, intéressants, et permettent à l'auteur de préciser ses pensées, même si (p. 216) « c'est bien là que nous sommes, un lieu où le professeur ne peut enseigner et l'élève ne peut apprendre. Et il n'est même pas évident de déterminer qui est l'élève et qui est le professeur. »
Nous suivons aussi, progressivement, comment le survivant redevient l'écrivain, puis, à son corps défendant, le symbole renouvelé de la liberté d'expression, même si « la religion, forme médiévale de l'irrationalité, associée à l'arsenal moderne devient une menace réelle pour nos libertés »(P. 259).

L'expression est claire, le contenu puissant, la traduction, de Gérard Meudal, habitué de l'auteur (et courageux, car Hitoshi Igarashi, le traducteur japonais de Rushdie, a été assassiné à Tokyo en 1991, peu après l'agression de Ettore Capriolo, son traducteur italien, à Milan), excellente.

Ce livre n'est pas une réplique, ni une réponse, mais une volonté et un chemin. le chemin trouvé par la vie malgré la volonté de mort. Comme l'écrit l'auteur (P. 118) : « le langage aussi était un couteau capable d'ouvrir le monde, d'en révéler le sens, les mécanismes internes, les secrets, les vérités. Il pouvait trancher dans une réalité pour passer dans une autre ». Ce livre est le couteau de Rushdie. Littéralement. C'est l'arme qu'il retourne contre l'esprit de celui qui visait sa chair. Et ce couteau ne manque pas sa cible.
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Un livre sur la tragédie qu'a vécue l'auteur en 2022 mais étonnamment un récit très drôle et rempli d'amour et de gratitude ! Décidément Salman Rushdie est un grand écrivain et un immense humaniste. Son autodérision est inouïe : le premier chapitre raconte sur un ton narquois les 15 coups de couteau qui ont failli le tuer : « Je me suis laissé fracasser comme une vulgaire piñata », « Mon oeil est sorti de son orbite et ressemble à un oeuf mollet »…. Il y a beaucoup d'anecdotes amusantes sur ce qu'il s'est passé juste avant la tentative d'assassinat. Peut-être a-t-il inventé certains détails (je me posais la question aussi en lisant son autobiographie de 2012 car certains de ses gardes du corps étaient hauts en couleurs) mais qu'importe ? La suite du récit est une leçon de vie, de courage, d'optimisme, de liberté. La fin du récit est une passion réflexion sur le pouvoir et l'utilité de la littérature. Livre à lire absolument.
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