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sur 292 notes
Memphis 2016. Civil se prépare pour un voyage vers l'Alabama. India, dont nous ferons la connaissance plus tard, est malade. Il est temps de lui rendre visite, à cette période de sa vie où le temps n'est plus dépendant d'un calendrier chargé et inéluctable, lorsqu'elle était médecin. Il est temps aussi d'expliquer à sa fille les détails d'une histoire qui ont modifié son destin de mère adoptive.

Flashback vers les années 70. Civil est alors une toute jeune infirmière zélée et naïve. Désireuse d'accomplir avec sérieux la tâche que la directrice de la clinique de planning familial qui l'emploie, elle se rend chez ses patients, deux fillettes de onze et treize ans, pour leur administrer un contraceptif injectable. Perturbée par les conditions de vie de cette famille, dans un taudis nauséabond, elle décide de faire les démarches pour les reloger, s'immisçant dans leur vie au-delà de ses responsabilités. En même temps, elle s'interroge et s'angoisse sur la raison d'être de la contraception pour ces gamines…


Ce roman s'appui sur des faits réels qui ont secoué les États-unis lorsqu'ils ont été rendus public, à travers les procès qui ont suivi. L'autrice a le mérite de mettre en lumière le scandale de cette politique d'eugénisme décidée en haut lieu. On est d'autant plus touché que le personnage principal, Civil, est profondément sympathique, par son courage et sa détermination. La narration à la première personne donne beaucoup de vie au récit, et contribue à l'élan d'empathie suscité par l'histoire.

La publication en France est une première pour Dolen Perkins-Valdès. Espérons que ses deux autres romans suivront le même chemin.

444 pages Seuil 3 Février 2023
Traduction (Anglais) : Emmanuelle Aronson

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Connaissez-vous "l'appendicectomie du Mississipi" ? Ce nom révèle un phénomène de société ultra violent ou comment à l'occasion d'une opération bénigne, la patiente si elle est noire, femme, pauvre le tout aux Etats-Unis des années 50, 60, 70, se verra enlever son utérus..... La stérilisation forcée voilà le thème de ce roman qui se base sur l'histoire (vraie) de jeunes soeurs de 12 et 14 ans, stérilisées à leur insu et à celui de leurs parents par les services sociaux les suivant.... Les chiffres officiels se compteront en centaines de milliers de femmes victimes, le tout payé par l'Etat.
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Vous aurez compris la thématique du livre. maintenant le roman. L'auteure invente le personnage fictif d'une jeune infirmière qui suit les deux soeurs. Dans la réalité c'est une assistante sociale qui fut la "lanceuse d'alerte" qui révéla cette odieuse affaire. Odieuse car allons jusqu'au bout de l'ignominie : si l'Etat fut condamné, jamais les gamines ne furent indemnisées....
On va suivre la découverte de l'affaire, d'abord la situation des deux soeurs, puis la découverte d'une pratique récurrente dans le temps et sur l'ensemble du pays.
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Une histoire intéressante, peut-être affadie par le fait que l'auteure s'intéresse trop à son personnage fictif (ses amours, sa famille, son avortement etc etc) et peut-être pas assez aux deux soeurs.
Mais ce livre a le mérite de révéler un acte abominable à connaître, à ne pas oublier. Il en profite pour parler de militants pour les droits civiques que je ne connaissais pas (tels Medgar Everts ou Fannie Lou Hamer).
Donc intéressant mais avec un petit bémol.
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Merci à Babelio et aux éditions du Seuil.
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Memphis 2016, il ne se passe pas un jour sans qu'elle pense à India et Erica, ce qui est arrivé à ces fillettes est la plus grande douleur de sa vie. Civil aura bientôt soixante-sept ans, elle ne veut pas changer le passé, juste raconter à sa fille adoptive Anne, cette histoire pour que les fantômes reposent en paix. Montgomery 1973, Civil jeune infirmière noire, vient de rejoindre le Planning familial pour participer à l'essor du peuple noir.

Basé sur des faits réels, l'auteur a passé beaucoup de temps à effectuer des recherches pour assurer la profondeur et la précision de ce roman poignant sur un moment honteux de l'histoire de l'Amérique : la stérilisation forcée sur des mineures issues de milieux défavorisés, souvent des familles noires. Et plus largement les expériences médicales faites sur les noirs puisque, semble-t-il, ils sont plus durs à la douleur. Les personnages sont profondément touchants, un regard perçant sur le racisme encore bien présent au début des années 1970. Dolen Perkins-Valdez nous offre un récit tout en sensibilité porté par la personnalité de Civil, une femme qui lutte contre un système, qui redonne la voix à celles qui ont perdu d'avoir le choix et le libre arbitre sur leur corps, une femme qui refuse d'être réduite au silence.


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Depuis que Civil Townsend est devenue infirmière, puis plus tard, médecin, deux prénoms sont à jamais gravés dans sa mémoire. Ils sont même cousus, depuis des années, à l'intérieur de toutes les blouses blanches qu'elle a revêtues pour sa profession. Erica, India. Pour ne pas oublier. Mais comment oublier ?
Nous sommes en 2016 et Civil va sur ses soixante-sept ans, elle vit à Memphis et s'apprête à retourner, enfin, dans sa ville natale mais elle doit d'abord tout dire à sa fille adoptive. Que renferme ce « tout » ? Un fardeau, une colère intériorisée, une injustice plus que révoltante, une abomination discriminatoire et une question lancinante — Quelle responsabilité avions-nous dans ce qui s'est passé ?
Sa longue confession vient également éclairer son choix d'avoir voulu rester célibataire ainsi que celui de ne pas avoir d'enfant biologique.

Montgomery, capitale de l'État d'Alabama, en 1973. Gonflée de l'importance que lui confère la certitude d'être un maillon essentiel à la mission décidée par L'État de réduire la misère, Civil, nouvellement embauchée en tant qu'infirmière dans une clinique du Planning familial de la ville, se sent investie d'un devoir. le devoir d'aider les jeunes femmes noires pauvres, de leur faire bénéficier de la liberté que peut offrir une contraception. La clinique est dirigée par une femme blanche mais les infirmières sont toutes des Afro-Américaines.
Civil se voit remettre un dossier pour une visite à domicile mais c'est en tremblant qu'elle quitte la cabane miteuse où vivent les deux filles à qui elle vient d'injecter un contraceptif. L'une d'elle, India, n'a que onze ans et n'est pas encore réglée !
Les doutes viennent envahir la jeune infirmière qui va bien vite comprendre que les bonnes intentions du gouvernement, de la clinique, d'elle-même, viennent fissurer, voire crevasser ces vies précaires, pauvres et non instruites. Bénéficiant des aides sociales, souvent analphabètes, ces familles se sentent redevables envers L'État et signent, confiantes, d'une croix, les formulaires qu'on leur présente.
Après quelques recherches, elle apprend que le contraceptif qu'on lui demande d'injecter n'a pas été approuvé par l'Agence de sécurité pharmaceutique. Elle décide de ne pas administrer la seconde injection car elle se demande si ce produit ne peut pas avoir des effets secondaires dramatiques.
Cette décision aura un effet désastreux et irréversible pour les fillettes et pour elle une culpabilité qui la hantera pour le reste de sa vie.

Partie d'un sujet précis, c'est toute une politique raciste, injuste, que l'auteure veut dénoncer. La valeur d'une vie dans la société américaine selon que l'on est riche ou pauvre, blanc ou noir n'est pas du tout la même. On pourrait croire que la guerre de sécession, la fin de l'esclavage puis la révision des droits civiques des noirs grâce à Martin Luther King ont sorti les États-Unis de l'ornière mais ce n'est pas le cas. le pouvoir en place s'arroge le droit de décider qu'une femme peut procréer ou pas.
L'auteure fournit dans ce roman quelques informations sur les actions militantes, la lutte pour les droits civiques des noirs. Mais la reconnaissance certaine, depuis les années 70, qu'un bout de chemin a été parcouru, notamment dans l'accès à l'éducation, ne peut faire oublier toutes les discriminations encore bien présentes.

Ce thème tragique et révoltant, inspiré d'un fait réel, méritait d'être exposé et dénoncé. Toutefois l'écriture de Dolen Perkins-Valdez manque cruellement de relief, entravant le passage de tous courants émotionnels. Cette tragédie aurait gagné davantage ma compassion avec plus de richesse dans l'écriture. Les faits, les actions, les dialogues font penser à une voile dans la pétole, désespérément plats. Je me suis efforcée à ressentir les liens, de plus en plus forts, que Civil tisse avec cette famille pour contrer l'extrême pauvreté qui les enferme mais ils sont restés coincés entre des mots trop fades. Surprenant, comme une trouée de soleil dans les nuages, à la moitié du roman, surgit une intervention de la grand-mère qui offre une réflexion profonde et un dialogue plus riche. Celle-ci, femme sensée mais victime de son illettrisme porte d'ailleurs sur leur situation un jugement très juste, que j'ai admiré.
Pour moi, le style est aussi important que l'histoire. L'équilibre entre les deux est indispensable. Peut-être que la traduction n'est pas étrangère à la pauvreté du style vu qu'ici, on y allume et éteint un robinet ! Certaines phrases, notamment en début d'ouvrage, laissent également perplexe.
Un autre point a également gêné ma lecture. Dolen Perkins-Valdez a jugé bon, probablement pour compléter le thème de la maternité contrariée, d'ajouter un épisode d'intervention volontaire de grossesse chez Civil. Celle-ci ressasse tout au long du livre le poids de cet acte, bien qu'elle ne le regrette pas, en utilisant peu ou prou les mêmes phrases.
Je remercie Babelio et les Éditions du Seuil pour ce roman dont, à mon humble avis, la forme dessert le fond.
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1973 Alabama
Civil une jeune infirmière prend ses fonctions dans un centre de planning familial. Si Civil est issue d une famille noire aisée, son père est médecin et sa mère artiste, ce n est pas le cas de ses premières patientes.
Civil fait la connaissance de deux petites filles Érica et India. Les filles de 13 et 11 ans vivent avec leur père et leur grand mère dans des conditions sordides.
Civil se prend rapidement d affection pour les petites. Elle cherche à les aider. Mais elle commence à s'interroger sur la politique du planning. Pourquoi doit elle faire des injections de produits contraceptifs à des petites filles alors que l une d elle n est pas encore réglée ? Erica quant à elle, a ses règles sans discontinuer. Civil et une autre copine infirmière se posent des questions sur les produits contraceptifs et se rendent compte qu ils n ont été testés que sur des animaux et sont dangereux pour les humains.
Mais bientôt le pire se produit. Sans consentement de la famille, les filles subissent une ligature des trompes.
Civil se rebelle et fera tout pour porter m affaire de ses protégées devant le tribunal.
Cette histoire a marqué Civil à vie. Elle n a jamais pu se pardonner de ne pas avoir pu les sauver.
La romancière s est inspirée de faits réels et a mené une enquête pendant 3 ans.
Les faits révélés sont édifiants et honteux.
Des hommes atteints de syphilis pour une recherche et que l on laisse agoniser.
Des patientes même mineurs à qui on ligature les trompes, des femmes en train d accoucher que l on menace pour qu elles acceptent une stérilisation.
Tout ça parce que ces patientes étaient noires, pauvres, analphabètes.
Une facette de l Amérique révoltante.
Merci à Babelio et aux éditions seuil pour la découverte de ce roman poignant.
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Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Seuil pour l'envoi, dans le cadre d'une masse critique privilégiée, de Prends ma main de Dolen Perkins-Valdez.
C'était en 1973, une année de droits des femmes et de bouleversements politiques, et elle venait de sortir de l'école.
Une nouvelle infirmière a eu son premier emploi dans une clinique de planification familiale à Birmingham.
La clinique était financée par le gouvernement et la plupart de sa clientèle était pauvre, un fait qui était difficile : Civil avait grandi avec des privilèges dont peu d'Alabamans noirs jouissaient, et elle avait été amenée à craindre les gens qui lui ressemblaient, mais n'étaient pas du tout comme elle.
N'était-il pas ironique, alors, que le premier dossier qu'elle ait reçu lors de son premier jour de travail soit pour Erica et India Williams, deux filles qui vivaient dans la misère, crasseuses et analphabètes ?
N'était-il pas ironique qu'on ait dit à Civil de donner à ces petites filles des injections contraceptives qui pourraient les rendre malades alors qu'elle-même portait un secret lié à la naissance ?
Mais parfois, à trop vouloir aider.. on peut aggraver les choses..
Prends ma main est un très bon roman qui traite de la ségrégation et de certains traitements abjects infligés au peuple noir, aussi bien aux adultes qu'à.. des petites filles !
J'ai commencé ce roman sans avoir lu le résumé, je ne savais pas trop où cette lecture allait m'emmener. En général, quand babelio me propose un ouvrage en masse critique privilégiée, je suis rarement déçue.
J'ai été stupéfaite de découvrir l'histoire d'India et Erica et, plus globalement, des minorités aux États-Unis en général. Ce qui est pratiqué sur eux est une infamie ! Comment peut t-on faire un truc pareil aux États-Unis dans les années 1970, dans un pays censé être civilisé ! Avec certains de leurs actes ils n'ont rien à envier aux Nazis pendant la seconde guerre mondiale, c'est à vomir.
Je ne m'étendrais pas sur ce qui est fait sur ces jeunes filles, car trop en dire serait une erreur. Mais franchement, j'ai trouvé ça bouleversant.
Civil est une jeune femme noire tout juste infirmière qui vient travailler dans un planning familial pour aider les femmes de tout age. Elle peut aussi travailler avec des hommes mais ces derniers viennent rarement consulter pour tout ce qui concerne la contraception.
C'est ironique car elle vient juste de faire quelque chose qui pourrait justement la freiner à travail dans un tel endroit..
Dès le premier jour cette jeune femme arrogante, pas tellement attachante, qui se croit un peu au dessus des autres va devoir affronter la misère. Elle est noire mais son papa est médecin, elle a toujours eu un train de vie, des privilèges, au dessus des autres personnes de sa communauté.
Elle est touché par ses deux jeunes filles à qui elle doit faire une piqûre contraceptive. Elle ne s'attendait pas à les trouver habitant dans un tel taudis, isolée des autres. Alors, elle décide de les aider. Mais pour qui ? Pour elle même, pour se sentir mieux.. ou réellement pour le bien être d'India et Erica ?
Civil va malheureusement oublier qu'à vouloir trop en faire on peut aussi faire les choses de travers !
J'ai été touché par ses deux filles et par les événements qui se déroulent dans ces années là envers notamment le peuple noir. C'est révoltant.
Je n'ai pas été touché par le personnage de Civil, j'ai préféré certains personnages gravitant autour d'elle, notamment son amie Alicia. Mais ne pas aimer Civil plus que ça ne m'a pas dérangé, et ne m'a pas empêché d'apprécié ma lecture.
L'histoire est très bien ficelée. Civil revient en arrière, dans ses souvenirs, en s'adressant à sa fille adoptive. Cela donne un roman vivant, on a vraiment l'impression que c'est elle qui nous raconte ce qu'elle a vécu.
Il y a également des passages se déroulant en 2016 avec son retour à Montgomery.
Prends ma main est un bon roman, lu tranquillement car j'ai eu besoin de souffler par moment.
Ce n'est pas un ouvrage que je pouvais lire d'une traite, le sujet est assez dur et j'ai eu besoin de pauses.
Je vous le recommande, il est vraiment très intéressant et mérite quatre étoiles et demie.
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Je tiens à remercier les éditions du Seuil et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre. Je l'ai reçu lors d'une masse critique « privilégiée ».

Ce livre relate un témoignage important de ce qui s'est passé aux Etats-Unis dans les années 70 : la contraception des femmes, noires, pauvres, handicapées, qui pour certains, n'étaient pas digne de procréer.

Un système de contraception et de stérilisation de ces femmes est mis en place, par les plannings familiaux… C'est ce que va découvrir Civil Townsend, dont la seule femme blanche est la chef de ce planning. Toutes les infirmières sont noires. Civil va devoir s'occuper de deux très jeunes filles à qui on fait des piqûres contraceptives… Et oui ! Puis, se poser des questions et très vite se rebiffer contre cette barbarie. Mais le pire est encore à venir !

C'est en partie grâce à Civil que le pot-aux-roses a été découvert et permis un procès retentissant aux Etats-Unis.

Sur le bandeau du roman, Céleste NG trouve qu'il est « Inoubliable », et dire que « Dolen Perkins-Valdez sait merveilleusement raconter les histoires » (4ème de couverture) de Glamour UK, excusez du peu, mais on a déjà vu et surtout lu beaucoup mieux. Il m'a manqué un GRAND quelque chose justement pour apprécier l'écriture de ce roman. J'ai eu du mal à m'attacher à Civil. Ce roman manque de relief pour être convaincant. Je n'ai pas ressenti de compassion. Alors que l'histoire était dramatique et a fait bien des ravages au sein de la communauté noire.

Et puis, Civil aurait pu parler également de l'adoption de sa fille, qui est très peu abordé ici. Et en dire plus sur la vie des deux soeurs dont elle s'est occupée. Certes, elle leur rend visite… Mais des années après ce drame et on n'apprend rien si ce n'est qu'une des deux soeurs a un cancer à l'âge de 67 ans. J'ai bien compris que Civil a porté ce poids toute sa vie. Plus de détails n'auraient pas nui à l'histoire. Au contraire, cela lui aurait donner un peu plus d'épaisseur.

J'ai d'ailleurs eu beaucoup de mal à faire cette critique. Sujet très intéressant... littérairement parlant, nul. On peut être d'accord ou pas, ce n'est que mon ressenti.

Je trouve le « monde du livre » un peu trop enthousiasmant et dithyrambique pour certains romans. C'est le cas pour celui-ci. Même, si comme je l'ai déjà dit, le sujet m'intéressait.


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Difficile de rester insensible devant ce troisième roman de Dolen Perkins-Valdez – mais le premier traduit en France –, tant les faits qui ont inspiré ce roman sont choquants (et malheureusement encore d'actualité) et viennent mettre en avant, encore une fois, l'autre face du « land of freedom » que sont censés être les Etats-Unis (ou tout du moins, quand on a la « bonne » couleur de peau).

Civil Townsend est une jeune infirmière qui commence son premier travail au Planning familial de Montgomery, en Alabama, ville célèbre pour avoir été le lieu où a commencé la lutte de Martin Luther King. Pleine d'idéaux propres à sa jeunesse et à une volonté d'aider une population noire défavorisée qu'elles connait assez peu, elle qui est issue de la classe moyenne noire imprégnée des préceptes de Martin Luther King tout en ayant une indépendance financière, Civil veut bien faire pour son premier dossier : injecter un médicament contraceptif à deux petites filles de onze et treize ans, India et Erica Williams. Civil tique sur la jeunesse des deux filles mais procède quand même à l'injection (les jeunes filles de cette classe sociale étant souvent filles-mères), avant de le regretter amèrement quand Erica lui confiera par la suite souffrir de saignements continus depuis la première injection, et que sa soeur India n'est pas même réglée… Outrée par cette décision et par les conséquences qui en découleront (une stérilisation forcée des soeurs), s'étant prise d'une affection débordante pour les deux petites filles et leur famille qu'elle aidera bien au-delà de ses moyens et de son statut d'infirmière, et traumatisée par sa propre expérience personnelle, Civil s'engagera dans une lutte contre les abus de l'État sur les deux filles et plus largement la population défavorisée de Montgomery, mais qui dépassera bientôt cette seule ville pour concerner les droits reproductifs (mouvement qui donnera naissance plus tard au mouvement féministe pour la justice reproductive) de la Nation entière.

Comme souvent dans les romans engagés, beaucoup de sujets sont évoqués, qui vont bien au-delà du pitch initial : ici, la violence contraceptive faite au prétexte de la prévention de la pauvreté par le contrôle des naissances (les femmes étaient poussées par tous les moyens, y compris par le mensonge, à la ligature des trompes), qui cache des expérimentations de médicaments sur des populations qui ne pouvaient s'y opposer, par manque d'éducation, parce qu'elles dépendaient trop de l'aide d'État (les études sur les tests du médicament contraceptif injecté aux soeurs Williams démontraient que celui-ci causait systématiquement des cancers sur les animaux qui y avaient été soumis…). Au-delà de cette seule histoire, le roman montre combien la ségrégation perdurait malgré les lois passées en 1968, et le peu de considération que l'État continuait à avoir sur le corps des personnes noires, bon pour toutes les expérimentations vu qu'à priori, elles ressentaient moins la douleur que les personnes blanches (ben voyons) ; mais surtout restait (et reste) une oppression systématique pour des gens qui devaient faire attention à tout ce qu'ils font et disent… J'aimerais parler au passé mais l'actualité montre bien que le présent reste le temps grammatical approprié quand on pense à Georges Floyd et à d'autres victimes du pouvoir (blanc). À noter également que les stérilisations forcées, comme l'explique l'autrice dans une note conclusive, sont toujours d'actualité pour les étrangers retenus dans les centres de détention pour immigrés vu qu'est toujours en vigueur un décret fédéral datant de 1927…

La force et le caractère réussi du roman de Dolen Perkins-Valdez est ainsi de traiter ce sujet par le biais du témoignage de Civil Townsend, une jeune femme noire issue d'un niveau social différent de celui des soeurs Williams, en montrant, par le biais de deux narrations distinctes dans le temps (une placée au moment des faits, en 1973, l'autre en 2016, quand Civil retourne à Montgomery après un silence de quarante ans, quand elle apprend qu'India souffre d'un cancer), combien ce scandale sanitaire aura un impact sur la vie de son personnage. Civil est imprégnée des idéaux du mouvement civique du Dr King, mais vit dans un milieu social plutôt aisé, et elle découvre avec les soeurs Williams la pauvreté crasse dans laquelle des membres de sa communauté peuvent vivre. Raison notamment pour laquelle elle s'impliquera beaucoup trop dans l'aide qu'elle souhaite apporter à ces deux petites filles, elle qui n'est pas sûre de vouloir devenir mère, et qui la poussera à s'interroger sur cette aide apportée : à partir de quel moment celle-ci devient de l'ingérence dans des vies qui ne sont pas la sienne ? On apprend dans le récit de 2016 que Civil a vécu le reste de sa vie en fonction de cette tragédie, en adoptant une fille en hommage aux soeurs Williams et en devenant gynécologue-obstétricienne, mais j'aurais aimé que ce pan de l'histoire de Civil soit un peu plus développé (la narration de 2016 restant assez allusive par rapport à celle de 1973). J'ai été moins passionnée également par le détour « roman judiciaire » que prend le roman sur un gros tiers, mais il est incontournable toutefois.

Je ne peux que vous conseiller ce roman si vous appréciez les romans sociaux, et je remercie vivement les éditions du Seuil ainsi que Babélio pour cette masse critique privilégiée.
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Civil, une jeune infirmière noire, sort tout juste de l'école et commence son premier poste dans une clinique du Planning familial. Issue d'une famille aisée, elle découvre la misère à travers ses 2 premières patientes, deux soeurs adolescentes habitant une misérable masure sur les terres d'un fermier blanc. En cette année 1973 où les luttes pour les droits civiques sont encore toutes fraîches, Civil décide de les aider et d'essayer d'améliorer la situation de leur famille. Mais le danger ne vient pas toujours de là où on croit et elle sera confrontée à une injustice qu'elle n'aurait jamais imaginée et qui la hantera toute sa vie.

Prends ma main est basé sur une histoire vraie, celle de ces femmes à qui on n'a pas laissé le choix d'avoir un bébé ou non, à qui on a imposé des piqures contraceptives ou pire encore une stérilisation forcée dans le déni complet de tout consentement ou libre choix. L'histoire est révoltante et l'auteure s'en empare pour nous livrer un roman qui remet parfaitement les faits dans le contexte de l'époque et qui raconte avec beaucoup de subtilité comment ces horreurs purent être commises avant que le scandale soit dénoncé. La description de la misère absolue dans laquelle vivent les jeunes soeurs, India et Erica, du combat de Civil pour essayer de les sortir de là et de leur trouver une situation plus digne est très bien rendue. J'ai trouvé que l'auteur nous faisait vraiment partager l'atmosphère de l'époque, ressentir le fait que la ségrégation venait juste d'être abolie (et quand on voit où on en est cinquante ans plus tard on comprend bien que le combat n'est pas fini...) et comprendre comment le Planning familial a pu être détourné de ses missions pourtant nobles pour commettre ces faits atroces.

Sur le plan romanesque, ce livre m'a un peu moins convaincue. J'ai eu du mal à m'attacher vraiment au personnage de Civil, j'ai parfois trouvé que son comportement manquait de cohérence ou eu du mal à comprendre ses réactions, que ce soit dans sa vie professionnelle (elle passe un peu rapidement de jeune infirmière timide et obéissante à professionnelle prête à prendre des risques et à se battre) ou personnelle (le traumatisme qu'elle a vécu et qui semble déterminer toute la suite de sa vie). J'ai aussi trouvé que la construction du roman était un peu bancale avec des accélérations soudaines et des passages où tout semble soudain très délayé, où il ne se passe pas grand chose, comme si parfois il nous manquait des chapitres ou des explications pour comprendre. C'est dommage car le thème est passionnant et l'auteur a vraiment l'art de nous plonger dans l'atmosphère de cet Alabama rural, encore pétri de traditions et de préjugés, de nous faire ressentir la force des traditions et du poids familial, avec ce contraste entre deux familles noires, celle de Civil riche et bien établie (son père est médecin) et celle des deux soeurs, beaucoup plus modeste. L'alternance entre les deux temporalités, le présent de Civil devenue mère adoptive et racontant son histoire à sa fille, et le passé formant la trame principal n'apporte pas non plus grand chose à l'histoire.

Ces petits défauts m'ont empêchée d'être complètement embarquée dans ce roman et de m'attacher totalement à ces personnages malgré certains passages très émouvants. Cela reste une lecture fort agréable et surtout très instructive sur un sujet grave dont on a finalement très peu parlé. A découvrir malgré ses petites imperfections, je suis contente d'avoir pu faire cette lecture grâce à une Masse Critique privilégiée pour laquelle je remercie Babelio et les éditions Seuil.
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Alabama, 1973. Civil Townsend, tout fraîche diplômée, devient infirmière au Planning Familial de Montgomery, et prend en charge deux adolescentes afro-américaines, Erica et India, vivant dans le dénuement le plus total - ce qui choque particulièrement Civil, afro-américaine ayant au contraire toujours vécu de manière confortable et privilégiée - de l'aide de l'État, avec leur père et leur grand-mère. Cette prise en charge consiste notamment en un approvisionnement de produits d'hygiène et en une injection régulière d'un contraceptif.
Mais, au fil de ses rencontres avec les soeurs, à qui elle s'attache comme à ses propres filles, la jeune femme se rend compte que quelque chose ne va pas avec ce contraceptif, et avec l'âge des patientes à qui elle les injecte, ici 13 et 11 ans. Elle commence à enquêter, ne pensant pas du tout que cela va la mener vers un des scandales eugénistes les plus importants des États-Unis, celui de la stérilisation forcée d'une certaine partie de sa population, et que l'histoire individuelle des soeurs est en fait l'histoire de nombre femmes et adolescentes, pauvres, principalement noires.
Tout cela, c'est ce que raconte Civil de nombreuses années plus tard, en 2016, alors qu'elle décide de retourner sur les traces de ce passé qui l'a bouleversée et changée à jamais...

A partir de faits réels, Dolen Parkins-Valdez nous conte une nouvelle part sombre des États-Unis qui m'était déjà, malheureusement, familière - j'avais en effet davantage connaissance des stérilisations forcées, à la même époque, des amérindiennes. le récit est parfaitement documenté, glisse particulièrement bien entre réalité et fiction, donne peut-être plus de corps à l'histoire de ces deux soeurs au destin brisé. Je ne dénie pas, de fait, tout le travail de recherche et de mise en scène romanesque de celui-ci réalisé par l'autrice.

L'ensemble reste malgré tout trop désincarné, en raison principalement d'une plume assez passe-partout, à mon sens trop estampillé "creative writing" pour donner davantage de force au propos. Il ne suffit pas, en effet, selon moi, de dénoncer quelque chose qu'il est nécessaire de dénoncer, ce qui est le cas ici, qui plus est lorsque l'on choisit la forme romanesque pour le faire : il faut aussi porter puissamment la dénonciation en jeu pour qu'elle fasse pleinement sens. Je n'ai donc pas été pleinement convaincue par ce roman, je l'aurais, finalement, été davantage par une non-fiction écrite de la même façon.

Je remercie les éditions du Seuil et Babelio pour la découverte.
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