Je l'ai lu comme une balade dans un matin d'hiver: la lente réflexion des pas qui vient petit à petit remplir l'incongruité d'être là, seule, à marcher dans son haleine blanchie. Un mélange étrange d'histoire, de personnages brossés rapidement en silhouettes, les buis semblant plus vivants dans le monde de le Notre. C'est avec bonheur que j'ai suivi les allées de ce roman et réfléchi sur la vraie ou fausse profondeur des terrasses et perspectives dessinées dans la vie de le Notre. Il faut dire aussi que j'aime cette époque et les jardins, ou tout du moins la marche, que cela soit dans les dessins de parterres travaillés ou dans le faux fourbis que semble être la nature. Il m'a semblé que ce livre contait avant tout la marche, posée et solitaire, de l'amoureux des jardins, marche étendues à la vie et à la pensée, comme un jardinier parfait nietzschéen.... Mais c'est déjà là trop réfléchir sur un roman distillant du ressenti plutôt que le figeant dans des mots, le contournant pour mieux le désigner... Au fond, il y a un André le Notre dans chaque vieux faisant pousser des tomates...
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D'ordinaire, les jardiniers plaisent aux femmes. Leur intimité avec la nature, leurs connaissances un peu mystérieuses, parsemées de mots latins, leur respect du temps, des saisons et des lenteurs nécessaires, leur préoccupation du plaisir: autant de traits qui les séduisent. Sans oublier quelques données physiques qui en ont troublé plus d'une: des mains larges et calleuses, des visages burinés par le grand air, certains fumets qu'ils engendrent, sueur et terre, quand le travail fut rude, au bout de la journée...je n'oublie pas le cadre propice aux êtreintes inédites: un enclos de haies ou de contre-espaliers donne plus d'idées neuves que les murs de la chambre conjugale.
D'où vient l'Age d'or, cette sorte de vague qui soudain hisse tpus les arts d'un pays jusqu'à l'excellence ?
Il y faut la richesse, sans doute. Mais tant d'époques opulentes amassent et bâtissent sans rien produire d'immortel. Il y faut des mécènes qui rêvent et commandent. Mais que peuvent leurs folies si personne ou trop peu, n'y sait répondre ? Comment expliquer cette mobilisation générale venue du tréfonds d'un peuple - ou d'un morceau de siècle - un chef d’œuvre collectif ? le génie de quelques uns n'y suffit pas.Il doit reposer sur le talent et le savoir-faire d'innombrables. Des hommes et des femmes nés dans les mêmes années. Au lieu de s'ignorer, ils se voient, ils se parlent, ils s'apprécient ou se détestent, ils projettent ensemble ou se défient. Bref, un âge d'or c'est l'enfant commun de toute une génération.
Chapitre X L'amitié (p 67 édition GC)
D'ordinaire les jardiniers plaisent aux femmes. Leur intimité avec la nature , leurs connaissances un peu mystérieuses , parsemées de mots latins , leurs respect du temps , des saisons et des lenteurs nécessaires , leurs préoccupation du plaisir.
P129
Notre Grand Siècle porte en lui une énigme: comment la discipline de fer que faisaient régner sur les Arts Louis XIV, Colbert et leurs sbires de la petite Académie, comment cette hagiographie permanente et minutieusement programmée ont-elles pu engendrer tant de chefs-d'oeuvre? D'ordinaire, la contrainte, et moins encore la propagande politique, s'allient mal avec la création.
Le secret de cet âge d'or, il faut peut être le chercher dans l'amitié. Ces gens-là s'aimaient, depuis la jeunesse. Ce sentiment était leur refuge et leur exigence.
Derrière leurs façades austères, les palais résonnent de passions douloureuses. Les puissants en leurs conseils ont l'âme tourmentée des jeunes filles au dortoir. Comme dans tous les bureaux, des idylles naissent entre collègues. Mais les seules flammes véritables brûlent pour lr chef, surtout s'il dirige le pays. A ce sortilège, tous succombent, j'en témoigne, même les plus laïcs, les plus républicains. (p.131).
« Éditeur en marchant, écrivain en courant »
Avec Justine Lévy, Marie Modiano & Peter von Poehl, Éric Reinhardt, Anne Plantagenet, Isabelle Jarry, Teresa Cremisi, Capucine Ruat, nicole Lapierre, Jean-Louis Fournier...
Animation : Sandrine Treiner
Jean-Marc Roberts fut l'une des figures les plus flamboyantes des lettres françaises. Écrivain précoce, il publie son premier roman à dix-sept ans et découvre alors ce que sera sa vie : se mettre au service des auteurs et des livres. Immense découvreur de talents, il insufflera à la littérature audace et élégance, ne se souciant jamais de la bien-pensance. Pas de ligne éditoriale, plutôt un air de famille joyeusement recomposée qui lui ressemble. Il publie notamment Vassilis Alexakis, Didier Decoin, Christine Angot, Erik Orsenna, et aussi Nina Bouraoui, Philippe Claudel, Aurélie Filippetti, Jean-Louis Fournier, Brigitte Giraud, Luc Lang, Justine Lévy, Eric Reinhardt, François Taillandier…
À l'occasion du 70e anniversaire de sa naissance, cette soirée composera un portrait à son image, vivant et éclectique. Il y sera question de music-hall, de football et de cinéma, de Michel Piccoli et de Nathalie Baye, d'une petite femme et d'un père américain, des émissions de Jacques Chancel, Bernard Pivot et Pierre Desproges, de Hervé Guibert et de Jean Cayrol, de poker, de variétés française et italienne… et bien sûr de fêter la littérature.
À lire – Collectif, sous la direction de Capucine Ruat, “Je vous ai lu cette nuit”. Hommage à Jean-Marc Roberts, Albin Michel, 2023.
Son par William Lopez
Lumière par Iris Feix
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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