"Ô temps! suspends ton vol, et vous, heures propices!
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours!"
extrait du "Lac"
De Lamartine.
Curieux, mais en refermant ce livre presqu'à regret, spontanément ces vers
De Lamartine se sont mis à chanter dans ma tête.
Véronique Olmi est une enchanteresse.
Pendant toute la lecture, le flux et le reflux de la mer nous accompagnent, il y a aussi ce temps d'entre le Temps dans le village de Coutainville où couples, enfants se rejoignent dans une maison de famille pour le 14 juillet.
Tout est arrêté, figé : les générations se croisent, les adultes d'à présent savent les gestes des précédents et savent aussi que les suivants referont les mêmes. Il y a dans ces moments une intemporalité bienveillante, presque rassurante, comme un arrêt sur image.
Cette envie justement de dire "ô temps! suspends ton vol!" Mais l'inéluctable ne s'arrête jamais.
Un mal être gâche les heures qui se voudraient belles et couve en chacun des protagonistes. Heure des bilans : un ado mystérieux apparaît, n'ayant de mystère que pour celles et ceux qui se cherchent et finiront peut-être par se rencontrer parce qu' un être venu on ne sait trop d'où les aura déstabilisés.
Trois couples différents, une amitié sincère, des adolescents perturbants plus que perturbateurs, trop d'aisance pour certains, des rêves inassouvis, des envies, des regrets, des refus d'aimer...
Tout cela les déchire, la permanence est un faux désir. Comme la mer qui se renouvelle sans cesse, la vie prendra une autre direction et suivra, salvatrice, les mouvements de chacun : un couple qui se sépare, une femme qui enfin abandonne son secret, une autre qui s'affirme, un homme qui lutte, etc...
La dissection des sentiments, des émotions, des actions des uns et des autres est subtile, précise, remuante.
On est juste là, ombres écoutant et regardant, on souffre, on espère, on sourit, ils existent, on fait presque partie de leur groupe... et pourtant la nostalgie, la fatalité, le temps qu'on griffonne "comme un brouillon" laissent une amertume que l'on comprend trop bien.
Ils ont raison, il ne faut pas hésiter ni stagner, c'est le mouvement qui est vie.