Sans être un grand fanatique, j'aime bien lire
Amélie Nothomb, et ai lu quelques-uns de ses livres.
J'apprécie, comme beaucoup, son style pétillant, plein d'humour, la qualité de ses dialogues, donnant vie aux personnages, qu'elle entremêle parfaitement avec son goût pour le tragique et le morbide. Il y a aussi chez elle un côté analyse froide qui donne de la profondeur à ses romans.
Ses qualités font que, si ses romans se lisent vite, pour autant les reconnaissances littéraires qu'elle a reçues ne sont pas volées : le regard qu'elle porte sur la vie est édifiant pour le lecteur et, sans assener ses idées, elle les fait passer en douceur, de même qu'elle l'enrichit par sa grande culture.
Pour autant, j'ai été en partie déçu par
Acide Sulfurique. D'abord parce que j'avais préféré les romans autobiographiques de l'auteure, pour moi plus intéressants du fait de ses expériences de vie. Ensuite parce que cette fable dystopique est certes bien menée, avec des passages poussant la réflexion, mais manque un peu d'originalité.
Il s'agit en effet d'imaginer la création à des fins de show télévisuel d'un univers concentrationnaire dont le seul objectif consiste à satisfaire l'audimat. Outre l'expérience nazie, elle constitue une déclinaison romancée de la fameuses expérience de Stanford -précédée de celle de
Stanley Milgram-.
On y découvre -pour le lecteur qui l'ignorait encore- à quel point l'être humain, sommé de jouer un rôle, s'adapte facilement à la pression sociale, adoptant sans vergogne -ou presque, pour la plupart d'entre nous- sa mission de victime, de sauveur ou de bourreau. Je conseille au lecteur choqué éventuel de lire les expériences réelles réalisées. La désillusion et le froid dans le dos sont d'autant plus grands que l'expérience est réelle.
Amélie Nothomb ajoute des réflexions personnelles intéressantes autour de ses personnages kapos et victimes, sur la valeur sociale d'un nom plutôt qu'un matricule, sur les limites du respect de soi lorsque la faim s'en mêle -la faim justifie-t-elle les moyens?- , sur l'esprit de résistance, d'abord individuel, puis collectif, et sur les effets d'entrainement d'un groupe.
Bref, un certain nombre de points m'ont plus dans ce roman, j'a passé un bon moment de lecture, mais la plume d'
Amélie Nothomb, à mon goût, peut mieux faire, explorer des domaines moins faciles qu'une telle dystopie surexploitée par les séries télévisées -de qualité souvent satisfaisantes par ailleurs-. J'attends de son regard décalé et caustique qu'il me mène vers des horizons plus vierges, plus corrosifs. J'aspire à trouver chez elle les qualités d'autopsie de
Yourcenar et
Cervantes, et pas seulement une rémanence de mes lectures de
George Orwell ou
Aldous Huxley.
Au risque de paraître un peu dur aux critiques enthousiastes -comme l'est parfois le professeur lorsque son meilleur élève tombe une fois dans la facilité-, j'attribue donc note moyenne d'étoiles à ce livre.