Cette nuit, je tourne la dernière page de ce troisième roman de
Tiffany McDaniel le coeur en miettes, 700 pages impossibles à lâcher, à oublier, nous emmenant du beau coté et
du côté sauvage, celui des femmes, des rêves brisés, de la mort et de la vie.
Il est si bon de retrouver la plume envoûtante de l'autrice, qui arrive à faire cohabiter la plus extrême noirceur, glaçante et implacable, avec un tel flamboiement et une poésie de chaque instant.
Inspiré de faire réels, ce livre est un hommage immense à la féminité, aux victimes, pour ne pas oublier. Mais quand vous aurez rencontré Arc et Daffy jamais vous ne les effacerez de votre mémoire.
C'est dans la petite vie de Chillicothe, Ohio, qu'elles vivent, Art et Daffy; elles ont sept ans, soeurs jumelles à la chevelure flamboyante et billes de sorcière, un oeil vert, un oeil bleu, chacune étant la moitié de l'autre, inséparables.
Arc aime creuser la terre et se plonger dans les livres, Daffy adore l'eau et écrire de la poésie.
C'est mamie Milkweed et sa sagesse qui veillent sur leurs rêves et leur inventivité et non la mère et la tante, paumées quelles sont par la drogue, femmes aux rêves minables et à l'esprit étriqué, offrant leur corps pour payer leur dope, aux hommes méprisables et violents qui prennent tout ce qu'ils désirent.
Arc et Daffy n'arrivent à s'évader que dans l'imaginaire, dans les dessins et les rituels que leur enseigne leur grand-mère lorsque le monde s'assombrit autour d'elles...
Cependant, rien n'est éternel, le temps qui aura vu les soeurs grandir aura également vu la rivière faire de même, se remplissant des larmes de la désillusion, de la souffrance et de la mort, son eau continuant de diluer l'héroïne dans les petites cuillères, et transportant le corps des victimes.
Les jumelles et leurs amies sont devenues les reines de la ville, reines déchues de ce pays de mirages et de fumée. Car la pente ici y est glissante et semble toujours descendre malgré les efforts pour tenter d'en réchapper, entraînant avec elle les promesses non tenues, les espoirs avortés...
La dépendance est une voleuse, tout comme les hommes qui ont un loup à la place du coeur et consument tout ce qu'ils touchent, tous, vous les détesterez.
Particulièrement l'araignée, qui porte sur lui l'odeur de l'enfer et tisse sa toile de peur pour y emprisonner ses victimes, ou bien le démon tatoueur, l'homme au gant rouge, le violoniste et tous les autres "Johns".
Merci Tiffany pour cette ode à la sororité, aux femmes, portée par cette écriture métaphorique et poétiques, infiniment vivante et déchirante. J'en sors retourné par ces vies que j'ai côtoyées au plus près de leur intimité toutes au long de ces pages, que j'ai vu souffrir et espérer, combattre et renoncer, inventer et survivre.
Coup de coeur évidemment, même si dans les cinquante dernières pages il aura été retourné plus d'une fois !