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EAN : 9782378803742
304 pages
L' Iconoclaste (24/08/2023)
3.64/5   504 notes
Résumé :
Ses héroïnes s'appellent Caroline, Theodora, Helen, Liv Maria, Ottavia. En cinq romans et deux récits autobiographiques, Julia Kerninon a campé une galerie de femmes fortes, déconcertantes parfois, libres toujours, et sauvages, telle celle à qui elle donne vie dans son nouveau livre, l'Italienne Ottavia Selvaggio. Julia Kerninon a toujours eu la fièvre de l'ailleurs, le monde anglo-saxon - elle est aussi traductrice de l'anglais - puis Berlin, Budapest, l'Amérique l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (112) Voir plus Ajouter une critique
3,64

sur 504 notes
L'auteure nous livre un roman féministe, se déroulant en Italie, Nous faisons la connaissance d'Octavia Selvago, jeune fille de 15 ans , qui a décidé du jour au lendemain, de quitter l'école pour devenir une grande cheffe cuisinière, suivre les traces de son père, et prouver qu'en tant que femme, elle pourra réaliser son rêve. Une situation cocasse, aux yeux de sa famille, surtout en Italie, où la femme est reléguée aux taches domestiques, en plus d'élever leurs enfants et étant des épouses loyales,
Aujourd'hui Octavia à trente huit ans, mariée trois enfants, elle fait le point , se remet en question,, Son mari assume tout, pars on égoïsme . Elle se donne corps et âmes à son travail, elle ne vit que pour cela, et jusqu'à l'épuisement. Une femme qui revendique son indépendance, mais à quel prix . Arrivera t'elle à trouver les réponses à ses questions , reprendre contact avec la réalité,
L'auteure m'a transportée, avec une facilité déconcertante dans son histoire, Un roman court puissant, subtile , sensible, je me suis laissée envahir par les effluves de ces repas gastronomiques.
La plume de l'auteure est fluide , entraînant une lecture passionnante , et addictive. le personnage d'Octavia , dégage une empathie extrême .
Une belle découverte, une lecture que je vous conseille vivement.
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Julia Kerninon explore dans son dernier roman, Sauvage, le thème de la femme libre, autonome, à travers le personnage flamboyant d'une Italienne, Ottavia Selvaggio, fille d'un grand cuisinier romain réputé, qui se libère du monde patriarcal dans lequel elle est née et a grandi, où certes les femmes ont le droit de faire la cuisine, mais à condition que cette activité soit cantonnée à la popote ménagère.
En effet, s'il y a bien un métier où les représentations, celles de personnages fictifs ou réels, collent avec une idée puissamment masculine, c'est celui de la gastronomie, celui des chefs cuisiniers, qu'ils soient étoilés ou non d'ailleurs.
Le milieu de la restauration est l'un des plus sexistes qui soit. Car si les femmes ont toujours nourri l'humanité dans la sphère domestique, les hommes s'attribuent les casseroles et les fourneaux professionnels depuis l'Antiquité. Dès qu'il s'agit de régaler les puissants et de décrocher les étoiles du ciel pour les agrafer à leurs toques, ce sont eux qui mettent la main à la pâte.
Ottavia Selvaggio, la narratrice, a à peine la quarantaine lorsque nous faisons sa connaissance. Ce qui compte pour elle, c'est d'avoir réussi à monter son propre restaurant dans le centre de Rome, c'est de prendre son indépendance, c'est de tracer sa route. Nous allons ainsi découvrir que son métier devenu une passion est lié très intimement à sa vie personnelle, ses histoires d'amour, sa famille, ses amis...
Julia Kerninon nous brosse le très beau portrait d'une femme déterminée, hyperactive, mère de famille… Son héroïne ne désire qu'une chose, s'accomplir dans la grande cuisine. Les jours avancent, elle a su s'affranchir de l'emprise du père, prendre de la distance avec sa mère, les amours surviennent, les enfants aussi, les amitiés féminines demeurent, essentielles, tout comme son travail…
Ottavia vit intensément tout ce qui lui arrive, elle ne dévie pas d'un pouce de la ligne qu'elle s'est fixée, elle avance dans la vie avec sa passion dévorante nichée au coeur de ses pensées, de son ventre, de ses actes et de son espace-temps, son travail semble absorber la majeure partie de sa vie.
L'existence d'Ottavia va être traversée par trois histoires d'amour différentes, trois rencontres qui résonnent avec sa vie de femme, de mère de famille, de cheffe cuisinière aussi, mais la part des hommes dans son existence est-elle si importante, ces trajectoires croisées laisseront-elles une empreinte gravée dans son coeur ?
C'est un personnage qui assume ses choix, qui s'assume, qui parfois hésite mais toujours repart de l'avant. Elle est entourée, aimée mais est-ce suffisant pour la combler, répondre à son éternelle insatisfaction ?
D'une plume ardente et minutieuse, Julia Kerninon compose une figure féminine qui agit selon ses désirs et ne veut renoncer à rien. Ce qu'Ottavia veut, Ottavia l'obtiendra.
J'ai donc suivi Ottavia dans ses pérégrinations, dans son évolution de femme, - racontant par de belles ellipses son chemin depuis l'âge de quinze ans, ses pas de côté en tant qu'amante, puis dans sa maternité, il y a plein de questions qui traversent le chemin intense de ce livre, qui viennent s'agréger au récit au fil des pages. Beaucoup de thèmes sont venus me toucher en tant qu'homme.
Je ne vous cacherai pas que c'est un texte gourmand qui se dévore et qui m'a dévoré.
C'est bien l'histoire d'une autonomie, d'une utopie matriarcale, ce monde où cette femme a tout et pourtant ce qui l'intéresse de plus en plus, c'est être seule avec elle-même, seule en sa cabane, une chambre à soi à la manière de Virginia Woolf, déterminée à aller au bout de ce qu'elle veut.
En ce sens c'est un roman résolument féministe, d'un féminisme déployé avec intelligence, subtilité, mais dans la forme aussi, dans la manière de faire exister ce personnage, par rapport à ses actions, dans son rapport aux autres, dans son rapport au monde.
Julia Kerninon fait entendre une vraie voix de femme, une vraie héroïne. Elle le dit d'ailleurs dans une interview : pour elle écrire c'est remettre les femmes au centre du roman, les faire agir dans le roman comme elles agissent dans la vraie vie.
C'est un roman sur la vie quotidienne, Julia Kerninon y fait entrer la gestion de la vie domestique, les grossesses, les maternités, les enfants, les discussions avec les parents, les chemins de traverse aussi...
C'est un livre dense, mystérieux, en même temps réaliste et proche de nous, Julia Kerninon nous montre qu'il est possible de faire de la belle littérature avec un récit prosaïque ; en même temps je vous avoue que ce que je vous dis ici est en contradiction avec ma relation habituelle avec la littérature romanesque. Comme quoi... !
Il y a des passages d'une très grande poésie, elle sublime les choses extraordinaires qu'on voit tous les jours.
Ottavia nous embarque dans son sillage, dans ses colères, dans ses fugues ; elle s'octroie la même liberté qu'un homme, est-ce si désagréable à entendre, à voir ? En réalité, elle ne fait rien qu'un homme ne fasse depuis toujours c'est-à-dire privilégier son envie, son désir, ses ambitions, son travail...
J'ai cru par moments entrevoir une flamme logée dans son coeur qui n'est pas près de s'éteindre. Elle vit avec passion son métier, mais pas seulement cela.
Ottavia est un personnage lumineux et complexe qui peut nous séduire par sa liberté de penser et d'agir et la seconde d'après nous agacer. D'aucuns la trouveront égoïste, comme si on acceptait moins ce sentiment chez une femme.
Mais derrière les certitudes d'Ottavia, des questions surviennent, des chemins buissonniers aussi qui semblent parfois la dévier de sa trajectoire, l'amène à douter des choix qu'elle a pu faire, par la vision qu'a d'elle un homme qui l'a aimée, l'a croisée dans sa vie, l'aime peut-être encore, surtout dans la manière qu'il a de lui poser des questions et elle de les entendre, de les recevoir, d'en être bouleversée. Moi aussi, ces mots m'ont bouleversé.
Parfois des fulgurances d'amour viennent déstabiliser Ottavia, c'est beau, tandis que se glisse dans le texte une manière sensuelle et poétique de dérouler la vie et de se surprendre à être surpris.
Il y a des instants presque sibyllins qui touchent au coeur comme cet échange tendu un jour entre Ottavia et sa mère, cette dernière demandant à sa fille de la traiter avec un peu de douceur.
" J'avais répondu entre mes dents :
- Mais je ne sais pas ce que c'est, parce que jamais tu ne m'as donné de la douceur, Maman.
- Je t'ai donné toute la douceur que j'avais . Ce n'est pas ma faute s'il n'y en avait pas beaucoup. "
C'est aussi la rencontre d'un vieil homme qui lui rappelle son père, c'est se perdre durant quelques heures dans un appartement rive gauche de Paris avec un amant et la compagnie des papillons qui s'invite dans le ventre, c'est un mari dont elle s'éloigne chaque jour sans bruit depuis quelques semaines, c'est son premier mari qu'elle revoit plus tard par hasard et la manière dont ils se sont séparés malgré tout ce qu'ils avaient cru possible ensemble...
C'est la vie qui continue, belle, intense, fragile... Sauvage.
Tiens, savez-vous comment se dit sauvage en italien ? Selvaggio.
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Voilà un beau portrait de femme passionnée, très vivante et passionnante.

Ottavia Selvaggio vit à Rome. Son père est restaurateur, au grand dam de sa femme qui refuse ostensiblement de faire la cuisine à ses enfants pour manifester sa colère contre ce choix d'un métier aussi absorbant.
C'est pourtant la même voie que va choisir Ottavia, contre l'avis de sa mère, parce que la passion d'une cuisine différente et inventive l'anime plus que tout.

Et pourtant Ottavia va avoir trois hommes dans sa vie.

Le premier, Cassio, qu'elle a entraperçu dans la cuisine de son père, et pour qui elle éprouve un coup de foudre immédiat, est comme elle passionné de cuisine. Il détient un secret jusque-là jalousement gardé : la recette de la fameuse Sacher Torte que seul le grand restaurant autrichien détenait. En échange de la transmission de cette recette au père d'Ottavia, il va rentrer dans sa brigade et apprendre le métier. Avec Ottavia ils vont pratiquer ensemble pendant des heures entières, concentrés sur les tâches à exécuter, et les gestes remplaceront les paroles inutiles.
Cassio demeurera sa grande passion, même si elle le quittera sans un regard en arrière quand elle comprendra qu'il s'abîme dans l'alcool et la drogue, alors qu'il tient son propre restaurant.

Ottavia elle aussi va avoir son propre restaurant. Mais avant cela elle rencontrera un autre homme, Clem, étudiant français aux Beaux-Arts, dont elle tombe amoureuse au premier regard. Lui aussi souhaite la revoir et lui donne son adresse parisienne. Alors, quand Ottavia prend le train direction Paris, elle fonce tête baissée telle qu'elle l'a toujours fait : sans un remords, elle est prête à tout pour retrouver le bel étudiant dont elle ne sait rien.
Arrivée à Paris, elle va retrouver ce Clem qui semble l'attendre passionnément, lui aussi, mais après une soirée et nuit d'ivresse, il la laisse repartir, et ensuite ne lui donne plus aucune nouvelle : Ottavia en ressortira profondément blessée , et plongera dans le travail comme elle a toujours su le faire en apprenant la cuisine française et en rencontrant une compatriote, Marina, avec qui elle scellera une amitié durable.

Et enfin Ottavia va rencontrer Bench, un critique gastronomique, mais sur tout un homme telle qu'elle en a besoin, qui prend soin d'elle et lui donne trois enfants, et fait en tant que mari tout ce qui est nécessaire pour que la famille fonctionne, puisque bien sûr Ottavia, malgré ses maternités, se consacre toujours avec autant de passion à la quête d'une cuisine qui soit la sienne uniquement.


C'est un très beau portrait de femme parce qu'Ottavia vit intensément tout ce qui lui arrive, qu'elle ne dévie pas d'un pouce de la ligne qu'elle s'est fixée, et qu'elle avance dans la vie avec sa passion dévorante nichée au coeur de ses pensées, ses actes et la majorité de son temps de travail.

On peut la décrire égoïste, tyrannique, individualiste et même sans coeur (ses enfants craignent qu'elle les abandonne) mais elle a le mérite de la cohérence et de se dévouer à une quête qui n'aura pas de fin.

Alors quand Clem surgit du passé pour lui expliquer ce qui s'est produit suite à la nuit parisienne et veut effacer le passé pour donner un avenir à leur relation, Ottavia va hésiter. Fera-t-elle le chemin inverse et sera-t-elle prête à tout quitter à nouveau pour suivre celui dont elle est tombée amoureuse il y a quelques temps déjà ? le récit nous le dira, mais ce n'est pas le plus important.

Le plus important c'est cette flamme logée dans son coeur qui n'est pas près de s'éteindre. Quiconque a vécu auprès d'un artiste peut comprendre cette forme d'égoïsme qu'incarne celui qui vit pour sa passion. Ici c'est la cuisine (et Julia Kerninon en parle très bien) mais ce pourrait être la peinture (comme dans « La nourrice de Francis Bacon »), la musique (comme dans « le grand feu » de Leonor de Recondo) ou bien sûr la littérature.

Intense, ce pourrait être le qualificatif qui traduirait la vie d'Ottavia, une femme attachante parce que profondément libre de suivre le cours de sa destinée.
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Ottavia est passionnée. La fougue qui la maintient année après année, depuis sa plus tendre enfance se traduit par une créativité et un acharnement sans trêve autour de ses fourneaux. Après avoir vécu dans l'ombre de la célébrité de son père, lui aussi chef, la jeune femme s'est construit une réputation et les clients le savent.

Le revers de la médaille affiche une autre histoire. Celle d'un premier amour, répudié lorsque la pression de démons artificiels l'a rendu invivable. C'est ensuite une furtive rencontre avec Clem, qui lui a donné une adresse à Paris avant de s'envoler brutalement vers la France, où elle le retrouvera au cours d'une rencontre éclair C'est finalement Bensch, un critique culinaire réputé qui est tombé sous le charme et est devenu le père de ses trois enfants. Mais le souvenir de Clem la hante.

Le feu qui anime la narratrice est de ceux qui ne s'éteignent pas et qui incendient tout sur leur passage. Elle vit sans concession, et épuise son entourage. C'est aussi ce qui est à l'origine des passions qu'elle déchaine.

L‘ambiance est ardente dans ce roman qui mêle la cuisine italienne dans ce qu'elle a de plus séduisant, et les amours complexes de la jeune cheffe. La chaleur des âmes et des fourneaux s'incarne sous les traits de l'héroïne tout feu tout flamme.

Une écriture travaillée mise au service d'une histoire plaisante.

300 pages Iconoclaste 17 Août 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce roman était appétissant avec sa couverture colorée, la promesse de retrouver la plume de Julia Kerninon que j'avais beaucoup aimée dans Liv Maria et le décor romain qui s'esquisse dès l'incipit. Ce titre intrigant aussi : sauvage, c'est un mot qui a un goût de liberté brute, de naturel comme une plante qui pousse à sa guise, mais quelque chose de rude aussi.

Et effectivement, je n'ai fait qu'une bouchée de la première moitié du livre, séduite par l'intrigue nouée autour d'Ottavia Selvaggio qui, à quinze ans, décide de quitter l'école pour cuisiner. de sa plume sensuelle, l'autrice nous fait ressentir l'adrénaline des coups de feu en cuisine, respirer des arômes méditerranéens, goûter des saveurs tellement italiennes – salades de puntarelle aux anchois, carciofi alla romana… Dans les sauces et les spaghettis se lovent des relations dont la tectonique est restituée à merveille. Les femmes de la famille sont échaudées par le mariage, Ottavia est déterminée à s'accrocher coûte que coûte à sa liberté. Forcément, un tel personnage nourrit l'intrigue, la rend imprévisible, et je n'ai pas boudé mon plaisir.

Et pourtant, mon appétit s'est tari par la suite. J'ai eu l'impression que la quête éperdue de liberté d'Ottavia ne lui permettait pas de savourer l'ensemble des possibles, mais l'empêchait de les investir. Elle qui était supposée représenter une femme libre, émancipée, m'a semblée au contraire paralysée, dévorée par les doutes. Comme le dit la quatrième de couverture, même la maternité ne la fait pas dévier de sa route, mais quelle route ? Cette femme qui pourrait tout se permettre ne me semble pas réaliser grand-chose. Sa quête a fini par me sembler dépourvue de sens et j'ai eu de plus en plus de mal à m'y intéresser. L'excipit, qui pousse à son paroxysme la hantise de liberté de la protagoniste, m'a laissé un entêtant sentiment d'inaccompli.

Peut-être est-ce précisément le propos du roman de nous interroger sur la quadrature du cercle que représente la conciliation d'une passion professionnelle, de la maternité et de la vie de femme. Mais cela m'a laissé un sentiment frustrant.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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critiques presse (5)
SudOuestPresse
16 octobre 2023
Dans son septième roman, l’autrice de « Toucher la terre ferme » et « Liv Maria » explore le thème de la femme libre à travers le personnage d’une Italienne qui se libère du patriarcat.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Culturebox
05 octobre 2023
Julia Kerninon décrit avec poésie le quotidien, qu’elle voit comme des moments où on doit être "équilibré, ou écartelé".
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaLibreBelgique
03 octobre 2023
Ce que Ottavia veut, Ottavia l’obtiendra. Julia Kerninon dresse le portrait, dans le milieu de la restauration, d'une femme déterminée. "Sauvage", un 5e roman détonant.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
02 octobre 2023
Dans son roman « Sauvage », à travers le portrait d’une cheffe italienne hyperactive, et mère de famille, l’écrivaine trentenaire parle aussi d’elle-même.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
15 septembre 2023
"Sauvage" se déguste, nous offre l’hospitalité tel un roman cabane : celle où Ottavia se réfugie, le temps de mettre au point sa gastronomie intime.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (121) Voir plus Ajouter une citation
[ La recette des rigatonis romains à la pagliata ]

Ton père, c'est un homme de la ville, il a chaud, il a froid, c'est la princesse au petit pois, et je l'avais crue, et pourtant c'était faux - dans sa cuisine mon père était d'une résistance et d'une compétence hors du commun. Il savait ce qu'il faisait, et il le faisait bien. J'entends encore sa voix, une voix que je ne lui avais jamais connue, Pour retirer la peau qui enveloppe l'intestin, tu fais une petite incision au couteau à l'une des extrémités du boyau, puis tu attrapes entre les doigts un morceau de cette peau que tu retournes comme un gant pour libérer la partie charnue qui se trouve en dessous. Une fois pelé, tu coupes le boyau en morceaux de vingt centimètres environ, tu le plies en boucles et tu couds chaque morceau avec de la ficelle de cuisine, ça empêchera l'intérieur du boyau de se disperser en cours de cuisson. Et tu vas voir, ça va réduire. Après, tu mets du lard séché et de l'huile d'olive dans une casserole à fond épais, tu y fais revenir un soffritto, tu ajoutes le piment et les abats, tu remues avec une spatule en bois, tu mets le sel et le poivre fraîchement moulu, tu fais dorer à petit feu. Tu verses le vin blanc, tu le fais évaporer en surveillant qu'il n'y a pas de croûte qui se forme sur le dessus. S'il y en a, tu la retires doucement avec une petite cuillère, comme ça. Tu verses le coulis de tomates, tu baisses le feu, tu couvres et tu laisses cuire à feu très doux deux heures environ, en vérifiant que ça n'attache pas. Tu cuis tes rigatonis, tu les égouttes, et tu sers chaque assiette de pâtes avec au moins deux pièces de pagliata.
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Nous avions mangé nos sorbets, et puis il m'avait demandé :
- Est-ce que tu connais le poème qui dit Je veux te faire ce que le printemps fait aux cerisiers ?
- Non, j'avais répondu parce que c'était vrai, mais en silence j'avais pensé Je crois que je voudrais te faire l'amour comme sur mon plan de travail. Je verse la farine, je creuse un puits, je casse un jaune d'œuf au milieu et je remue avec ma main nue jusqu'à ce que ça ne soit plus qu'une seule et même chose, je veux te faire ce que le jaune d'œuf fait à la farine, ce que la farine fait au jaune d'œuf, je veux te faire le poivre dur sur la langue, je veux te faire le crépitement du lard dans la poêle, les éclaboussures, je veux te faire les orecchiettes minuscules et mystérieusement émouvantes sous la dent, je veux te faire le lait, le café brûlant, je veux te faire le caramel dur qui colle au fond des cuivres et blesse les mains, je veux te faire ce que le printemps fait aux cerisiers, oui, bien sûr, mais surtout je veux te faire la cuisine du lundi soir, la cuisine des fins de mois, et puis je veux te tenir dans ma main comme la pâte à pizza tournant au ralenti sur mon index, souple, mouillée, je veux déverser des litres de sauce sur ta tête, être avalée comme un oursin, lèvres collées à la coquille, cerveau éteint.
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Il semble que tout le monde ait oublié une loi fondamentale : la littérature est une affaire de forme bien avant d'être une histoire de fond. Tout a déjà été dit, tout a déjà été. Nous savons à peu près ce qu'est la vie, parce que nous la vivons. Ce que nous allons chercher dans la littérature, ce que nous devons y chercher, ce n'est pas ce que nous connaissons, mais ce que nous ne connaissons pas. C'est le dépaysement
qui est précieux - le désemparement. Nous
ne venons pas à la littérature pour nous y sentir familiers, mais, au contraire, déplacés. Nous venons écouter une histoire et nous attendons que les mots soient agencés selon un ordre nouveau. Des sujets, nous n'en manquerons jamais, ou bien nous en manquerons toujours, c'est une question de point de vue seulement. Mais la littérature compose avec les lettres et leur ordonnance, la syntaxe, la grammaire, l'architecture. C'est de ça qu'il est question et je ne voudrais pas qu'on l'oublie. Il n'y a rien de prosaïque. Il y a les mots posés les uns après les autres, patiemment, cherchant la justesse.
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Du soleil et de l'eau. Coupoles dorées dans la distance. Toits verrières au bord de la Seine. Grand Palais, Petit Palais, musée de l'Orangerie. Bateaux-Mouches. Taxis. Vastes allées sablées du jardin du Luxembourg. Bassin. Platanes, marronniers, tilleuls. Des mots mystérieux comme place des Victoires ou café crème ou les Tuileries ou rue des Abbesses ou croque-monsieur ou bateau-lavoir ou Père-Lachaise ou chausson aux pommes ou exposition universelle ou guillotine. Pâte feuilletée. Serviettes en papier. Rouge à lèvres. Paris. Marc Chagall. La tour Eiffel. La galerie des Glaces à Versailles. Calèche. Paris. Les barricades. Marie-Antoinette. Qu'ils mangent de la brioche. Le regard matois de la Joconde. Les macarons Ladurée. Sofia Coppola. Le soleil se lève aussi. Victor Hugo. Coco Chanel. Place de la Rotonde. C'était le genre de choses auxquelles je pensais quand je pensais à Paris, et j'y pensais de plus en plus.
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- Je travaille. 

- Moi aussi, je travaille, Ottavia. Tu penses peut-être que ce que je fais est moins intéressant moins palpitant que ce que tu fais toi, mais c'est un métier aussi, c'est le mien. Est-ce que tu sais comment se passent mes journées? Je me réveille dans le lit et souvent tu es déjà partie, je m'occupe des enfants, je chauffe le biberon de Silvio, je les habille, je les dépose à l'école et chez la nourrice. et puis je rentre à la maison préparer mes cours, je corrige des copies, je fais des recherches, et puis je pars en courant à l'université donner un cours, j'avale un café et un panini au bar pendant que súrement au même moment toi tu voltiges dans ta cuisine, souveraine, et puis je range la maison, je passe l'éponge sur le plan de travail, je frotte lévier, j'étends le linge, je le plie, je passe commande pour de nouveaux robinets, je téléphone au garage, je téléphone à ma mère, j'envoie des photos des enfants à la tienne, je fais les lits, je bois une tasse de thé en lisant quelques pages et c'est déja l'heure d'aller chercher les enfants, je leur donne la main. je les porte sur mes épaules, je réponds à leurs questions, en rentrant je m'arrête faire des courses pour le diner,  je le prépare, je donne le bain, je les couche, ils me rappellent, ils se relèvent, et finalement vers neuf heures et demie si i'ai de la chance ils dorment, et alors je finis de ranger, je fais la vaisselle. je l'essuie avec un torchon que j'ai repassé quelques jours plus tôt, et puis je m'assois dans le salon avec un livre, et i'attends ton retour. Tu ne me dis presque jamais merci pour tout ce que je fais pour que cette maison tienne debout, tu ne vois pas I'infinité de choses qu'il faut accomplir pour que ça marche, pour que les enfants aient des chaussures et le ventre plein, pour que la maison soit propre, pour que nos lits soient faits. Tu dis simplement que tu travailles, que tu travailles, comme si c'était supérieurà tout, comme si tu étais plus importante parce que tu es occupée, comme s'il y avait de la grandeurà être débordée, comme si ça te dégageait de toute autre responsabilité. Mais tu ne t'occupes que de cuisine, Ottavia, mon amour. Même si tu le fais bien, ça reste un travail. Tu juges sévèrement les hommes de ta famille, mais tu ne fais pas beaucoup mieux, tu sais. Tu es meilleure cuisinière, peut-être, mais qu'est-ce que ça change, si tu ne parviens pas à être plus généreuse qu'eux, alors que c'est ce que tu prétends leur reprocher depuis que tu es petite ? Tu passes à côté d'une partie de la vie, qui est ta vie avec nous. Je n'ai jamais pensé que ça se passerait comme ça. Parfois, ça me paraíit terriblement injuste, parce qu'il me semble que ta vie merveilleuse ne tient que parce que je m'occupe de tout le reste en coulisses, et toi tu reçois les honneurs et moi je suis simplement ton mari universitaire. Je suis plus diplômé que toi, mais tout le monde s'en moque, et parfois ça me rend fou. À d'autres moments, je m'adoucis, je me dis que je devrais être plus solidaire, je me dis que je t'ai épousée de mon plein gré. Mais sérieusement : sans mon aide, tu n'y arriverais pas. Ta cuisine ne dit rien de nos bébés appelant leur mère débordée, elle n'a pas le goût de leurs larmes. À personne tu ne racontes les journées que j'ai passées à arpenter la maison en les portant dans mes bras parce que que rien ne pouvait les calmer, tu n'étais pas là et j'étais de ton côté, je leur disais shh shh, votre mère travaille, votre mère est une une grande cuisinière. À d'autres moments, je me suis demandé pourquoi tu avais accepté d'avoir nos enfants si tu désirais si peu passer du temnps avec eux, si seule la cuisine avait du sens à tes yeux. II y a très longtemps, j'ai pensé que la cuisine était une chose que tu faisais pour moi, maintenant j'ai compris que non, c'est plus profond encore, c'est entre toi et toi, et même ça, je l'ai accepté, Ottavia. Qu'est-ce que tu ne vois pas? Je t'adore, mais objectivement, ce que je fais, vivre avec toi tous les jours, honnêtement -je pense que pas grand monde en serait capable.
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