Ce livre du philosophe
Hans Jonas est le complément spirituel d'une oeuvre de philosophie morale et d'écologie politique novatrice et rigoureuse, profondément honnête. Il l'écrivit pour la réception du Prix Léopold Lucas (rabbin, historien, philosophe) en 1984. H. Jonas essaye là, comme
Kant, de penser Dieu, par le prisme de la théologie spéculative. Mais Auschwitz a laminé l'impératif catégorique kantien et la souveraineté de sa raison. Jonas lui substitue alors l'inconditionnalité de notre devoir de responsabilité face à la liberté absolue que nous a accordé un Dieu qui n'interviendra plus dans la destinée de notre espèce. Responsabilité de notre espèce, et du concept même de Dieu. Pour qu'Auschwitz n'ait pas tout anéanti et que le nihilisme ne l'emporte pas.
"Ce thème s'imposa irrésistiblement à moi. C'est avec crainte et tremblement que j'en fis le choix. Mais j'ai cru devoir ne pas refuser à ces ombres quelque chose comme une réponse à leur cri, depuis longtemps expiré, vers un Dieu muet."
"Travailler sur le concept de Dieu est donc possible, même s'il n'y a pas de preuve de Dieu...Je propose pour des raisons inspirées par l'expérience contemporaine de façon déterminante, l'idée d'un Dieu qui s'est dépouillé de tout pouvoir d'immixtion dans le cours physique de choses de ce monde...Mon mythe ne fait au fond que radicaliser l'idée du Tsimtsoum (contraction, retrait, autolimitation...). Sans son retrait en lui-même, rien d'autre ne pourrait exister en dehors de Dieu...Dieu, après s'être entièrement donné dans le monde en devenir, n'a plus rien à offrir : c'est maintenant à l'homme de lui donner. Et il peut le faire en veillant à ce que, dans les cheminements de sa vie, n'arrive pas trop souvent, et pas à cause de lui, l'homme, que Dieu puisse regretter d'avoir laissé devenir le monde."
Hans Jonas