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sur 1403 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Alors qu'elle séjourne dans un chalet isolé en forêt alpine, la narratrice se retrouve coupée du monde par la brusque apparition d'un mur de verre, au-delà duquel toute vie semble avoir disparu. Tout en explorant la vaste zone giboyeuse de son côté du mur, elle tâche d'organiser sa survie, avec pour seule compagnie quelques animaux domestiques.


Le récit n'apportera jamais d'explication sur ce mur et cette apocalypse soudaine : ils ne sont que les prétextes quasi symboliques d'une robinsonnade et d'une réflexion sur la condition humaine. Brutalement ramenée à ses besoins les plus fondamentaux, contrainte à un rude investissement physique pour assurer une survie assujettie à la nature, au rythme des saisons et à l'exploitation durable et raisonnée de ses ressources environnementales, cette femme va vite découvrir un nouvel ordre du monde, à des lieux de ses anciennes préoccupations désormais bien dérisoires, et où elle va expérimenter une forme de bonheur et d'harmonie inédits pour elle.


S'insurgeant contre l'orgueil de l'homme si sûr de sa prééminence sur terre et de son importance individuelle, Marlen Haushofer évoque notre vulnérabilité et notre finitude, questionnant nos choix et le véritable sens de la vie. Loin des artifices et de la fuite en avant de la société actuelle, débarrassée des perpétuelles insatisfactions égoïstes de ses semblables, notre survivante apprend à vivre pleinement le moment présent, à trouver la paix de l'esprit dans l'amour des créatures qui l'entourent et dans l'humble conscience de faire partie d'un tout.


Intriguée par le début étrange de cette histoire, parfois étreinte d'un sentiment de longueur mais portée par l'écriture fluide et agréable, je referme ce livre troublée par cette désillusion si désespérée qu'elle aboutit à la préférence de la solitude et de l'amour des bêtes, au pénible commerce des hommes. Tout l'esprit du livre me semble contenu dans cette citation :


"Les choses arrivent tout simplement et, comme des millions d'hommes avant moi, je cherche à leur trouver un sens parce que mon orgueil ne veut pas admettre que le sens d'un événement est tout entier dans cet événement. Aucun coléoptère que j'écrase sans y prendre garde ne verra dans cet événement fâcheux pour lui une secrète relation de portée universelle. Il était simplement sous mon pied au moment où je l'ai écrasé : un bien-être dans la lumière, une courte douleur aiguë et puis plus rien. Les humains sont les seuls à être condamnés à courir après un sens qui ne peut exister. Je ne sais pas si j'arriverai un jour à prendre mon parti de cette révélation. Il est difficile de se défaire de cette folie des grandeurs ancrée en nous depuis si longtemps. Je plains les animaux et les hommes parce qu'ils sont jetés dans la vie sans l'avoir voulu. Mais ce sont les hommes qui sont sans doute le plus à plaindre, parce qu'ils possèdent juste assez de raison pour lutter contre le cours naturel des choses. Cela les a rendus méchants, désespérés et bien peu dignes d'être aimés. Et pourtant il leur aurait été possible de vivre autrement. Il n'existe pas de sentiment plus raisonnable que l'amour, qui rend la vie plus supportable à celui qui aime et à celui qui est aimé. Mais il aurait fallu reconnaître que c'était notre seule possibilité, l'unique espoir d'une vie meilleure. Pour l'immense foule des morts, la seule possibilité de l'homme est perdue à jamais. Ma pensée revient sans cesse là-dessus. Je ne peux pas comprendre pourquoi nous avons fait fausse route. Je sais seulement qu'il est trop tard."

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Séjournant dans un chalet isolé en pleine montagne, une femme se retrouve subitement coupée du reste du monde suite à l'apparition d'un mur invisible, au-delà duquel personne ne semble avoir survécu. Seule survivante de ce phénomène inexplicable, elle doit dorénavant tenter de subsister, accompagnée de quelques animaux domestiques…

Même s'il se retrouve labellisé « science-fiction », ce livre post-apocalyptique, datant de 1963 dans sa version originale, se rapproche plus du genre « nature writing » ou du récit de survie à la Robinson Crusoé. le mur transparent qui constitue le point de départ du roman et dont on ne connaîtra d'ailleurs jamais l'origine, s'avère en effet plutôt symbolique et n'est finalement qu'un prétexte afin d'entamer une réflexion profonde sur la condition humaine et sur notre rapport à la nature et aux animaux.

L'héroïne, dont on n'apprendra d'ailleurs jamais le nom, doit subitement faire face à une solitude extrême au coeur d'un monde où le temps n'est dorénavant plus rythmé par des montres, mais par la nature et par les saisons. Outre les problèmes liés à sa survie, qui changent radicalement son rapport à la nature et à ses ressources vitales, elle tisse également des liens profonds avec les quelques animaux qui viennent combler ses manques affectifs.

Les amateurs d'action devront donc passer leur chemin car l'auteur autrichienne livre un roman très contemplatif au coeur d'une nature omniprésente qu'elle dépeint à merveille. La nature ne se retrouve donc pas reléguée dans un vulgaire rôle de décor, mais au centre des besoins de cette femme qui tente de survivre. En invitant à réfléchir sur notre rapport à la nature, Marlen Haushofer semble vouloir réveiller nos consciences et nous inviter à la respecter et à vivre en harmonie avec elle.

Ce journal intime marqué par l'absence de conversations et rythmé par des saisons qui se suivent et se ressemblent, aurait donc facilement pu donner naissance à quelques longueurs si ce surplus de temps n'invitait pas à continuellement réfléchir à la vacuité de nos propres existences et aux préoccupations futiles qui animent notre quotidien. Dans ce monde où l'apparence physique devient sans importance et où la consommation se retrouve réduite aux besoins les plus fondamentaux, l'essence de la vie semble vouloir remonter à la surface, loin des artifices et de la violence de notre société moderne…
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Roman post-apocalyptique ou plutôt récit parabolique centré sur une expérience-limite ? Je penche pour la seconde hypothèse.
Une narratrice dont on ne connaîtra jamais le nom a décidé d'écrire un journal de bord dans lequel elle conte ce qu'est devenue sa vie quotidienne depuis qu'un mur invisible l'a isolée du restant de l'humanité dans un coin de la forêt autrichienne où elle séjournait avec son cousin Hugo et son épouse. D'humanité, il n'est plus question non plus puisque tout le monde, vivant derrière cet obstacle devenu infranchissable, semble être complètement pétrifié.
J'avoue que bien vite j'ai oublié ce mur dont la narratrice confesse presque, à un moment dans le roman, le caractère symbolique, pour suivre cette odyssée extra-ordinaire que nous conte Marlen Haushoer et qui pourrait tout aussi bien être celle d'un(e) ermite en rupture de banc avec la société où elle/il vit. Or on ne quitte pas impunément le monde d'où l'on vient et cette femme va être assaillie au début de cette aventure hors du commun par toutes les peurs archaïques qui peuvent surgir dans une telle situation. Peur de l'abandon lorsqu'elle va s'apercevoir qu'elle est vraiment seule au monde au sens premier du terme. Mais son instinct de survie et son sens de la combativité vont activer en elle une forte capacité de résilience et elle va renouer avec des racines paysannes dont elle n'avait plus conscience. C'est également une véritable ascèse qu'elle va accomplir en passant de la résignation à l'acceptation d'un nouvel ordre du monde qui la dépasse mais auquel elle se soumet. Son mode de vie va donc radicalement changer. Abandon d'une féminité qu'elle perçoit comme trop liée à l'apparence et aux rites sociaux qui la sous-tendent. Abandon progressif des repères de temps. Elle va même assumer avec courage et lucidité son goût pour la solitude et une certaine misanthropie.
Est-ce au profit d'une sorte d'ataraxie désincarnée dans laquelle elle se détacherait complètement de son environnement jusqu'à la mort ? Pas du tout ! Va se présenter à elle un nouvel ordre du monde dans lequel elle se sent bien plus heureuse qu'avant notamment au coeur de la nature ou au fond de la forêt. Et surtout elle va tisser des liens privilégiés avec des animaux qui vont devenir sa nouvelle famille, avec toutes les joies et les peines qui l'accompagnent. le récit des moments d'intimité avec Lynx, Bella, la vieille chatte et ses chatons m'ont beaucoup touchée par l'empathie et la tendresse qu'ils dégagent. Et seule son acceptation d'un ordre cosmique qui lui est supérieur va lui permettre de continuer à vivre après la mort de Lynx son chien et même d'envisager la sienne avec une certaine sérénité...
Ce roman m'a fortement interpellée par les questionnements qu'il soulève. A quoi tient notre humanité ? Qui sommes-nous une fois privés de tous les repères sociaux qui sont les nôtres ? Quid de notre capacité de résilience dans des circonstances extrêmes ? A aucun moment l'écriture froide et distanciée de la narratrice ne laisse d'échappatoire. J'ai suivi pas à pas la narratrice dans son parcours initiatique, même si j'aurais souhaité à certaines moments plus d'émotions...
Dernier questionnement non moins fort que les autres mais plus collectif et qui court en sous-thème dans tout le roman : l'urgence de préserver un ordre du monde dans lequel on puisse vivre en harmonie avec la nature et tout le vivant.
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Pourquoi, un matin de Mai, un mur invisible sépare-t-il soudain une partie de la montagne autrichienne du reste du monde? Pourquoi ceux qui sont de l'autre côté de ce drôle de mur sont-ils restés pétrifiés dans leurs mouvements, comme un nouveau Pompéi? Qui a conçu ce mur, pourquoi, où s'arrête-t-il, pourquoi la narratrice a-t-elle, elle, échappé à ce qui ressemble à la fin de l'humanité?
Beaucoup de questions dès le début du roman, mais pas de réponse!
Notre narratrice - à quoi bon lui donner un nom puisqu'elle est seule désormais!- a suffisamment de sang-froid et de maturité - ou bien est-elle folle, finalement, pour réagir ainsi? - pour ne pas s'attarder sur le comment et pourquoi, et décide de réorganiser sa vie au plus vite, puisqu'il faut bien vivre... pour retrouver sa vie d'avant, un jour? Non, elle n'y croit pas.
Elle a auprès d'elle Lynx, le chien de ses amis dont elle investit aussi le chalet. Peu après, elle prend en charge une vache égarée, Bella, bien heureuse d'être traite et de trouver un confortable refuge, et enfin la chatte, indépendante mais affectueuse, qui a en recours un matou sauvage caché dans les bois. Tout ce petit monde va recréer un microcosme, nourris par Bella, aimés par Lynx, soignés par la narratrice qui se souvient de son enfance paysanne, heureusement. Car les journées sont longues et chargées: il faut planter, moissonner, aller aux alpages l'été, s'occuper de toutes ces petites bêtes auxquelles elle s'attache malgré elle, économiser les ressources... bref: survivre. Malgré le jour où...

On sait très vite que Lynx va mourir, que Taureau, le fils de Bella, va être sauvagement tué. Mais il faudra attendre la fin du récit pour savoir, et les pages se tournent dans une angoisse lancinante, une monotonie pesante. Il ne se passe pas grand chose tout le long du roman, et pourtant, maintenant que je l'ai fini, il me reste des tonnes d'impressions et d'images de cette vie montagnarde, de cette nature magnifique et sauvage, des attitudes si merveilleusement et justement décrites des animaux, presque humains.
Peu à peu, sur les deux ans passés ainsi, la narratrice change: son corps devient sec, menu et musclé, perdant ses formes arrondis. elle oublie petit-à-petit des pans de ses connaissances du monde d'avant. Mais la nature entre en elle: elle reconnaît chaque herbe, vit avec la pluie et le vent, les corneilles et identifie au premier regard les chevreuils qui ne sont pas originaires de sa vallée.
Alors oui, la lecture peut sembler monotone, mais on n'en sort pas indemne.

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Pourquoi avoir tant retardé la lecture de ce livre qui m'attend depuis longtemps dans la bibliothèque ? Je le traînais un peu partout sans oser me lancer et je dois dire que mon entrée dans le mur invisible a été assez difficile.
Cette histoire de femme condamnée, à la suite d'une catastrophe planétaire, à vivre recluse dans un chalet de montagne, où elle avait accompagné ses cousins, sous un dôme transparent dont elle ne peut s'échapper, m'inspirait peu et un léger sentiment de claustrophobie et d'angoisse m'a étreint pendant un bon tiers du livre.
Cette femme dont nous ne connaissons ni l'âge, ni le nom, ressent le besoin d'écrire son journal sur des bouts de papier trouvés dans le chalet de chasse. Elle veut ainsi témoigner de son expérience, sans savoir si elle sera lue un jour, et espère, de cette manière, vaincre la peur et la folie qui la guette.
Elle est rapidement entourée de plusieurs animaux, le chien de ses cousins, une chatte qui aura plusieurs portées, une vache qui lui donne du lait, et un jeune taureau.
Très active et courageuse, elle organise ses journées autour des activités d'aménagement de la maison et de l'étable, de chasse, de pêche et de cueillette, de culture de pommes de terre et de haricots, et se consacre pleinement aux soins de ses animaux, avec qui elle noue des relations de tendresse et de bienveillance.
Son journal de bord nous livre le détail de son combat au quotidien, dans la nature, pour lutter pour sa survie, et celle de ses bêtes. Peu d'introspection, ni de plainte ou de sentimentalité de sa part. Elle est concentrée, ramassée dans l'action, vit le moment présent, ne semble pas regretter sa vie d'avant, et parait peu émue par la perte de ses proches.
Le mur de verre dont elle ne peut s'échapper et qui la sépare du monde extérieur où il n'y a plus rien, est perçu, dans un premier temps, comme le symbole d'une claustration, mais il peut également être vu comme une protection qui permet à l'héroïne de couper avec un vécu antérieur contraignant et peu épanouissant, de se reconstruire et d'accéder à une forme d'autonomie.
Son aventure extrême, loin de la détruire, semble donner un sens à sa vie, dans le présent, sans projet et sans retour en arrière, dans la communion avec la nature et les animaux dont la charge lui est essentielle. Ce qu'elle traverse s'apparente à une expérience mystique. Nous sommes proches des valeurs du bouddhisme, compassion et instant présent.
La métaphore du mur offre-t-elle d'autres interprétations ? Nous songeons au nazisme et à la culpabilité des autrichiens après la seconde guerre mondiale, ou à la guerre froide qui faisait craindre une apocalypse nucléaire. La démarche de l'autrice est-elle préfiguratrice d'un écoféminisme ? S'agit-il d'une condamnation des modes de vie contemporains, basés sur la consommation et la vitesse ?
Il n'est pas aisé de faire le tour de ce roman étrange, puissant, qui déclenche autant de questionnements et d'en saisir tous les ressorts. Je comprends néanmoins aujourd'hui la portée qu'il peut avoir et je remercie les amis babeliotes qui m'ont encouragée à le lire.

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Paru en 1963, le Mur invisible est certainement le roman le plus connu de Marlen Haushofer. Je me suis enfin décidée à le sortir de ma bibliothèque, quelques heures plus tard je le referme songeuse.. Je vous épargnerai un énième résumé de ce texte porté aux nues par la majorité de ses lecteurs.
L'apparenter exclusivement au registre de la S.F post-apocalyptique me semble être trop restrictif. Bien sûr le contexte , la disparition de toute espèce "animale", est certes avéré, nous n'en connaitrons d'ailleurs ni le pourquoi ni le comment. Mais est-ce là l'essentiel? Je n'en suis pas convaincue. Je retiendrai plus volontiers le récit d'une femme livrée à elle-même dans un univers clos, en compagnie d'un chien, d'une vache, d'une chatte. A elle de s'adapter, de se projeter sur l'avenir pour pouvoir survivre elle et ses animaux. Nous découvrons son quotidien, ses angoisses, ses peurs, ses joies, ses satisfactions. Comment est-ce possible me demanderez-vous? Par un récit qu'elle laisse derrière elle. Qui le trouvera ou plutôt qui l'a trouvé? Peu importe ...
J'ai beaucoup apprécié certaines pages en particulier le rapport à ses animaux, chat, chien, vache. La nature est omniprésente les saisons et les intempéries se succèdent. Ceci dit, je reste songeuse. Que retiendrais-je de ce récit? Quelle était le but recherché? que veut-elle dénoncer? Il y a surement un message à lire entre les lignes, je ne suis pas sure de l'avoir pleinement décodé. Je pensais que la post-face de Patrick Charbonneau allait éclairer ma lanterne mais l'hermétisme du langage, des références littéraires destinées à un public averti ont eu raison de moi. Dommage.
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Une femme, dans la quarantaine, va séjourner avec un couple d'amis dans leur chalet dans les montagnes autrichiennes. Cependant un jour, elle se retrouve seule entourée par un mur invisible. Son espace de vie se restreint au chalet, à la forêt et aux alpages alentour. La vie humaine semble avoir disparu à l'extérieur du mur et à l'intérieur un chien, une vache et une chatte deviennent ses seuls partenaires.
Elle doit alors apprendre à survivre dans cet environnement hostile, mais néanmoins plein de ressources, vivre au rythme de la nature et des animaux dont elle a la charge et qui donnent un nouveau sens à sa vie.
Pas le temps de s'apitoyer sur son sort, ni sur les raisons de cet isolement. Elle est en mode survie, les efforts et la fatigue physique ne lui laissant pas toujours le temps de réfléchir non plus.
Cette femme se sent responsable des animaux dont elle est aussi interdépendante, malgré les contraintes qu'elles lui apportent aussi. C'est aussi cela qui rythme des journées et leur donnent du sens.
Mais peu à peu, on la voit vivre selon ses propres décisions, sans la pression ou le regard de la société ou de ses proches. Elle découvre et apprécie de vivre pour elle-même comme cela ne lui est jamais arrivé auparavant, mais aussi vivre en harmonie avec la nature, alors même qu'elle était une citadine pressée. Car finalement ce roman est moins de la science-fiction que du domaine du nature writing.
Un roman original, écrit dans les années 1960, en pleine guerre froide, mais qui reste totalement d'actualité.
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"Le mur invisible" est le roman le plus connu de Marlen Haushofer. Il a été publié en 1963 et a obtenu le Prix Arthur Schnitzler la même année. Oublié durant quelques temps, ce livre refait surface progressivement. Il est ainsi republié à plusieurs reprises, d'abord en 1985, puis en 1992. Les éditions Actes Sud, dans leur collection Babel, le propose cette année dans une nouvelle édition. Marlen Haushofer est une auteure que je ne connaissais pas. L'ayant beaucoup vu sur des sites littéraires ces derniers mois, je me suis lancée dans cette belle découverte.

Nous suivons l'histoire d'une femme dont nous ne connaissons pas le nom. C'est une personne solitaire, vivant habituellement en ville et n'aimant pas beaucoup sortir. Elle accepte tout de même de se rendre à l'invitation de son cousin pour un weekend à la montagne en Autriche. Elle est alors accueillie dans un chalet entouré de verdure et d'arbres, avec pour seule compagnie les animaux.
Un après-midi, elle reste sur les hauteurs pendant que son cousin se rend en ville pour y faire quelques courses. Mais, personne ne revient, ni le soir, ni le lendemain, ni plus jamais. Grâce aux animaux, elle se rend compte qu'elle est encerclée par un mur invisible et infranchissable. Elle est prisonnière dans la montagne. Personne ne peut entrer, ni sortir. Elle est définitivement seule. Alors, pour éviter de perdre la raison, elle écrit. Tous les supports font l'affaire. Elle note chaque journée, chaque activité, chaque sentiment.

Son quotidien est décrit en détail. Elle observe tout ce qui l'entoure. On suit avec elle les changements dans la nature au fil des semaines et des mois. On constate qu'il n'y a plus rien, ni personne en-dehors. Mais où sont les avions qui survolaient la montagne ? Se peut-il qu'elle soit seule au monde ? N'y a-t-il personne d'autre dans le même cas, totalement prisonnier de ce mur ?

La lutte pour sa survie est fondamentale. Elle doit s'organiser pour se chauffer, s'habiller et se nourrir. Elle ne peut compter que sur elle-même face au temps, à la maladie, à ses peurs et à ses interrogations.
Que s'est-il passé ? Qui est à l'origine de ce mur ? Pourquoi vit-elle une telle expérience ?

Le récit est écrit à la première personne, tel un journal intime. L'histoire est écrite à la suite, sans chapitre, ni décomposition. A travers toutes ces lignes, on découvre une femme émouvante et courageuse, une femme se confiant sur des feuilles de papiers jaunies et de vieux calendriers. Elle pose ses mots avec toute son intimité, d'abord pour elle-même, mais aussi pour y laisser un témoignage si un jour elle devait mourir, ici, seule.
Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Que feriez-vous si, soudainement, vous vous retrouviez isolé du reste du monde par un mur de verre ou tout autre obstacle infranchissable ?
Personnellement je trouve cette hypothèse, avec celle de l'île déserte, particulièrement fascinante. C'est pour cela que quelques années après avoir lu deux autres romans au sujet similaire mais au traitement très différent, j'ai voulu aussi lire ce roman, plus ancien mais qui bénéficie d'un regain d'intérêt depuis quelques années.
Dans "Dôme" (2009), un Stephen King inspiré réussissait à effrayer complètement le lecteur avec cet enfer qu'était devenue une petite ville américaine sous cloche. On finissait par réellement avoir l'impression de respirer un air vicié, déjà passé à travers de nombreux poumons !
Dans "Le village évanoui" (2014), Bernard Quiriny, un romancier et nouvelliste que j'apprécie énormément, parvenait lui à faire ressentir toute l'étroitesse et le désespoir sans fond d'un monde réduit à ressasser le passé...
Dans "Le mur invisible" (1963), Marlen Haushofer est tout aussi impressionnante, mais avec une approche différente, plus économe dans son récit. Sa narratrice se retrouve isolée du reste du monde, à l'abri dans un chalet de chasse et la montagne environnante, jusqu'à l'Alpage. En cherchant les limites de sa prison, elle aperçoit ce qu'il est advenu du monde au-delà du mur. Et ce n'est pas réjouissant.
C'est son journal, rédigé bien après le commencement de sa réclusion, que nous lisons. Ce texte aussi donne une forte impression d'étouffement, ne serait-ce que parce qu'il ne comporte pas la moindre respiration : pas de saut de ligne, encore moins de chapitres. le texte est tout d'un bloc.
Le récit est piégé car si la survivante écrit la plupart du temps en fonction de la chronologie des évènements tels qu'elle se les rappelle, il lui arrive aussi très brièvement d'anticiper sur son récit, ce qui donne matière à bien des questionnements pour le lecteur attentif. le ton général n'est pas très folichon, on s'en doute, les répétitions nombreuses, à la mesure de cette vie précaire restreinte autour des travaux agricoles nécessaires à la survie et aux soins apportés aux animaux domestiques.
Beaucoup de lecteurs pourraient à juste titre trouver ce roman terriblement ennuyeux, statique et plombé par la proximité de la mort, et je peux les comprendre. Je l'ai pourtant trouvé excellent et ses images devraient me hanter un bon bout de temps.
Merci à @Neneve qui l'a proposé comme livre quête dans le groupe SFFF.
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On ne connaît ni son nom et rien de ce qui a provoqué son isolement derrière un mur transparent et invisible, derrière lequel le reste du monde est mort, pétrifié mais où la nature reste vivante. Elle se retrouve seule dans un chalet appartenant à Louise, s a cousine et Hugo son mari avec pour seul compagnon un chien, Lynx qui va devenir avec des chats, une vache et un taureau ses seuls compagnons.
A travers deux ans et demi de son journal qu'elle tient pour laisser un témoignage de sa vie dans les lieux, elle retrace son adaptation à la situation, sans chercher à en connaître les raisons même si en tout début il est évoqué la possibilité d'une guerre atomique. Elle écrira jusqu'à la dernière feuille de papier en sa possession, ce qui arrivera ensuite nul ne le sait….
Ne cherchez pas dans ce récit de l'action, il s'agit là uniquement de sa vie quotidienne partagée entre les soins aux animaux, journaliers, détaillés, des cultures pour sa survie et celles des bêtes mais aussi de ses états d'âme au fil des jours et des saisons. Pas d'action mais pourtant un réel plaisir de lecture à suivre cette femme chercher des solutions, s'adapter à son environnement et ne pas trop s'attarder sur ses sentiments. Elle les évoque mais elle se refuse à tout apitoiement.
Elle fait appel à ses souvenirs d'enfance pour retrouver les gestes de la vie rurale : traire, faucher, planter etc…. Il y a une relation très profonde qui la lie à la terre mais aussi aux animaux, ils sont pour la plupart dépendants d'elle et lui apportent l'affection, l'attachement et sûrement la volonté de ne pas se laisser aller au désespoir, ils deviennent d'ailleurs des personnages à part entière.
C'est une narration d'un seul tenant, reprenant dans une écriture féminine, douce, jamais angoissée, les étapes de sa vie. J'ai été touchée par la résignation dont elle fait preuve, elle n'affiche jamais une colère sauf lorsqu'on touchera à ce qu'elle a de plus précieux : ses animaux. le temps n'est plus à la colère, le temps est à la survie.
C'est un roman dans lequel l'amour transpire malgré tout : amour de la nature, beauté des paysages, cycles des saisons mais aussi et surtout amour partagé avec les animaux qui partagent son quotidien. Tout est décrit avec précision mais sans lourdeur, sans ennui, on pose le livre, on le reprend et on est immédiatement replongé dans cet univers pastoral.
Comment ne pas penser à un Walden de H.D. Thoreau, au féminin, mais avec beaucoup plus de fluidité dans l'écriture et surtout une solitude totale, non voulue donc subie et totalement inexpliquée.
C'est une magnifique ôde à la vie, malgré tout, ce n'est ni triste, ni gai, c'est simplement la vie dans sa plus simple expression, dans la recherche permanente d'une survie, de l'instinct primaire mais avec une attention portée aux comportements des animaux, à leur signification mais aussi à l'attachement qu'elle leur porte :

"J'en ai assez de savoir d'avance que tout me sera enlevé. Mais ce temps n'arrivera pas, car aussi longtemps qu'il y aura dans la forêt un seul être à aimer, je l'aimerai et si un jour il n'y en a plus, alors je cesserai de vivre. Si tous les homes m'avaient ressemblé, il n'y aurait jamais eu de mur (…) Aimer et prendre soin d'un être est une tâche très pénible et beaucoup plus difficile que tuer ou détruire. Elever un enfant représente vingt ans de travail, le tuer ne prend que dix secondes. (p187-188)"

Elle évoque également la folie des hommes, du monde et j'ai parfois été surprise qu'elle ne soit pas plus anéantie, en particulier par l'éloignement de ses filles (ou peut-être leur mort). Il y a une sorte de douce résignation à accepter le présent tel qu'il est, à vivre le quotidien sans trop penser à hier ni à demain, même si parfois le doute s'installe. C'est presque une attitude philosophique, revenir à l'essentiel sans penser à ce qui ne peut être changé.

"En une nuit, ma vie passée et tout ce à quoi je tenais m'avaient été volés de façon mystérieuse. Tout pouvait arriver puisqu'une telle chose était possible. Naturellement, on m'avait inculqué à temps assez de discipline et de raison pour que j'étouffe dans l'oeuf des excès de ce genre. Mais je ne suis pas sûre que ce comportement soit normal ; peut-être que la seule réaction normale à ce qui est arrivé aurait été de sombrer dans la folie. (p217)"

Il n'y a ni intrigue, ni dénouement et pourtant c'est une bulle d'humanité d'éloge de la vie, pour toute vie même, un voyage dans l'inconnu et où pourtant tout est d'une beauté absolue.
Une lecture que je recommande vivement car elle est à la fois apaisante, douce, sans violence, elle amène aussi à beaucoup de questions sur nous, sur un monde qui pourrait basculer dans un effroyable cataclysme.
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