J'ai une confession à faire : de prime abord, je n'avais pas été accroché par les premières pages survolées en ligne d'
Un Gentil Orc Sauvage. C'est l'écoute d'un podcast qui lui était consacré qui m'a fait réviser mon jugement hâtif. Grand bien m'en a pris.
Parabole fantasy à peine déguisée de la crise migratoire actuelle, du parcours que les migrants entreprennent au péril de leur vie et de l'accueil qui leur est réservé en tant que réfugiés, on suit ici Oscar, un orc civilisé qui sent le propre, contraint à fuir son pays après le massacre de son village par une horde d'orcs retournés à la sauvagerie des temps anciens et bien décidés à imposer leur vision extrémiste par le sang et les armes.
On rigole beaucoup au cours de cette BD (des loufoqueries, des répliques, des running gags, de l'humour noir), mais difficile de parler pour autant d'un récit humoristique vu le contexte. On se surprend parfois à rire d'événements terribles, mais on arrive en même temps à saisir toute l'horreur de la situation.
Et le nombre de morts tout au long de la lecture est assez ahurissant (Game of Thrones n'a qu'à bien se tenir), bien que d'un cruel réalisme.
Théo Grosjean arrive à jongler sans fausse note entre ces deux aspects, à les marier de la meilleure des façons, tout en glissant quelques messages au passage, et pas que sur le racisme ambiant. Par exemple, Oscar passe une bonne partie de la BD en robe, sans que ça ne le gêne ou choque les autres autour, sauf un père intolérant qui vient, en négatif, souligner le propos.
On s'attache vite aux personnages, d'Oscar l'orc frêle qui ne doit pas céder à la colère et ne baisse jamais les bras malgré tout ce qui lui arrive, à Olive la princesse bagarreuse qui ne sera bien qu'une seule fois en détresse : pour qu'on l'aide à lui faire la courte-échelle afin d'étrangler un piaf et récupérer sa couronne ; en passant par des seconds rôles plus troubles.
Après lecture, je me suis rendu compte que certains éléments scénaristiques étaient un peu passés à l'as. La mère d'Oscar par exemple, qui sert de McGuffin toute une moitié de BD, est finalement complètement oubliée, emporté qu'il est par ses propres (més)aventures. Mais ça ne laisse pas de sentiment de frustration à la fin, on se dit que ça se passerait comme ça dans la vraie vie.
Le dessin en noir et blanc, d'apparence simple, presque naïve, rappellera sûrement à certain.e.s
Trondheim et Donjon, pour ma part j'ai aussi beaucoup pensé à Adventure Time que je connais mieux (en plus le chien-sauterelle, que j'imaginais jaune, est probablement un cousin éloigné de Jake the Dog). Car le style, souvent au service de l'humour, n'empêche pas de faire passer les émotions tout en se permettant une inventivité dans les designs loufoques des créatures qui foisonnent.
Et certaines vues d'ensemble claquent tout de même à l'oeil avec mine de rien force détails.
Bref, ça ressemble fortement au premier coup de coeur de 2019. A noter qu'
Un Gentil Orc Sauvage est Pépite BD du dernier Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil.