Ce roman est clairement un livre que je n'aurais pas lu de ma propre initiative à la seule lecture du résumé. En effet, le baseball et la religion sont au centre de cette oeuvre de plus de 800 pages, deux thèmes pour lesquels je n'ai que peu d'intérêt.
Alors si je l'ai lu, c'est parce que les mots de Doriane (@Yaena) m'ont convaincue qu'entre ses lignes se cachait un roman lumineux et chaleureux, servi par de beaux personnages, touchants par leurs fragilités et leur histoire.
Alors, lorsque l'on m'a proposée de participer à une lecture commune autour de ce roman, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais. J'aime la convivialité des lectures partagées, elles permettent d'aller vers des romans pour lesquels on a parfois un à priori, une appréhension …, d'élargir sa propre vision du livre par le croisement des différents ressentis, d'envisager d'autres dimensions à l'histoire.
Ce roman s'y prête totalement car il est dense, riche, avec une intrigue difficile à anticiper qui le rend particulièrement addictif.
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Une grande partie du récit se déroule aux Etats-Unis dans les années 60 et 70.
Ce que j'ai trouvé particulièrement réussi est le développement des personnages de l'enfance à l'âge adulte et la manière dont l'écriture, à hauteur d'enfant au début, s'adapte et évolue, devenant plus mature au fil de la lecture.
Les personnages sont magnifiquement incarnés, complexes dans leur psychologie. Leurs personnalités s'affinent progressivement, se développant remarquablement, notamment autour de relations familiales difficiles, complexes et tendues.
« Nous étions jeunes. Nous étions arrogants. Nous étions ridicules. Parfois nous allions trop loin. Nous étions stupides. Nous avions souvent des engueulades. Mais nous avions aussi raison. »
ABBIE HOFFMAN
Principalement raconté par Kincaid, le plus jeune fils de la famille Chance, elle propose un tableau assez exhaustif de la société américaine à travers son regard. Mais très étrangement, même si j'ai ressenti sa vivacité d'esprit, son empathie, son altruisme, sa capacité à cerner les gens, son humour teinté d'ironie et de tendresse, je n'ai pas eu l'impression de le connaître intimement, en tous les cas, pas autant que ses trois autres frères.
J'ai eu beaucoup de plaisir à suivre ses frères avec qui on sent une proximité et un attachement : l'aîné, Everett, anarchiste, irrévérencieux, un rebelle au grand coeur ; Peter, intelligent, rêveur, absorbé dans ses livres ; et Irwin, le plus doux, croyant et sensible.
J'ai aimé voir grandir les enfants de la famille Chance, voir leur identité se dévoiler, leur personnalité s'affirmer pour trouver leur place au sein de leur famille et dans la société américaine.
Il me reste à parler des parents autour desquels s'articulent tous leurs enfants, leurs quatre garçons et leurs deux petites jumelles. Leur vie est cantonnée dans les extrêmes.
Hugh Chance, un joueur de baseball, voit sa carrière professionnelle détruite après un accident du travail qui va l'handicaper. Sa femme Laura est une adventiste du septième jour, une femme au fort caractère, intransigeante, dévouée à son église ; chaque jour plus fanatique et acharnée que jamais, elle tente d'entraîner toute sa famille dans sa « folie ».
Alors, en grandissant, chacun des enfants choisit son chemin qui apporte son lot d'épreuves. Toutefois, au final, la famille, l'amour, le courage et le sacrifice, seront les clés qui les uniront.
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Les tensions familiales permettent de développer dès le début des thématiques fortes autour du baseball et de la foi jusqu'à l'extrémisme religieux, puis de voir se dessiner d'autres débats autour de la politique et des problèmes sociétaux, des questions morales, du libre arbitre et de la liberté d'expression.
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C'est un livre très long, mais l'intrigue est bien rythmée et l'écriture est simple, fluide, plaisante à lire. Les seuls temps morts où j'ai décroché, et c'est très personnel, sont les passages où il était question de baseball. Mais ils s'estompent après la moitié du roman pour ne devenir que secondaires. Pourtant, ce thème est loin d'être inintéressant car le baseball est un des sports les plus emblématiques de l'Amérique et est très représentatif de la société et de la culture américaine.
Ce que je retiens principalement de ce roman est la force de l'écriture de
David James Duncan : cette famille est terriblement dysfonctionnelle et pourtant, elle s'unit face aux drames. Cela se ressent aussi à la façon dont les voix secondaires se mêlent à celle de Kincaid.
L'auteur a cette habileté incroyable à accompagner l'action dramatique et à rendre fortes, les émotions de ses personnages. J'ai ressenti dans l'écriture de la tristesse, de la nostalgie, de la douleur et du chagrin, mais également de l'amour, de la tendresse, du respect et du courage.
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Alors, malgré le fait que je n'y connaisse rien au baseball, que je n'aime pas du tout le sport, le destin de cette famille m'a touchée. Cette lecture m'a fait rire, elle m'a réconfortée et déprimée l'instant d'après. Parfois, mes yeux se sont embués de larmes devant tant de bêtise humaine.
Et puis, le dernier quart du roman est tout simplement magnifique, les drames qui se jouent sont excessivement prenants et émouvants.
Je suis séduite, encore une fois, malgré sa longueur, par ce roman de la très belle maison d'édition
Monsieur Toussaint Louverture et je vous encourage, si vous aimez les beaux pavés, les belles émotions, à rencontrer
les Frères K.