Un vieux château lugubre perdu dans la campagne, digne de ces vieux manoirs hantés par des vampires ou des spectres, qui part en décrépitude, où l'on entendant grincer les meubles et les portes, où se réunissent les différents membres d'une famille qui se détestent cordialement mais se font des grands salamalecs, où l'on s'attend à tout moment à recevoir une vieille armure sur la tête, autrement dit « Winshaw Towers ».
Jonathan Coe nous invite à faire la connaissance de tout se beau monde, lors d'un prologue savoureux, où est décrit le premier drame : en 1942, l'avion du deuxième fils, pilote de guerre, est abattu par les Nazis alors qu'il effectue une mission et Tabitha sa soeur, sous le choc, devient extrêmement violente vis-à-vis de l'aîné de la fratrie : Lawrence et se retrouve enfermée en clinique psychiatrique jusqu'à la fin de ses jours.
Quelques années plus tard, on lui accorde une permission de sortie, à l'occasion de l'anniversaire du plus jeune frère Mortimer, et elle affirme que leur frère aîné est responsable : ce ne serait donc pas un accident mais un assassinat. Étrangement, un cambriolage a lieu durant la nuit et Lawrence abat le cambrioleur. Illico, Tabitha est renvoyée en psychiatrie.
Durant ce même prologue on fait la connaissance de Michael Owen, passionné par
Youri Gagarine et hanté par un film qu'il a vu au cinéma… C'est à lui que Tabitha va s'adresser pour écrire « la saga des Winshaw »
Ce livre dresse, à travers tous ces membres de la famille Winshaw, un portrait au vitriol de la société de l'Establishment sous le règne de Mrs
Thatcher : on a tout ce qui se fait de mieux dans le sordide et l'opportunisme avec , Hilary fille de Mortimer, qui réussit à se faire embaucher dans un journal via ses relations, et qui va régner sur la presse puis la télévision avec des chroniques tapageuses, méchantes écrasant tout le monde sur son passage pour abreuver le monde à coups de désinformations : une journaliste vraiment pourrie.
Puis on trouve Henry, politicien élu sur le banc des travaillistes en bon opportuniste mais qui soutient tout ce que préconisent les conservateurs, tombé sous le charme de Maggie, qui va oeuvrer au démantèlement de la sécurité sociale, entre autres, pour la mettre entre les mains des spéculateurs en tous genres : on a donc le politicien pourri…
« Je n'ai jamais vu une femme aussi déterminée, ni une telle énergie de caractère. Elle piétine ses opposants comme de la mauvaise herbe sur son chemin. Elle les renverse d'une chiquenaude. Elle est tellement splendide dans la victoire. Comment pourrais-je la rembourser – comment aucun de nous peut-il espérer la rembourser – de tout ce qu'elle a fait ? « P 201
Dans la même veine, on aura Roddy, marchand d'art soi-disant mécène qui saute sur tout ce qui bouge (un Weinstein avant l'heure), Dorothy, la pire de tous qui épouse un fermier, rachète les terres de tous les paysans autour de sa ferme, et met en place l'agriculture moderne : poulets ou bétail entassés, agriculture intensive, (il faut gagner de l'argent !) ; elle va jusqu'à produire des plats cuisinés qu'elle impose sur le marché (« c'est de la merde » dirait Jean-Pierre Coffe) qu'elle se garde bien de manger. Tout s'utilise dans la ferme, les poussins mâles réduits en bouillie serviront de nourriture pour le bétail par exemple…
On a aussi Thomas qui va investir un autre domaine, la finance avec des spéculations, notamment sur les fonds de pensions, ruinant des petits retraités, coulant des boîtes … On a donc le financier pourri.
Pour finir, on a Mark, études de cinéma qui va se spécialiser dans les ventes d'armes, et de gaz toxiques etc. à Saddam Hussein qui était le gentil à l'époque…Et qu'à cela ne tienne, si Saddam les utilise, on ira les bombarder. Et, un pourri de plus dans la famille…
Bien-sûr,
Jonathan Coe nous parle de son héros, Michael Owen, journaliste écrivain en panne d'inspiration qui ne quitte plus sa chambre, où règne un désordre immense, obsédé par un film qu'il a vu enfant et qu'il se repasse en boucle en se masturbant (physiquement et intellectuellement) et qui va tenter de comprendre s'il y a vraiment eu des meurtres dans cette famille ou si Tabitha délire. Il n'a évidemment pas été choisi au hasard pour écrire ce livre (grassement payé) sur la famille Winshaw…
Une satire au vitriol de cette société des années quatre-vingt, une famille pourrie que j'ai adoré détester tant les portraits sont caricaturaux (à part Dorothy qui est immonde avec son massacre de l'agriculture, ruinant les paysans qui pouvaient résister et surtout la maltraitance animale, cause pour laquelle je suis intransigeante), bref, une famille qui représente tout ce que je déteste.
J'ai beaucoup aimé ce roman, un pavé de 682 pages, que j'ai dévoré car c''est un véritable page-turner, et
Jonathan Coe sait très bien jouer avec le lecteur, alternant les descriptions des personnages, l'étude de toutes les magouilles politiques de l'époque dont je me souviens parfaitement car je n'étais pas un fan de Mrs Maggie, avec une écriture vive, un rythme enlevé : on ne s'ennuie pas une seconde et on n'a pas du tout envie que le roman se termine, et une fin superbe.
L'auteur nous propose un arbre généalogique au début du livre qui est fort utile pour s'y retrouver dans la dynastie et des coupures de presse intéressantes viennent émailler le récit.
Coup de coeur donc…
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