Un polar noir mâtiné de thriller, une affaire Dutroux "revisitée" et transposée de la Belgique à la région d'Annecy.
Octobre 2016, au SRPJ de Lyon, dans le bureau de la commandante Silke Vannes, cheffe de l'OCVRP ( office central pour la répression des violences aux personnes ), un visiteur qu'elle attendait depuis des années se présente dans ses locaux. Elle lui raconte...
Mars 1998, trois fillettes d'à peine huit ans disparaissent ; d'abord Samantha et Mélie, puis une semaine après c'est au tour de Romane.
Les trois gamines se connaissent, se fréquentent.
Elles sont originaires du même village, Saint-Jorioz, et sont dans la même classe et dans la même école.
Dix jours après les deux premiers enlèvements une commerçante signale ( l'affaire est connue de tous à commencer par les médias ; les mères ont lancé un appel télé au(x) ravisseur(s) ) à la police le comportement suspect d'un homme.
Réaction rapide de la police qui investit le lieu d'habitation du suspect, ce dernier armé et refusant d'obtempérer est tué.
Les trois enfants retrouvées encagées dans de petites cellules insonorisées, fabriquées derrière la cloison en bois du sous-sol de leur kidnappeur, sont sauves.
Samantha est traumatisée.
Mélie gisant inanimée dans une baignoire emplie de glace souffre d'une grave hypothermie ; elle est dans le coma entre la vie et la mort.
Romane qui n'a subi "que" trois jours de séquestration a l'air d'avoir moins "morflé" que ses camarades, mais son comportement est pour le moins "troublant"...
Ce sont donc trois victimes d'un(?) sadique pédophile que la police, emmenée par la capitaine Silke Vannes, son chef le commandant et ami Basile Prieur, tous deux appartenant à l'OCVRP et mandatés par le SRPJ de Lyon, le chef Delgrande, chef de la police municipale, et tous leurs équipiers de la PJ d'Annecy, a tiré des griffes de Francis Lerieux, un quinquagénaire passablement "déséquilibré".
Les indices concordent, les témoignages les corroborent... En dépit de l'intuition du capitaine Silke Vannes, qui croit obstinément que Francis Lerieux n'est qu'un comparse et que le vrai coupable court toujours, l'affaire est classée.
Les trois petites ont retrouvé leur famille.
Seule Mélie reste dans le coma, hospitalisée en soins intensifs.
Samantha et Romane sont confiées à des psychiatres spécialisés dans le type de traumatismes qu'elles ont subi... avant de retourner à l'école.
En dépit de ce soutien psychologique, des médicaments et de l'affection des leurs, elles sont la proie d'humeurs labiles et de terreurs.
Samantha qui a connu des sévices que Romane n'a pas vécus, est la plus exposée à ces crises de panique.
Les hommes portant la barbe l'épouvantent... or les joues de son ravisseur étaient glabres...
De plus, Samantha a, elle, été "témoin" du martyr de Mélie.
Cependant que dans les dessins de Romane se glisse de plus en plus souvent un "personnage" féminin aux cheveux roux.
Cela suscite la curiosité de sa psychiatre, qui en fait part à ses parents.
Et cette silhouette aux cheveux roux finit par atterrir sur le bureau de la Capitaine Silke Vannes... de plus en plus confortée dans sa certitude que l'enquête n'a pas révélé le vrai coupable...
De plus, une gamine rousse, aux yeux d'un bleu inoubliable, s'est immiscée inexplicablement dans cette affaire.
Elle s'appelle Anaïs. Mineure de seize ans, récemment émancipée par une mère alcoolique incapable de l'élever, elle a des fréquentations qui questionnent...
Les trois petites victimes ont des parents.Trois mamans très différentes que rien, sinon cette affaire , ne rapproche.
Cora, la maman de Samantha, est tombée enceinte à dix-sept ans. Cette mère célibataire a d'abord été tentée par l'avortement, privée de lait, souffrant d'une mastite, et sans argent, elle a failli abandonner son bébé. Mais elle a un farouche instinct maternel. Cet instinct l'a emporté sur l'adversité.
Pour survivre, elle cumule plusieurs boulots, ne compte ni ses heures, ni les jours, ni les nuits.
Cora est prête à tout pour que Samantha s'en sorte et surmonte l'horreur endurée.
Mélie, plongée dans le coma a une famille aimante.
Blandine est une maman poule, l'empathie et la compassion faites femme... ce qui est synonyme de plus de souffrances que le reste du commun des mortels.
Bruno, son mari qu'elle aime lui est infidèle et flirte de plus en plus avec l'abandon du domicile conjugal.
Jordan, le frère aîné de Mélie, adore sa mère et sa soeur.
Cette affaire va faire naître sa vocation : il sera plus tard officier à l'OCVRP...
Cora qui est un peu "la prolétaire" des trois, s'entend bien avec Blandine, ex-architecte d'intérieur, et donc représentante de la classe moyenne supérieure.
La maman de Romane, Garance, est chirurgien-dentiste. Mariée à Lionel, associé dans un cabinet d'architectes, elle passe pour être froide, hautaine, arrogante, méprisante, insensible.
Jusqu'à l'enlèvement de sa fille, elle vivait éloignée affectivement de Romane proche de son père.
Ce drame va faire remonter à la surface tout l'amour qu'elle croyait ne pas éprouver pour son enfant. Elle va devenir une mère inquiète, protectrice, vengeresse.
Garance, bourgeoise "indifférente", tout comme la capitaine Silke Vannes, est persuadée que le vrai coupable n'est pas celui qu'on leur a servi.
Les trois mères vont se rapprocher afin de découvrir qui est le monstre qui s'est attaqué à leurs enfants...
S'il y a une chose qui m'horripile lorsqu'un(e) auteur met en scène des flics, ce sont les clichés.
Hélas, dans ce roman,
Marlène Charine nous rejoue la rengaine de la flic qui traîne un lourd fardeau, un lourd passé, qui a été suspendue, qui est suivie par un psy, qui doit suivre un lourd traitement, qui ne dort pas la nuit ou qui, quand elle dort, fait d'horribles cauchemars et est exposée à des crises de somnambulisme, grignote plus qu'elle ne mange, boit des hectolitres de café et a des pulsions suicidaires...
Je passe sur les quelques ficelles et invraisemblances de l'histoire... qu'elles n'affecten pas.
Ce que je n'ai pas vraiment aimé, ce sont ces trois mères qui décident de se faire justice elles-mêmes... quitte à séquestrer, torturer, changer leurs prénoms pour devenir trois "Louisette"...
J'ai évidemment bien compris que l'auteure par ce biais poussait le lecteur à s'interroger sur la loi du talion... il n'empêche !
Ce qui a fait de cette lecture que j'aurais souhaité plus "coulante" l'objet de moments de légère lassitude, c'est le style d'ingénieure chimiste de l'auteure, des phrases à la syntaxe plus algébrique que littéraire, un lexique trop maigre à mon goût, où les répétitions sont nombreuses, où l'esprit ( les bons mots ) n'accouche que de formules convenues.
En revanche, la structure narrative et l'intrigue m'ont plus qu'intéressé.
Le fait que ce roman ait pour auteur une auteure et pour protagonistes Silke, Cora, Blandine, Garance, Samantha, Mélie, Romane, Anaïs... soit huit "femmes" est chose à souligner. Il y a des hommes, je tiens à rassurer ceux qui croiraient avoir affaire à un roman d'amazones, mais il faut admettre qu'une telle présence féminine est rare. Donc, un grand bravo !
Ce livre a été publié par Calmann-Lévy, a reçu trois Prix... ce n'est évidemment pas le fruit du hasard.
J'ai fait un billet que j'ai voulu honnête. Ce polar noir n'est bien sûr pas une lecture que je déconseille.