Après avoir pris grand plaisir à découvrir l'utilisation de l'univers des mille et une nuits sous la plume entêtante de
S.A. Chakraborty dans la première variation de son histoire, il me fallait absolument voir ce qui allait arriver à nos héros. Une fin aussi tonitruante ne pouvait que laisser des séquelles !
Pour des raisons différentes, j'ai beaucoup aimé ce tome et pour des raisons différentes j'ai aussi trouvé des faiblesses agaçantes à celui-ci...
Tout d'abord, j'ai beaucoup aimé le changement de paradigme de ce tome. Nous ne suivons plus les mêmes duos et dynamiques que dans le tome 1. L'échec de la révolte de Dara et les conséquences de celle-ci ont tout changé à Daevabad. Nahri va être encore plus plongée au coeur de la politique tortueuse de cet état et de cette cité au Roi décidément bien tordu mais elle aura un nouveau compagnon : le prince qu'elle a épousé. J'ai beaucoup aimé ce changement et tout ce que cela provoque comme changement chez elle. Là, où nous avions un petit agneau fragile centré sur elle-même dans le premier tome, elle réalise sa place au sein de son peuple, ce qu'elle pourrait apporter avec ses pouvoirs, et l'influence qu'elle peut avoir grâce à sa place d'épouse de l'héritier du trône. Ça change tout. J'ai beaucoup plus aimé Nahri dans ce tome. J'ai aimé la voir chercher à bâtir un pont entre les deux peuples et se confronter à la réalité politique et familiale de la dynastie où elle est entrée. J'ai aimé suivre ses projets, ses alliances, ses peurs, ses batailles, ses découvertes.
L'autrice m'a vraiment fait plaisir dans ce tome avec la façon dont elle a agencé le développement de l'ensemble des personnages. Il y a encore ce côté très intimiste, presque refermé sur lui-même de l'univers, qui le rend oppressant et étouffant. J'ai eu le sentiment d'être à la fois face à des personnages qui en étaient prisonniers et qui se débattaient pour en sortir sans y parvenir. Les princes furent un modèle du genre. J'ai beaucoup aimé chacun d'eux. Muntadhir, le premier prince, occupe bien l'espace dans un premier temps avant qu'Ali vienne le rejoindre et le voler la vedette, enfin c'est vite dit puisque c'est quand même Nahri qui reste aux commandes. La vie dans Daevabad sous la coupe de ce Roi fou et oppressif est très bien rendu avec ces peuples qui s'entre-déchirent, tout ça à cause de peurs ancestrales secrètes.
D'ailleurs, j'ai encore trouvé le décor inspiré des mille et une nuits très puissant. Nous sommes dans une temporalité et géopolitique qui font presque de cette oeuvre une uchronie à notre monde, car au final nous sommes avec des terres et lieux parfois existant, il y a juste la touche fantastique en plus avec cette ville secrète dédiée aux djinns (je simplifie). L'autrice se joue des différents statuts de ces djinns, daeva, effrits, goules et j'en passe. Avec eux, elle divise pour mieux régner sur nos esprits et ça marche. J'ai beaucoup aimé sentir la tension monter dans la ville entre eux, tandis que le Roi s'en prend de plus en plus à ceux qui sont différents de lui, autorisant des choses abjectes faisant remonter des tensions autrefois apaisées, mais ce qui était logique après le coup de Dara. A l'extérieur, c'est encore plus intéressant de voir ce que monte et prépare Dara et ceux qu'il a rejoint. Avec eux, on a des révélations, on comprend mieux ce qui s'est passé dans le premier tome, dans la mythologie de la série et en ce moment même dans la ville. On vit et on respire vraiment djinns, magie oubliée et mystères.
L'intrigue est très très longue à lire, parfois un peu trop. J'aime qu'on prenne son temps, qu'on approfondisse, qu'on fasse vivre un décor, un univers, mais je reconnais qu'ici, j'ai souvent eu l'impression de tourner à vide en tournant en rond. Ce sont donc les mystères, ceux du Roi, ceux de Dara, ceux d'Ali, ceux de leur histoire qui m'ont maintenue à flot. Les bonds dans le temps furent les bienvenus même si en même temps, j'ai eu du mal à voir ce qu'ils apportaient réellement à l'histoire, car l'autrice tout en délayant son histoire ne la rendait pas forcément consistante, se contentant souvent de se répéter au lieu de creuser son intrigue et ce qu'il y avait autour. C'est assez paradoxal. Elle nous fait ainsi longtemps mijoter avec ce plan préparé par Dara et consort qui ne trouve son expression que dans les derniers chapitres, de même pour les révélations sur la famille de Nahri ou sur le lien entre Ali et les Marid. Il faut donc être patient et savoir grappiller les détails intéressants quand ils nous sont enfin donnés après avoir élagué tout le reste...
Enfin une série Young Adult / New Adult avec un beau décor oriental, puissant, immersif, entêtant. Cette suite est à la hauteur, elle fait grandir son héroïne et son intrigue, et nous fait partager bien des mystères et des sentiments d'indignation au sein de cette ambiance oppressante. Je regrette en revanche que l'autrice délaye autant son histoire pour rien, car non, ce n'est pas une écriture qui enrichit l'histoire au fil de ces milliers de signes, c'est juste de la redite. Il faut savoir faire plus concis et/ou percutant, on n'en perd pas en émotion et profondeur, regardez
P. Djèli Clark,
Robert Jackson Bennett ou la grande
Robin Hobb.
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