J'avais à peine vingt ans.
Je n'étais pas encore un lecteur assidu.
Mais j'avais avalé quelques bouquins d'amouuuur comme tout jeune homme un peu fleur bleue. Beaucoup fleur bleue. Un vrai bouquet de myosotis.
Bien sûr, j'avais trouvé cette histoire romantique à souhait entre un professeur déjà vieux dans sa tête (mais pourtant guère plus de 40 ans au compteur de la vie) et une jeune femme privée de ses yeux, tout simplement formidable.
C'était le début des années 80.
Je n'avais pas assez de recul.
Finalement, cette histoire est d'une banalité sans pareil, juste arrosée d'un brin d'humour.
Ce qui fait la force du roman de Cauvin, c'est le temps. Les années, les décennies qui ont su bonifier sa prose comme un petit vin de pays sans prétention dans une cave. A l'abri du monde et du temps qui passe.
Tout l'intérêt de cette bluette réside dans les détails.
On est au tout début des années 70.
Le héros roule en trois chevaux. Qui se souvient encore de cette mécanique qui bouffait son litre d'huile aux cent kilomètres, dont les suspensions n'avaient rien à envier à la bonne deuche (le châssis Citroën devait être le même), le levier de vitesse fixé au tableau de bord (non, pas sur le volant comme les 204 ou 404 Peugeot dont le héros voue quelque animosité) et dont la batterie jouait les Arlésiennes.
C'est les vacances et il se retrouve, invité par sa fille, dans un camp de hippies. Là encore, la nostalgie nous guette.
Tous ces petits détails ont gentiment vieilli. Kitsch comme les sous-pulls en acrylique aux couleurs criardes, les pantalons pattes d'éph, les rouflaquettes, les cheveux longs filles et garçons, les chansons de
Graeme Allwright ou Simon & Garfunkel le soir autour d'un feu de camp. Des relents de Mai 68 tout juste digéré.
L'amour aveugle se lit donc entre les lignes, comme on feuillette un vieil album de photos jaunies.