Kill The Rich !

Sur ces mots, elle se dirigea vers la chambre.
« NON, attendez ! » cria Flake en levant les mains, montrant par inadvertance ses paumes tachées de sang.
La vieille bique parut horrifiée.
« Qu’est-ce que… »
Avant qu’elle ait pu finir sa phrase, Flake fit jaillir deux éclairs bleus des paumes de ses mains, qui frappèrent la première dame en pleine poitrine, la soulevèrent dans les airs et la projetèrent à travers la pièce. Ses jambes heurtèrent le dossier du canapé, et elle rebondit par-dessus, atterrissant derrière à plat ventre, les bras en croix, de la fumée s’échappant de son dos.
« Regarde un peu ce que t’as fait, soupira Sanchez en secouant la tête.
- Oh, mon Dieu ! s’écria Flake en retournant ses mains et en fixant ses paumes, abasourdie.
- Ne pointe pas ces trucs sur toi-même ! T’es tarée ou quoi ?
- Qu’est-ce qui vient de se passer ? demanda Flake, toujours déconcertée.
- T’as tué la vieille. Peut-être que t’es en train de devenir le nouveau Dark Lord, dit Sanchez en observant le torse fumant de la première dame. Elle a l’air bien morte. On est vraiment dans la merde, maintenant.
- Je voulais pas faire ça, ces lasers sont sortis de nulle part.
- En fait, ils sont sortis de tes mains. Je les ai vus.
- Mais c’est la première fois que ça arrive, alors que je porte l’Œil de la Lune depuis des mois. J’ai jamais lancé d’éclairs sur personne avant ça.
- Peut-être qu’inconsciemment, tu voulais le faire ? »
Flake baissa ses mains et fusilla Sanchez du regard.
« Je ne voulais pas faire ça. C’est arrivé tout seul.

Des larmes perlaient de nouveau à ses paupières, les souvenirs de la matinée revenant la submerger.
JD écarta quelques mèches égarées devant les yeux de Flake.
« T’as été très courageuse. Beaucoup de gens auraient craqué et se seraient fait arrêter ou tuer. »
Elle réussit à esquisser un sourire.
« Je te préparerai quand même un petit déj, OK ? »
JD passa sa main sur son bras.
« Tu as vaincu Jessica, la reine des vampires. Tu as tué Caïn avec la dague de Brutus, et tu as affronté Scratch avec une putain de lance à incendie. Tu vas très bien t’en sortir sur cette île. »
Flake rougit.
« Mince, tu te souviens de tout ça ?
– Tout le monde s’en souvient. C’était assez impressionnant. »
Flake se surprit à tendre les bras vers JD et à l’attirer à elle pour lui donner une accolade. Ce fut bref, juste quelques secondes, mais elle se sentit tout de suite beaucoup mieux.

Soudain, elle entendit un bruit de pas dans l’escalier, plusieurs étages en dessous. Étaient-ce déjà des clients qui fuyaient à cause de l’alarme ? Elle jeta un coup d’œil par-dessus la rampe. Il n’y avait rien à voir. Rien d’intéressant, en tout cas. Son cœur battait à tout rompre. De la sueur s’écoulait de ses pores dilatés. Son nez était bouché par la morve. Et ses yeux étaient tellement pleins de larmes qu’il lui était impossible de voir quoi que ce soit. Flake avait besoin de quelqu’un pour réfléchir à sa place.
Son téléphone. C’était ça, la solution. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ?
Elle l’extirpa de la poche de sa veste. Qui appeler ? JD, Elvis, Rex, Jasmine ? Non, aucun d’entre eux. La réponse était Jacko. Jacko pouvait la faire sortir d’ici. Il était au Purgatoire, aux commandes d’un portail qui lui permettrait de s’évader facilement. Elle afficha son numéro et passa l’appel. Au bout de quatre sonneries, il décrocha enfin.
« Salut, Flake. Qu’est-ce qui se passe ? »

La vengeance est un plat qui se mange froid, mais qui réchauffe le cœur.

JD rangea ses armes sous son manteau.
« Tu nous as ouvert le portail ?
- Ouais. On doit y aller. Vite.
- Jacko nous a dit que le portail avait dû être fermé.
- Ouais, Dieu l’a décidé. Mais Jasmine s’est fait tirer dessus. Heureusement pour nous, Dieu en pince pour elle, donc il nous a autorisés à utiliser le portail. Mais on doit se magner, parce que Jasmine va mourir si on lui apporte pas l’Œil de la Lune dans les deux prochaines minutes. Donc on y va. »

Le président soupira. Encore une journée de merde en perspective. Ce métier était vraiment pourri. Tous ses projets pour faire du monde un endroit meilleur pour les riches allaient devoir attendre. Il comprenait maintenant pourquoi les dirigeants de ce monde n’arrivaient jamais à tenir toutes leurs promesses. Il y avait toujours un désastre à gérer. Sans parler de toutes ces réunions à la con. Bon sang, qu’est-ce qu’elles pouvaient être pénibles, en particulier quand il devait recevoir des citoyens lambda et feindre de s’intéresser à leurs accomplissements pathétiques. Ces gens lui donnaient parfois envie de se couper les oreilles. Mais bon, au moins les chambres d’hôtel étaient sympas. Quitter la Maison-Blanche, c’était la meilleure partie du boulot. Il prit l’expresso sur la table basse devant lui et l’avala d’un trait. Impossible de faire ce métier sans caféine.
« Je vois qui, déjà, à 10 h 30 ?
- Il est en fait 11 h 15, monsieur le président, dit Navan Douglas. Mais vous recevez deux des personnes qui ont aidé à sauver Arizona il y a quelques mois, vous vous souvenez ?
- Arizona ?
- Votre fille illégitime.
- Ah, elle. D’accord. Et qui sont ces gens qui l’ont sauvée ? »
(…)
« Sanchez Garcia et Flake Munroe, dit Douglas.

Sanchez détestait le président. Flake, en revanche, pensait que c’était un type bien qui n’avait pas un travail facile. Et elle était très excitée à l’idée de le rencontrer dans quelques jours. Elle ne se souvenait pas s’être jamais sentie aussi fière. C’était le genre de nouvelle qu’elle aurait été heureuse de partager avec ses parents, mais sa seule famille consistait en Sanchez et un groupe de psychopathes connus sous le nom de Dead Hunters, qui étaient en train d’écluser des bières dans la salle du bar au rez-de-chaussée. Elle les entendait se disputer. Plus précisément, elle entendait Elvis et Rex débattre assez vigoureusement des règles d’un jeu de cartes. Ils approchaient tous les deux de la quarantaine, mais à les voir se chamailler comme des gosses après avoir fait la fête toute la nuit, on aurait pu croire qu’ils étaient beaucoup plus jeunes. C’était généralement Jasmine, la petite amie d’Elvis (qui, elle, était beaucoup plus jeune), qui commençait les disputes, mais elle ne semblait pas être là ce matin. Le seul qu’on n’entendait jamais, c’était JD. Même dans ses bons jours, il préférait s’asseoir seul dans un coin et boire tranquillement sans parler à personne.

Ci-gît Rush Palmer, une femme exceptionnelle qui ouvrit l’abbaye de Coldworm aux nécessiteux. Un ange pour les membres de la communauté locale et une mère dévouée.
Repose en paix.
Un homme brun et mal rasé qui approchait de la quarantaine se tenait au-dessus de la pierre tombale, fixant l’inscription. Son nom était JD, bien que le commun des mortels le connût sous le surnom de Bourbon Kid. Quant à la femme enterrée sous la stèle, elle s’appelait en réalité Beth Lansbury, Ruth Palmer étant le pseudonyme que Beth avait utilisé dans l’espoir d’échapper au diable. Le subterfuge n’avait pas fonctionné. Le prince des ténèbres l’avait trouvée malgré tout et, grâce à un plan machiavélique, avait réussi à la piéger au XIXe siècle. Le diable était mort à présent, tué par JD, mais ça n’avait pas ramené Beth. Rien ne pourrait jamais la ramener. De part et d’autre de sa tombe se dressaient les stèles de ses enfants, Emma et Vincent. Les enfants de JD. Toute sa famille était enterrée sur le terrain de l’abbaye de Coldworm.

Les portes de l’ascenseur au fond de la pièce s’ouvrirent, et Einstein, le scientifique fou, en sortit, un ordinateur portable sous le bras. Il portait une longue blouse blanche, une chemise grise, un pantalon noir et des chaussures marron crasseuses. Ses cheveux roux bouclés étaient hors de contrôle. Soit l’enfer manquait de bons coiffeurs, soit il n’y allait pas assez souvent.

La vengeance est un plat qui se mange froid, mais qui réchauffe le cœur.