Ce livre, "
le dixième vaisseau", est un roman "grand public" pour toute la famille, comme pourraient l'être un film du dimanche soir ou une séance de cinéma d'avant les fêtes de Noël.
Il en a les qualités, mais aussi les défauts.
A sa lecture, on ressent que
Pierre Bordage y a laissé filer sa plume, sans jamais la forcer, sans pousser outre mesure ni l'effort, ni l'imagination qui auraient accouché d'un grand roman du genre.
C'est prenant et captivant mais sans jamais parvenir à nous faire oublier le lait sur le feu.
Livo Squirell a été tiré de de la cellule où il croupissait depuis six mois.
Commandant la navette spatiale "l'Esmerillo", il avait été jugé coupable d'avoir balancé une famille entière dans l'espace sans aucune forme de jugement.
Ce qu'il avait nié, sans toutefois pourtant pouvoir se rappeler précisément les faits.
Sitôt extrait de sa geôle, les six membres de l'Hexacratie qui composent le gouvernement de Brull lui ont gentiment proposé un marché, qu'il n'a pas eu le coeur de refuser :
- se rendre dans la galaxie du Triangle ou mourir très vite en prison de mauvais traitements ou d'un règlement de comptes entre détenus ...
- en revenir avant deux ans ou mourir très vite du virus qui faute d'être neutralisé par son antidote provoquerait sa mort dans une douloureuse agonie ...
Entretemps, il aura quelques broutilles et autres babioles à effectuer :
- réunir un nouvel équipage en moins de deux mois, faire le plus grand saut jamais effectué à travers l'espace-temps, savoir ce que sont devenus les neuf vaisseaux expédiés avant l'Esmerillo et finalement identifier les mystérieux signaux reçus de la galaxie du Triangle par les capteurs de Brull ...
"
Le dixième vaisseau" est un roman de
Pierre Bordage, paru aux éditions "ScriNéo" en mai 2022.
Et c'est là que je vais devoir avouer un moment de lâcheté !
Au festival des Utopiales de Nantes qui vient de se refermer, l'écrivain
Pierre Bordage, himself, n'était présent que le premier jour, le jeudi.
Seulement nos agendas ne concordaient pas.
Il m'a donc manqué de peu, le pauvre !
Le dimanche, petite séance de rattrapage, le programme annonçait à l'espace CIC une table ronde avec pour titre "Trois pages de
Pierre Bordage".
Seulement entre moi et l'espace CIC, dégringolait un mur de pluie et quelques cinquante mètres de déluge étaient à franchir ...
Lâchement, je me suis finalement rabattu sur une (seconde) révolution quantique, à laquelle il faut bien dire que je n'ai rien compris, ou pas grand chose, mais qui m'a fait un bien fou de par la personnalité de ses deux intervenantes.
Mais tout ceci est une autre histoire.
Que Dieu me savonne et que Philippe K Dick me pardonne !
Revenons à nos moutons électriques ...
Il flotte au dessus de ce roman comme un air insistant de déjà vu, de déjà lu.
C'est classique.
C'est agréable à lire, et intéressant.
Mais est-ce bien là un récit de SF à la hauteur de celui que l'on ne présente plus que comme un maître du genre ?
Quelques ressorts distendus, un sabotage ou deux, de vieilles ficelles et un vieux rafiot ne suffisent plus à la science-fiction d'aujourd'hui.
C'est que le genre s'est étoffé.
Il a maintenant des ambitions, une envie de parler du monde tel qu'il est et tel qu'il sera peut-être demain.
Fancis Lacassin avait finalement raison lorsqu'il prédisait que la littérature de genre et la BD viendraient fatalement supplanter la littérature dite blanche lorsqu'elle se serait trop essouflée à parler d'elle même.
Mais
Pierre Bordage, s'il a un peu ici délaissé les mondes qu'il a mis en branle, n'en a pas pour autant dédaigné ses personnages.
Et ce roman vaut surtout pour l'attachement qu'il suscite à ses personnages.
Livio Squirell, bien sûr, le vieux loup de l'espace ...
Flogg, la mécanospace par laquelle tout arrive ...
mais aussi Tarr, le gromb qui, si sans que vous n'y preniez garde, ressentira votre "vaatoll" ...
Du premier rôle au figurants les plus fugitifs, ce roman fait la part belle à la silhouette de science-fiction, reprenant pour cela quelques stéréoptypes du genre.
Merci à
Pierre Bordage pour cette balade dans la galaxie du Triangle, merci aux éditions ScriNéo pour l'envoi et l'invitation à la lecture.
Et merci à la Masse Critique dont j'espère la visite l'année prochaine aux immanquables Utopiales à Nantes, 25ème édition oblige ...