En 1968 le narrateur (l'auteur?) joue un rôle de figurant sur le tournage du film de Truffaut "Baisers volés". A cette occasion il rencontre Judith, figurante elle aussi. C'est le début de ce qui aurait pu être un nouvel amour, mais... il la perd de vue.
Quarante-cinq ans plus tard, après être revenu sur les lieux du tournage, il fait son enquête. Il visionne de nouveau ce film et d'autres, afin de revoir leurs jeunes visages, il fouille dans les archives. Retrouvera-t-il Judith ?
Didier Blonde, est un nostalgique du temps passé, des rencontres inabouties, de ce qui aurait pu être et ne fut pas. C'est un "détective de la mémoire" s'efforçant d'arracher des vies aux chaînes du temps, un poète discret du temps qui passe.
Et nous tous, que sommes-nous dans la grande histoire du monde, sinon des figurants aussi ?
Voilà un auteur que j'aime beaucoup, et qui n'est pas assez reconnu.
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L'écrivain se souvient d'une jeune figurante croisée sur le tournage de «Baisers volés» de Truffaut.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Je ne suis pas sûr d'être devenu « un écrivain » comme se le représente Jeanne – ou le gérant du Cépage qui me voyait en auteur de romans policiers. Ni comme celui que je rêvais d'être à vingt ans. Mes articles, mes livres, mes feuilletons sont trop dispersés et disparates pour constituer une œuvre, et me faire un nom. C'est comme cela, ici, que j'aurais dû écrire, me dis-je, en mineur, dans mes carnets. C'est le registre qui me convient. Celui de la table du fond. Je suis là, en retrait, à suivre mes personnages, qui se mettent en place tout seuls, et dont je reconstitue les histoires à partir des bribes qu'ils me livrent. Qu'est-ce que je cherche ? Des indices. Le grand secret. Peut-être me reste-t-il à écrire le roman anonyme du Général Lafayette [un café]. Ou celui de Judith.
Il n'existe aucune image où je suis avec elle, où l'on nous "voit" ensemble. Face à face, ou côte à côte. Rien qu'un dos, anonyme, devant son visage.
Ce n'est pas seulement du film que je suis effacé, mais de notre histoire, qui n'a laissé aucune trace. Je suis condamné à nous rêver, à nous inventer, de mémoire. Elle a disparu ce jour-là, trop tôt, trop vite, en emportant ses baisers et notre image. Souvenir volé.
Il n'existe aucune image où je suis avec elle, où l'on nous voit ensemble. Face à face, ou côte à côte. Rien qu'un dos, anonyme, devant son visage.
Ce n'est pas seulement du film que je suis effacé, mais de notre histoire, qui n'a laissé aucune trace. Je suis condamné à nous rêver, à nous inventer, de mémoire. Elle a disparu ce jour-là, trop tôt, trop vite, en emportant ses baisers et notre image. Souvenir volé.
Où la chercher – nous chercher – maintenant ? À quoi servent toutes ces démarches qui ne conduisent nulle part ? À réécrire ma vie, à me raconter des histoires – à en faire un livre, ou un scénario, peut-être – pour réparer une blessure ? Notre histoire est restée en suspens, inachevée.
Quelle vie s’é déposée dans toutes ces rides ?
Didier Blonde - Carnet d'adresses de quelques personnages fictifs de la littérature
Lecture par Anne Steffens - Rencontre animée par Grégoire Leménager
À l'heure où nous sommes sommés de rester le plus possible chez nous, Didier Blonde nous donne la possibilité d'aller visiter d'autres demeures que les nôtres, celles de personnages de la littérature qu'il a consignées dans son bottin ! de Serge Alexandre (personnage de Modiano) à la Zazie de Queneau, en passant par Charlus, La Dame aux camélias, Arsène Lupin, le Père Goriot et bien d'autres, cet ouvrage répertorie les adresses romanesques. Il s'y construit une cartographie particulière qui interroge le rapport de la fiction au réel.
Le Carnet de Didier Blonde vient de recevoir le Prix Hennessy qui récompense une oeuvre dont la littérature est le personnage principal.
À lire - Didier Blonde, Carnet d'adresses de quelques personnages fictifs de la littérature, Gallimard, coll. « L'Arbalète », 2020.
Enregistrée à huis clos sur la scène de la Maison de la Poésie le 23 novembre 2020.
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