La quête éperdue d'un héros brisé
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Pioche dans ma PAL de juin, choisi par @neneve (que je remercie au passage).
Longtemps dans ma biblio, un format court écrit par une française, et québecoise d'adoption.
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Ici on parle d'amour inconditionnel, d'émotions (toutes celles qui touchent notre coeur, qui remuent, qui cognent, qui troublent)...
Une lecture coup de poing qui chatouille quelque chose au fond de nous. Presque impossible à traduire. Une histoire qui se vit.
Justement, comme celle de notre héros, un gentil garçon au grand coeur. Un jeune homme , la tête dans le guidon qui erre dans les rues de Montreal, à la recherche de son chien. Vous l'avez deviné, c'est Sam.
Une histoire qui pourrait être banale, dit comme ça mais alors quand c'est l'auteure qui en parle, là ça devient grandiose.
Elle ose décrire l'itinérance, la misère sociale, la tristesse en même temps que la chaleur et peut-être l'espoir de jours meilleurs.
Une écriture tout en dents-de-scie, sombre, mais si juste, si "collée au plus près des sensations".
Un parler franc et imbriqué d'expressions québecoises qu'on n'a pas l'habitude d'entendre.
Un roman qui m'a bouleversé bien au delà de la raison. Une note d'espoir est suggérée en fin de récit. Heureusement bienvenue !
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Mathieu vit dans la rue avec son chien Sam. Mathieu est un jeune garçon, livré à lui-même. Sam, une femelle pitbull grise avec un collier rose est la seule chose qui le retient encore sur terre. Mais le jour où il la perd, tout bascule... Reviennent alors le hanter les souvenirs qui ont fait de lui un homme à genoux...
Même si j'ai parfois été déroutée par l'écriture et les nombreuses expressions québécoises, ce livre est bouleversant et chargé en émotion. On sent dès le départ le drame qui se joue pour ce jeune homme et on avance avec une angoisse collée au coeur. Quand éclate la vérité, la raison de son errance, on partage sa douleur et le froid qui l'habite. Un très beau roman, et un grand merci à Lislou pour l'avoir mis sur ma route...
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Matthieu est jeune itinérant (un SDF) qui n'a plus dans la vie que sa chienne Sam et il sera complètement désemparé quand l'animal disparait soudainement.
En cherchant Sam, on en apprendra un peu plus sur les malheurs de la vie de Mathieu, comment il s'est retrouvé à la rue, et comment son chien est devenu le seul contact chaleureux, sa seule raison de ne pas mettre fin à ses jours.
Évidemment ce n'est pas très joyeux comme roman, car c'est sa misère que Mathieu raconte au « je ». Mais malgré la tristesse de la situation, on y trouve pas que la misère, mais aussi de l'amour et de l'espoir.
Et la prochaine fois que je croiserai un itinérant avec son gros chien, je penserai un peu à Sam qui tient le coeur de son maître au chaud…
PS Merci à Neneve et au Challenge Multi-défis 2018 grâce à qui j'ai rencontré Sam
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En recollant la soixantaine de morceaux qui composent ce roman brisé — jours d’errance solitaire, nuits glaciales au fond d’une ruelle, souvenirs qui arrachent le cœur —, on en vient à reconstituer les étapes de la lente dégringolade qui a mené Mathieu à la rue et celles d’une quête éperdue qui, on l’espère, l’aidera à s’en sortir.
Lire la critique sur le site : LActualite
Son premier roman, "Et au pire, on se mariera" (La Mèche), finaliste au Prix littéraire des collégiens en 2013, était dur, cru, violent. Et bouleversant. "Chercher Sam" l’est tout autant.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Et comme pour Et au pire on se mariera, Chercher Sam appelle une lecture rapide, un one-shot - c'est un peu la force de Bienvenu, l'émotion, le suspense et la vivacité de la langue, car on n'arrive pas à lâcher le livre avant de connaître la fin.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Quand je me réveille et qu'elle est plus dans mes bras, j'ai le vertige, un peu. Si j'arrive à la toucher en tendant la main, je peux me rendormir. Sinon, je gueule : "Sam, câlisse, j'ai frette !", et elle revient en râlant, mais pas trop, parce qu'elle sait que c'est pas le froid du dehors, le problème, mais celui d'en dedans.
(Les premières pages du livre)
Avant, Sam et moi on se calait dans l’entrée du magasin de tissus qui a brûlé, sur Masson. On pouvait étaler nos shits sans qu’elles partent au vent, ça fait qu’on avait un peu l’impression d’être chez nous. Sam dormait dans le coin, même que les gens s’arrêtaient pour me demander « Y est où ton chien ? » tellement on la
voyait pas de la rue. C’était un bon spot, mais on a pas pu rester là trop longtemps parce qu’ils ont commencé à faire des travaux en dedans, pour mettre je sais pas quoi à la place du magasin de tissus. P’têt’ un resto.
Sûrement un resto.
Avant ça, on était souvent en avant du Poivre et Sel. C’est un bon endroit, mais justement, trop. Une fois, on était même quatre à quêter : moi pis Sam, le vieux avec sa casquette, le gars avec sa guitare pis son chien-loup et un petit Noir qui vendait du chocolat pour son école. Évidemment, le kid nous clenchait tous, fait
qu’on s’est tannés et on a voulu aller se prendre une pointe de pizz en mettant tout notre cash ensemble. Le vieux a essayé de nous crosser, l’autre gars s’est énervé après, le gérant de la place nous a chassés en menaçant d’appeler la police. Dehors ç’a dégénéré. Ils se sont mis à se taper dessus en se traitant d’osties de voleurs. Le chien-loup essayait de pogner les mollets
du vieux, mais comme il était attaché, il se rendait pas, jusqu’à ce que les deux gars se ramassent à terre, où là, il a réussi à lui mordre l’avant-bras. Le vieux s’est mis à gueuler « rappelle ton chien, rappelle ton chien ! ».
Il essayait de fesser dedans, mais ça donnait rien. Il s’est pissé dessus et s’est tourné sur le ventre pour se cacher le visage. Le gars a crié « lâche ! » et son chien a lâché. Il l’a détaché et il est parti en gueulant et en se retournant une couple de fois pour être sûr que ses insultes se rendaient bien où elles étaient supposées.
Le vieux s’est assis, appuyé contre le mur. Il frottait son avant-bras en chignant comme un kid qui s’est fait péter la gueule, alors que c’était lui qui avait cherché le trouble, à la base.
Le peu de monde qu’y avait dans la rue à cette heure-là, en plein après-midi un jour de semaine, s’était attroupé autour pour être sûr de bien voir, d’un coup qu’y en ait un des deux qui tue l’autre, ou quoi. C’est pas tous les jours qu’on a la chance d’être témoin d’un meurtre.
Une fille s’est approchée du vieux et s’est agenouillée à côté: «Monsieur, ça va? Je vais prendre votre bras pour regarder ce qu’il y a, c’est correct?» Les autres trouvaient ça dégueulasse, ça se voyait. Y en avait qui la trouvaient courageuse, y en avait qui se faisaient croire que si elle y était pas allée, ils y seraient allés, eux, mais la vérité, c’est que tous, ils trouvaient ça dégueulasse. Parce que les itinérants, tu peux leur donner de l’argent, tu peux leur faire un sourire, ou même leur demander comment ça va, mais tu peux jamais, jamais, jamais les toucher. Parce que t’as beaucoup trop peur que notre misère s’attrape.
C’était jamais assez propre, chez nous. Ma mère nettoyait tout, tout le temps. J’avais pas le droit de toucher rien parce que je faisais des traces de doigts. J’avais pas le droit de marcher nulle part parce que je faisais des traces de pieds.
— Tu vas-tu le laisser vivre ?
— On voit bien que c’est pas toi qui nettoies sans arrêt.
— Tu nettoies pas, t’essayes d’effacer les traces de vie.
Là, mon père se levait, mettait son manteau et me faisait un signe de tête pour que je l’accompagne. Je courais chercher le mien.
«Non non non, toi tu restes ici avec maman!» que ma mère me disait. Et à mon père: « Tu m’enlèveras pas mon fils, certain.»
Avec le temps, j’ai fini par arrêter d’espérer qu’elle me laisse sortir avec lui. Avec le temps, p’têt’ à cause de sa lâcheté, p’têt’ aussi à cause de la mienne, j’ai fini par le détester.
On est pas encore en novembre, mais il commence à faire vraiment froid, surtout la nuit. Dans le parc, Sam renifle l’air d’une façon weird, pas de la même façon que quand elle repère un écureuil, ou du jus de poubelle.
Comme si ça lui piquait l’intérieur du nez, comme si elle savait que ça s’en venait. Elle me regarde pour me demander si j’ai un plan, pis ben... j’en ai pas, de plan.
Fait que je la pogne par le cou et je lui fais une colle. Ça la rassure pas, mais ça me réchauffe. Un peu. Notre première nuit dehors, j’ai pleuré. Pas vraiment de tristesse. De vide. De qu’est-ce qu’on va faire, maintenant ?
C’était au mois de décembre, mais y avait pas encore de neige. J’avais entendu dire qu’on pourrait p’têt’ dormir à la Maison du Père, alors je suis allé voir, mais ils acceptent pas les chiens, là-bas. Alors je me suis retrouvé sous un porche du centre-ville, dans une ruelle qui sentait les vidanges, le vomi et la pisse. Je me suis calé entre un vieux rack à vélos et le mur, sous l’escalier de secours. Je fixais la porte de garage en face de moi. La nuit la faisait passer du jaune au brun. Quand tout le monde dort, le laid et le pire en profitent pour ressortir. Je voyais pas ça, avant. J’essayais de respirer correctement, comme une femme qui accouche, ou plutôt comme un gars qui court. Inspirer, expirer... pour pas étouffer. Mais ça puait trop, alors je suis parti pleurer. Sam léchait mes larmes et elle me donnait des coups de nez frouillés. Froids et mouillés.
Elle arrivait en tapant des talons sur le plancher. Ça faisait vibrer le bloc entier, même si elle était toute légère. Le chien la suivait de tellement près qu’en regardant vite vite, on aurait cru un genre de centaure ou d’animal bizarre avec un cul de chien et un devant d’humain. «Sam arrête pas de me donner des coups de nez frouillés pour que je m’occupe d’elle!
—C’est quoi ça, “frouillé”?
—Ben! (Elle me regardait comme si j’étais le dernier des imbéciles.) Froid et mouillé: frouillé!
—Ben ouais, je suis con.»
Elle s’approchait pour me caresser le bras, genre mais non mais non (mais un peu quand même), et elle posait sa tête sur mon épaule en soupirant.
«Tu fais quoi?»
–Notre première nuit dehors, le centre-ville était si désert qu’on aurait dit que mes pleurs résonnaient dans tout Montréal, qu’ils rebondissaient d’immeuble en immeuble, de porte barrée en fenêtre fermée... p’têt’ jusqu’à elle. Sam m’a donné sa patte et elle m’a regardé. Dans le noir, je voyais juste ses yeux orange qui reflétaient la lumière d’un lampadaire. J’ai mis ma tête dans son cou et je l’ai tenue comme quand j’étais petit et que je m’endormais en pleurant sans vraiment savoir la raison, en serrant mon ours en peluche. On pourrait croire qu’une fois adulte, j’aurais su pourquoi je pleurais, mais non. Y avait trop de choses, beaucoup trop de choses. Tellement qu’il a fallu que j’en choisisse une. «J’ai plus de maison.» Je sanglotais vraiment, pour la première fois depuis trop longtemps. C’était du sérieux laisser-aller. Y avait personne pour me dire de me ressaisir et qu’y avait pire que moi. Y avait personne pour me dire qu’il était là, alors que je me sentais tellement seul que j’étais vide et sec à l’intérieur. J’ai répété Pourquoi moi? dans ma tête tant de fois que je crois que j’ai fini par le demander tout haut. T’es en train de rater ta vie. Tu pourras pas dire que je t’ aurai pas prévenu. Fuck you, mom. C’est toi qui m’as raté. J’ai reniflé un bon coup. Trop. J’ai failli vomir. Sam s’est couchée à côté de moi. La lumière s’est éteinte. C’est ça notre vie, maintenant. Arrête de pleurer et dors. Je suis là, ça va bien aller.
–Normalement, ma mère était toujours à la maison quand j’y étais. Pas parce qu’elle avait quelque chose à faire, juste pour être là. Je sais pas ce qui s’est passé avec elle, avec moi ou avec nous. Un jour, je regardais la télé la tête posée sur ses cuisses, et le lendemain, elle était devenue comme le bruit du frigo: tu te rends compte à quel point il t’énervait juste quand il arrête. Et quand le bourdonnement repart, ça finit par te rendre fou. P’têt’ que c’était dû aux fausses couches qu’elle avait faites après ma naissance. Mon père disait que c’était ça, en tout cas. Il fallait être gentil avec elle, et patient, parce qu’elle avait beaucoup de peine. Mais ma peine à moi, due au fait que tout le monde se foutait de ma peine, justement, tout le monde s’en foutait. Ça me faisait de la peine, et c’était comme l’histoire de la poule ou de l’œuf.
Sam aussi s'ennuie d'elle. Je le sais, elle est comme moi. Parfois elle s'arrête devant la grille d'une cour de récréation, le nez en l'air, pis elle la cherche. Mais Lila est jamais là. C'est jamais elle. C'est toujours une petite blonde avec la même voix. Qui met les mêmes accents sur les mots, qui fait la même musique quand elle court, parfois c'est juste un feeling, même pas une petite blonde. Juste un kid qui envoie tellement d'amour à l'univers que ça éclabousse partout, simplement parce qu'il rit, qu'il prend la main de sa mère ou qu'il caresse la tête de Sam...mais c'est jamais elle.
La nuit est en train de tomber, et ça me gosse vraiment beaucoup, mais la lumière est fucking belle. Je voudrais qu'il fasse gris, que les nuages soient tellement bas qu'on doive se baisser pour pas les manger dans face. Là, l'orange et la chaleur du ciel me rappellent que le monde se crisse bien de moi pis de nous. Que le monde continue sa vie comme si de rien n'était, alors que j'ai perdu la seule affaire qui me restait.
Lonely.
Y a pas de mot pour dire ça en français. Une solitude pesante et triste qui te donne pas envie de mourir (du moins pas les bons jours), mais juste de ne pas être là, comme Freddie Mercury.
I don't want to die, I sometimes wish I'd never been born at all.
L'écrivaine Marie-Sissi Labrèche reçoit Sophie Bienvenu, Michel Tremblay et Janette Bertrand.
Les libraires en coulisses, une initiative de l?Association des libraires du Québec (ALQ) et de la coopérative des Librairies indépendantes du Québec (LIQ), ont présenté des rencontres passionnantes lors du Salon du livre de Montréal 2014 avec des écrivains, notamment Janette Bertrand, Michel Tremblay, Katherine Pancol, Gabriel Nadeau-Dubois et Emmanuel Carrère.
Réalisation et montage : Jessica Gélinas