Presque. C'est dans le "presque" que tout se joue. Toujours.
Tant d'années de sa vie à écouter le mystère de toute vie. A s'en approcher.
Tant d'années pour accepter qu'au fond de toute clarté, l'opaque subsiste. C'est le plus difficile. Pour l'analysant comme pour l'analyste.
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Il y a des jours bénis où la vie est ainsi, intéressante, même dans ses détails les plus prosaïques. Tout a une saveur, une couleur. C'est rare. Il faut en profiter.
La rage c’est de ne pas réussir à aimer ce qu’on désire.
On dit "prendre son temps", ou bien "je n'ai pas le temps". Moi aussi j'ai dit ces phrases-là, comme tout le monde. Et comme c'est faux. On ne peut ni prendre ni perdre ni avoir le temps. Le temps n'est pas un objet, on le sait bien pourtant.
Dans les rêves les morts comme les vivants n'ont pas d'âge.
Qu'est-ce qui fait se lever chaque matin et affronter le jour, travailler, aimer alors qu'on sait que tout cela s'arrêtera. Forcément.
On s'empare des actes qui nous font du mal. On croit, on voudrait, y avoir joué le rôle principal même si ça fait mal, juste pour ne pas être totalement impuissant face à ce qui arrive. Mais toutes ces années lui ont appris que ce qui se passe dans le cœur et la tête de chacun n'appartient qu'à celui dont le souffle anime et ce cœur et cette tête. C'est le cœur de la plante. On n'est maître de rien. On peut juste accepter et mettre tout son art, toute sa vie, à comprendre ce qu'est le fil de l'eau, le sens du bois, le rythme des choses sans nous. Et c'est un travail et c'est une paix que de s'y accorder enfin. La seule vraie liberté.
(...) moi j'aimerais ça comme unique meuble si un jour j'ai une maison, une table où on fait tout, on mange, on travaille seul, on peut jouer aux échecs, lire, poser ses coudes et discuter avec des amis toute la nuit. Une maison c'est une table non ?
Elle a servi le thé et son regard s’est posé sur lui, d’une façon si légère qu’il aurait pu ne pas même s’en apercevoir. Mais il a trop l’habitude lui-même d’observer pour que ce regard lui échappe.
Je suis honorée que vous ayez choisi ma maison. Il sourit. Ici, les choses sont simples Le thé a un goût un peu fort pour lui mais il décide de s’y faire. Dans sa main, la tasse est ronde, chaude. Il revoit la tasse et laisse ses doigts glisser sur la céramique, une belle couleur de terre rouge sombre. Il pense au soleil couchant, aux paysages qu’il a hâte de découvrir.
Il est reconnaissant soudain à cette femme parce qu’il est traversé par un élan pour les jours à venir malgré la fatigue et la sensation de ne pas être complètement arrivé.