« This book is not for everyone »
Effectivement, ce premier roman écrit en six ans n'est pas à mettre dans les mains de tous. Au risque de faire fuir les lecteurs réfractaires aux contenus explicites qui se situent dans ces pages. Pourtant,
Une créature de douleur n'est pas un roman provocateur ni tapageur. C'est un roman sur le deuil. Sur l'après. Et sur la façon qu'ont les êtres de gérer cette étape cruelle et difficile.
Alors me direz-vous comment la souffrance inhérente au deuil peut être vue sous le prisme de la scène BDSM ?
Et c'est là qu'
Ella Baxter frappe fort. Si au début, la réticence était ma compagne pour cette excursion en Tasmanie, l'autrice m'a attachée d'emblée à son personnage Amelia Aurelia. Cette jeune femme maquilleuse funéraire, le jour, occupée à parfaire ce dernier visage que les proches apercevront de leur défunt, le soir, ce psychopompe change de costume et enchaîne les rendez-vous avec les hommes. Une manière bien singulière de se débarrasser de ce trop-plein, afin d'oublier, d'occulter les griffes acérées de la mort, par une chaleur humaine, un contact sur sa peau qui la raccrocherait à la réalité.
«
Shakespeare a écrit un jour que deux personnes ensemble ressemblent à une bête avec deux dos, et la plupart du temps, la nuit, je me retrouve à essayer de m'assembler avec quelqu'un pour devenir cette créature à deux têtes, des bras qui s'agitent, des dents qui s'entrechoquent et des cheveux entortillés. Un nouvel animal. »
Suite au décès de sa mère, Amelia, effondrée, va se chercher afin de retrouver la partie qui s'est éteinte en même temps que sa petite maman.
Une quête de sens qui va la faire sortir des chemins balisés et entretenus. Si certaines scénettes peuvent heurter la sensibilité du lecteur, sachez qu'il s'y dégage toujours une certaine ironie, un trait d'humour, mais aussi une délicate tristesse. Je n'ai pas vu ce roman comme un déballage d'obscénités, mais plutôt, comme une étape nécessaire à sa reconstruction, une manière de se défaire de son chagrin.
C'est un roman atypique, qui détonne par son fond et sa poésie douce, mais aussi parfois cruelle, qui ne plairat pas à tous, mais qui je l'espère arrivera à faire sa place auprès d'un lectorat. Moi, c'est du tout cuit.