Citations sur L'homme qui peignait les âmes (60)
— À mon avis, le Tout-Puissant doit se douter que tu n’es pas musulman. S’il te voit joindre ta prière à celle des autres, que va-t-il penser ? Sans doute que tu n’es pas enfermé avec les tiens comme dans une forteresse. Prier avec un Musulman si tu es juif, prier avec un Chrétien si tu es musulman, ce sont des actes de fraternité. Je suis sûr qu’ils plaisent au Tout-Puissant. Il se dira : voilà un homme de paix.
Chaque début de printemps, Thomas surveillait la pousse des figues sauvages. Il les cueillait au moment précis où leur couleur tournait au vert foncé, lorsqu'elles étaient encore tendres, pas plus grandes qu'une phalange.
Leur coeur n'avait pas encore granulé, et cela leur permettait de garder toute leur senteur.
Thomas les apprêtait en une confiture bonne à "damner un saint", comme il aimait à dire, des mots qui lui permettaient de taquiner le blasphème à peu de frais et lui donnaient l'occasion d'un petit frisson.
— Notre religion dit la Loi. J’ai beau l’avoir abandonnée, sa rigueur et sa majesté m’impressionnent. La vie du Christ m’enseigne la charité, et l’Islam me rappelle l’importance de l’humilité et de la soumission. Pourquoi devrais-je refuser l’hospitalité de l’une de ces Maisons en faveur d’une autre ? Ce serait dédaigner chaque fois une grande richesse. Là serait la vraie folie.
Sais tu ce que c'est une passion ?
Avner secoua la tête.
C'est une mer démontée sur laquelle la plus grande intelligence n'est qu'une coque de noix.
Comme à son habitude, il ignora l'injonction paternelle et s'installa sous le figuier sauvage. Le lieu était entouré de cyprès, de pins, d'orangers et de citronniers au milieu desquels virevoltaient des myriades de papillons. Utilisant l'outre comme appuie-tête, il ferma les yeux et se laissa bercer par les chants qui lui parvenaient de l'église.
Cette idée, aussi, de punir les enfants de ceux qui ne respectaient pas les commandements. Ils n’y étaient pour rien, les pauvres ! A l’évidence, le commandement avait pour propos de faire peur. Mais respecter par peur, était-ce respecter ?
… Fallait-il que les gens obéissent par crainte ? N’aurait-il pas été plus juste de leur faire confiance ?
Les canons atuels ne favorisent pas les éclats de joie. Ils ne nous offrent pas ce merveilleux sentiment qui nous emporte, lorsque nous observons la nature et ses merveilles. À qui devons-nous le bonheur d'observer l'envol d'un papillon ? Au Seigneur ! Serait-ce péché de le représenter ? La seule chose que je souhaite, c'est d'écrire la joie de vivre.
Petros et Anastase se regardèrent, l'air accablé, et Avner sut qu'il avait parlé pour rien.
_ Le cèdre... Pour nos icônes, le roi des arbres Déjà, sa majesté. Immense, noble... Et dès que tu commences à le travailler, il dégage un parfum... divin ! En plus, il est tendre. Le roi des arbres, te dis-je !
_ Dieu seul sait ce que le destin réserve à un être aussi exceptionnel... Une voie royale, sans doute. C'est-à-dire mille exils. Réjouis-toi. Comment vivre heureux sans connaître l'exil ? Ce sont ses duretés qui t'apprennent à comprendre les hommes et à les aimer.
Comme tout aurait été simple s’il avait eu la foi. Mais voilà, il ne croyait ni à la religion des Juifs, ni à la Résurrection, ni à l’essence divine des icônes. Il trompait son monde, et s’il lui arrivait de le regretter, très vite il se faisait une raison. Peu lui importait qu’il eût ou non la foi, il croyait en la beauté, en celle des icônes, en la consolation qu’elles offraient.