Ce sont des fragments de vie d'un adolescent, en 1994, à quelques mois du bac, qui démarrent par "Aujourd'hui
Kurt Cobain est mort". Il se désigne comme
un garçon ordinaire, dont on ne connaitra le prénom qu'à la dernière ligne, qui habite dans une petite ville ou banlieue, où cohabitent différentes classes sociales, qui n'est pas nommée.
Est-ce vraiment
un garçon ordinaire ? Non, c'est lui qui se juge ordinaire, c'est une vision nombriliste, car il n'est pas un garçon comme tous les autres garçons, il a une personnalité qui lui est propre, il est marqué par sa génération, son milieu, ses origines. C'est un témoignage de la génération X, la bof génération, celle du déclin de la natalité après le baby boom.
Le héros narrateur est un fils unique, bon élève, hypersensible, pudique, timide, qui n'ose pas se déclarer à la fille qu'il aime.
Sa vie tourne autour de la musique. Il gratte la guitare avec Tom à la batterie et Youri au micro, dans le « local » où s'improvisent des petites fiestas.
« Ça commence dans le ventre, ça me prend là, au plus profond, puis ça irradie dans tout mon corps… » p. 31
Le roman est rythmé par son monde musical. Il y a des joints qui circulent, de la bière, de l'alcool mais pas d'héroïne.
Un garçon ordinaire a sa bande avec Youri qui a redoublé deux fois, dont le père est un petit entrepreneur dans le bâtiment, avec Tom, dont la famille gère Mammouth, qui est riche et généreuse, qui leur prête le « local » pour répéter, une vieille remise au fond de leur jardin, avec Sakina qui habite en foyer, avec Karim de la Cité des Oeillets qui ne les a jamais invités chez lui, et enfin Alice, la plus belle fille du lycée, celle dont il est amoureux qui a une grande maison et dont le père vient la chercher en Volvo.
La bande fait fi des clivages sociaux ou ethniques, et les rôles sont inversés, ce sont les filles qui prennent les initiatives en amour.
Ils ont leur QG comme le « local » ou La Taverne, leur bistrot.
Il habite un petit pavillon avec des parents aimants et sans histoires : les rôles sont bien distribués, le père tond la pelouse pendant que la mère est à la cuisine. La communication en famille est sommaire et bienveillante. Les quelques bémols sont politiques.
« Mon oncle assure que le Pen « ne dit pas que des conneries ». Mon père, encarté au PS, s'insurge. La bonne humeur se teinte d'une tension palpable. » p. 43
Rien de bien méchant, par contre les clivages sociaux sont perceptibles dans la rue et donnent lieu à de la baston, pour un rien comme un crachat de petits pois à la cantine, skaters, skins contre la bande au garçon ordinaire. Il y a aussi « les cassos ». Ce n'est pas un roman à l'eau de rose, il y a des moments forts.
C'est un témoignage lyrique très poétique qui fige l'instant éphémère du passage à l'âge adulte, moment où la vie est la plus intense, pour le meilleur, passion, sentiments exacerbés, promesse de l'avenir, et pour le pire, violence, choix à faire, société sclérosée.
C'est un livre que j'ai dévoré en quelques heures portée par le rythme musical et les battements du coeur d'
un garçon ordinaire.
C'est une prose agréable avec une prosodie singulière qui joue des poncifs de "Aujourd'hui, maman est morte" ou des bagarres de gang de West Side Story, probablement d'autres que je n'ai pas décelés, tout comme les nombreux clins d'oeil musicaux de la génération X, le titre
Un garçon ordinaire donne bien le ton.