Parfois, il y a des rencontres avec les livres, des rencontres rares qui résonnent comme une évidence, des histoires qui vous touchent car elles sont un miroir de votre vie.
Lire «
Que reviennent ceux qui sont loin » a été comme renouer avec mon enfance.
Pierre Adrian est un formidable conteur qui m'a emmenée autant dans son histoire que dans mes souvenirs d'autrefois. J'ai été touchée, dès les premiers mots par la douceur et la nostalgie qui se dégageaient du texte. Je vous en livre les premières lignes :
« Je ne revins pas à la grande maison par hasard. On ne retourne jamais à quelque part par hasard. Secrètes sans doute, j'avais mes raisons après tant d'années de revoir la grande maison au mois d'août. Il y avait le temps qui passait et la certitude désormais que rien n'est éternel. Un jour viendrait où ce paysage, tel que je l'avais laissé enfant, n'existerait plus. Il appartiendrait à d'autres. Il serait abattu et reconstruit. D'autres familles s'y retrouveraient en été et les enfants d'autres noms joueraient sous les arbres. Grand-mère allait bientôt mourir. Grand-père était déjà mort. Les oncles et les tantes, les cousins vieillissaient. »
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L'histoire se passe en Bretagne. Imaginez une petite route qui mène à la mer, puis un portail blanc qui s'ouvre sur un jardin d'hortensias bleus. Et lorsque la maison dissimulée par la végétation apparaît, vous savez que vous êtes arrivés, que vous êtes enfin chez vous.
J'aime ces romans dans lesquels les vieilles demeures sont au coeur du récit. Elles renferment une histoire familiale, avec ses joies et ses drames, ses rires et ses pleurs.
La maison dégage une atmosphère chaleureuse, accueillante. Y séjourner, c'est comme voyager dans le temps, les murs de la bâtisse ayant capturé les souvenirs, ces petits riens, ces détails qui sont autant de repères nécessaires qui mis bout à bout, remplissent nos pensées et nous accompagnent notre vie durant.
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Un jeune homme revient passer ses vacances d'août dans la maison familiale bretonne, après de longues années à avoir préféré des destinations plus exotiques comme lieu de vacances.
Là se bouscule un monde joyeux, animée et virevoltant de cousins et de cousines, d'oncles et de tantes, de neveux et de nièces, sous le regard doux et généreux de l'aïeule.
Quelques mots suffisent à nous attacher à cette grand-mère coquette et prévenante que tous aiment et respectent.
Un regard suffit à aimer le petit Jean, un mot et nous voilà à bricoler avec François.
Les personnages font l'objet d'une description faite de souvenirs et d'anecdotes au fur et à mesure que le jeune trentenaire se mêle avec discrétion à sa famille. Ces flashbacks sont comme des instantanées, des vieilles photographies sépia qui dévoileraient des impressions fugitives, des odeurs agréables de café et de pain grillé, des senteurs marines, des sensations déplaisantes des grains de sable disséminés dans les draps de lit, des souvenirs de jeunesse où les enfants libres et chahuteurs rythmeraient la vie de la maison.
L'auteur dessine ses personnages avec beaucoup de sincérité, d'authenticité et de générosité. On sent qu'il les aime, qu'il a pris plaisir à nous les rendre vivants et attachants. Chaque personnalité remémorée m'a émue, tant les descriptions sont délicates, douces, pleines de tendresse et d'affection. On ressent la cohésion et la complicité autour de cette famille. C'est beau de les voir vivre en toute simplicité, entremêlant plage et châteaux de sable, jeux d'enfants et disputes, repas et convivialité, baignade et pêche, sorties en mer et balades le long de la grève ou dans l'arrière-pays.
Le lecteur est accueilli comme un ami de la famille, invité à partager ces bonheurs simples avec toute cette tribu : moments essentiels, moments forts, fugaces, chaleureux, conflictuels ou douloureux.
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Quels sont les moments qui comptent dans une vie ? Quels sont ceux qui resteront superficiels, futiles, creux ?
Ce mois de vacances est comme une parenthèse nécessaire pour le jeune homme, une prise de conscience que le temps court, file, s'échappe, qu'on ne peut le rattraper, et que le temps qui nous reste ne doit pas être rempli de regrets, ni de tristesse.
« Au cours de ce voyage, jamais ne me parut aussi évidente la fragilité des miens. Les années passant, avec l'âge et dans la mort, elle se révélait. Mon père et ma mère aussi pouvaient être brisés et il revenait à nous désormais de les serrer dans nos bras. Les plus forts avaient besoin du soutien des faibles. Sans doute était-ce cela une famille, un enchevêtrement, une tour en Kapla dont l'équilibre précaire tient, coûte que coûte, grâce à la solidité des uns et malgré la fébrilité des autres. »
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Pour conclure, lire ce roman a été un très grand plaisir, un joli moment de lecture qui me laisse un délicieux sentiment de mélancolie.
Un récit nostalgique et doux, qui nous parle de liens familiaux, de souvenirs, d'amour, d'amitié, et de transmission. Un coup de coeur très personnel.
A lire pour tous ceux qui recherchent une histoire émouvante, le temps d'un été.
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Pour finir, je tiens à remercier très chaleureusement toute l'équipe de Babelio pour leur confiance, les éditions Gallimard pour cette jolie découverte, et
Pierre Adrian pour ces jours de lecture où j'ai plongé dans de magnifiques souvenirs d'un temps passé où se mêle un présent encore douloureux.