Yvan Robin vous présente son ouvrage "
La Fauve" aux éditions Lajouanie.
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la-fauve
Note de musique : © mollat
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– Appelle une ambulance, et dis à Alister de prévenir la boîte avec la radio du camion.
Le chef d’équipe ne savait pas comment aborder la victime, s’il devait lui prendre la main, lui sortir cette saloperie du bide, ou juste tenter de la rassurer.
– Carlos, tu m’entends ? C’est Anton. On s’occupe de tout, l’ambulance va arriver.
Carlos Zermeños esquissa un sourire aussitôt avorté par la douleur. La tige de fer était maculée d’un sang épais et luisant comme le caramel qui recouvre les pommes d’amour. Sa combinaison, chaude et trempée. À chacune de ses inspirations, la partie immergée du fer à béton disparaissait partiellement dans son ventre. Ça devait faire un mal de chien.
– Chef… Je crois que j’me suis pissé dessus.
– Ça fait rien, vieux, ça fait rien.
Derreck ouvrit la trousse de premiers secours et en détailla sommairement le contenu. Du gel en cas de brûlure, des garrots pour les coupures, des compresses stériles, un spray désinfectant, des pommades en tout genre. Rien ne semblait approprié à une perforation abdominale, ou peu importe le nom que ce truc qui clouait Carlos au fond de la fouille pouvait porter. Il se sentait impuissant, un rouleau de bande Velpeau entre les mains.
– Les secours vont pas tarder, lança Sevran en haletant. Alister remonte la nationale à leur rencontre. Comment ça se passe en bas ?
– Il respire. Ça va… Il est stable.
Hubert repensa au temps d’avant. Il avait quoi, dix ans. Le cheveu hirsute, et l’œil cerné des enfants tristes. Un bermuda d’éponge taché de boue, d’avoir traîné près de l’étang de Barbery. Le couvercle retourné d’un pot de confiture, dans lequel trois têtards nageaient dans moins d’un centimètre d’eau.
Il avait posé le récipient sur la margelle du puits, et observé un temps ses prises dont il serait témoin de la mutation. Des pattes allaient pousser, la queue disparaître et la tête prendre forme. La théorie de l’évolution à vitesse grand V.
Lassé, il était redescendu à l’étang occuper le restant de l’après-midi en explorant les alentours. Ce n’est qu’en remontant, le soir, qu’il avait constaté son erreur. Les têtards étaient secs et durs comme des algues privées d’eau. Le soleil avait fait évaporer le contenu du couvercle du pot de confiture.
Sa mère le lui avait dit sans la moindre émotion, sans même lever le nez de son bouquin. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi. Et Hubert ne s’en remettait pas. Le soleil. Les bestioles qui mutent pour devenir des hommes. L’univers qui l’entoure. C’était bien trop pour lui.
Hubert fit se lever la barrière d’accès au site V2V, en passant son badge devant le capteur. Il salua le gardien machinalement, et tenta de se remémorer son prénom. Nicholas peut-être, ou Victor. Quelque chose de ce genre. Les voitures rutilantes occupaient les places de parking les plus proches de l’entrée. Plus il progressait, plus les véhicules baissaient en gamme. Avec le soleil levant, la tour vitrée ressemblait à un gros lingot d’or. Ce vernis clinquant dissimulait à merveille douze étages de moquette gris perle, et de petits bureaux carrés. Hubert Garden contourna le bâtiment et disparut dans l’ombre.
Carlos Zermeños gisait sur le dos, un fer à béton fiché dans le ventre, au-dessus de la hanche. Du côté droit. La pleine lune du ballon rehaussait avec peine son teint bilieux. Sa combinaison grise noircissait à vue d’œil, à mesure que croissait l’auréole de sang.
Il avait dû glisser du rebord – la zone étant mal éclairée – et s’empaler sur l’une des quatre tiges de fer qui sourdaient de la dalle. Pour que ça saigne à ce point, la tige, mince comme l’auriculaire et plus raide qu’une dague, ne s’était pas contentée d’entrer d’un côté pour ressortir de l’autre. Elle avait tout déchiré sur son passage.
Anton Derreck s’approcha. S’approcha plus encore. Jusqu’au bord. Et se pencha au-dessus du trou. La panique – qui frémissait en lui – et l’obscurité, l’empêchaient d’en distinguer le fond, trois mètres en contrebas. Il courut jusqu’au camion et ouvrit les portes arrière, comme un satyre les pans de son imperméable. Il dérangea la plupart des casiers de bois pour trouver l’échelle télescopique et la trousse de premiers secours, qu’il ramena au bord du trou. Il cria en direction de ses collègues :
– Ramenez vos culs !
Hubert Garden remit le contact, et emprunta la route qui longeait la corniche. Il se sentait vide et lisse. Sans allant pour quoi que ce soit. Dormir dans la caisse, au milieu des papiers de bonbon chiffonnés. Sauter du haut de la falaise, pour s’aplatir contre un rocher. Non merci. Regarder le ciel sombre, la mer noire, à peine fardée de blancs reflets d’étoiles. La guigne. En arrivant sur le parking désert, il ne gardait aucun souvenir des kilomètres qu’il venait de parcourir.
Hubert Garden avait les oreilles qui bourdonnaient, mais ce n’était pas si désagréable. Une oppression en remplaçait une autre, toujours. Il le savait. Depuis l’enfance. Oppression parentale, oppression sociale, oppression scolaire, oppression professionnelle. La liste était plus longue que ces trains de marchandises qui sillonnent les campagnes.
Hubert dormit en PLS
Les mots ricochaient contre les parois de son crâne. Toujours la même phrase, indémodable, qui n’était qu’un lointain écho de l’enfance. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi. Qu’à force d’entendre – de la bouche de sa mère, surtout – il avait inconsciemment érigée en devise.
Quand le réveil sonna, il se leva machinalement. Il effleura sa femme du bout des doigts, et reprit la route en direction du bureau. Quelques corneilles s’envolaient mollement au passage du véhicule. Du sang avait séché à la commissure de ses lèvres.
Je saisis l’homme par le col, et l’oriente dos au vide. J’approche mon visage du sien pour qu’ils sente la chaleur de mon haleine, et lui murmure une phrase que je n’ai pas préparée. Ce n’est pas contre toi. Je tends brusquement les bras