William Audureau apparaît dans Japan Expo/Comic Con 2011
(...) si le factchecking aide souvent des personnes de bonne foi à ne pas se laisser berner par des rumeurs manipulatrices, il semble n'avoir aucune prise sur ceux qui se considèrent comme éveillés.
Ils soulevaient des interrogations que je partageais. Je ne saurais pas l'expliquer, mais quelque chose sentait mauvais, je m'en rendais compte intuitivement, au plus profond de moi, m'explique-t-elle. Ce qu'ils disaient, ça résonnait.
Dès lors, mon amie dépose les armes de l'esprit critique et adopte leurs théories farfelues.
Ultra- spécialisée et prudente, la science contemporaine refuse à la population tout espoir d'une compréhension simple, rapide et satisfaisante de la pandémie, alors que l'angoisse collective est à son apogée.
Toute forme de nuance est perçue comme un risque pour le groupe.
Du reste, pour Pépito, la réalité de ces groupes [illuminatis, etc.] est un faux problème, l'essentiel étant à ses yeux l'impression, partagée par tous ses camarades, que les décisions des plus puissants ne vont pas dans le sens du "peuple". "L'injustice, c'est ça la réalité du combat complotiste", m'explique-t-il.
[...]
En somme, peu importe qui sont ces mystérieux et haïssables conjurateurs : pour les éveillés, ils expriment avant tout un principe explicatif de leurs malheurs et de leurs souffrances.
(...) on verra qu'en Occident le complotisme entretient souvent des liens étroits avec le conservatisme religieux.
Pour lui, comme pour nombre de "résistants", le complotisme constitue le pilier d'une construction narcissique.
Étrange situation, où le " virus de la peur" , ainsi que les opposants au gouvernement s'empressent de surnommer sa politique sanitaire, finit par être plus redouté que le virus lui-même. Ce phénomène a déjà été observé en 2009 lors de la pandémie de grippe H1N1: une étude anglaise de psychologie médicale à alors montré que, pour convaincre la population d'adapter ses comportements à une menace sanitaire inédite, une commission gouvernementale massive est nécessaire. Mais ses auteurs soulignaient aussi que, en cas de manque de clarté, de cohérence et d'humilité, une telle stratégie peut avoir un effet pervers et braquer la population contre le gouvernement.
Le complotisme est moins une affaire de catégorie socio-professionnelle que de situations de vie. Il est l'arme de ceux qui se retrouvent en position d'impuissance.
A la décharge des pouvoirs publics, l'apparition d'un nouveau pathogène inconnu se prête par nature à l'incertitude et aux volte- face dans des discours identiques. Mais ce qui est une évidence pour l'écrasante majorité des médecins et des chercheurs est plus difficile à entendre pour des millions de citoyens reclus chez eux, suspendus au sinistre décompte quotidien des victimes du Covid-19, privés de réponses claires à leurs interrogations.