LE FEUILLETON DE FRANÇOIS PENEAUD - Une Page à la fois (2) : The Spirit de Will Eisner
Chaque fois qu'on enseigne à un groupe à en haïr un autre, on forge un mensonge pour attiser la haine et justifier un complot.
En automne 1994, j'ai été promené, aux côtés d'écrivains et d'artistes, à travers tout le Japon par Fred Schodt, un intellectuel américain spécialiste du manga. J'ai été abasourdi par ce que j'y ai trouvé. J'ai vu une industrie en pleine expansion, un lectorat colossal, une omniprésence du roman graphique dans la société au-delà de mes rêves les plus fous, tout ça pour un format auquel j'ai consacré ma vie entière. Il y a des raisons culturelles évidentes à ça, mais les faits sont là : le manga, ou komikkusu comme l’appellent les Japonais, est une forme réellement singulière dans l'art de faire cohabiter les séquences d'images et les textes pour raconter une histoire ou mettre en scène une idée. Comme aux États-Unis, les mangas se situent quelque part entre les films, la littérature et les beaux-arts.
M'DAME GREPPS : Je sais bien qu'il est infirme... mais Marvin est un bon garçon ! Il gagne sa vie... il fera un excellent mari ! ... tu ne peux pas en demander plus. Ne pleure pas, Reba... Ne pleure pas... C'est pour ton bien...
Dans l'Europe des années 1920 et 1930, les 'Protocoles' furent à peine moins populaires que la Bible. Il n'est de mouvement antisémite qui ait échappé à l'influence de cette brochure. Précisément parce que ce libelle était un faux, cependant, ses adeptes se sont efforcés d'en voiler les origines dans le mystère. Ils essaient encore. L'authenticité de l'ouvrage paraît sans importance. Mais cela parce que, suivant le mot marquant de Jean-Paul Sartre, l'antisémite "se pétrifie". Le fanatisme devient sa manière d'expliquer le monde sans avoir à justifier l'explication par la preuve ou la logique. L'antisémitisme offre une vision du monde commode à tous les "perdants", les losers, qui se sentent menacés par les forces de la modernité, qui craignent l'avenir et qui cherchent un réconfort dans les formes d'autorité religieuses et antidémocratiques rigides.
[...] Pour les perdants, mieux vaut trouver un "bouc émissaire".
La cible est facile à trouver parce que l'ennemi est toujours l'autre.
- Tu as encore pressé le tube de dentifrice par le milieu !
Le mariage était […] un jeu. Il y avait de mauvais mariages et de bons mariages. Se marier en dessous de son rang était mauvais. Se marier hors de sa religion ou de sa race était pire. Toutefois, épouser une fille riche (pour un garçon) ou épouser un homme qui a réussi (pour une fille) était bon.
Par-dessus tout, la famille dans laquelle on se mariait était d’une extrême importance. Se marier dans une famille socialement meilleure élevait votre propre famille. Cela fournissait des « relations » et faisait l’envie des voisins, surtout quand on pouvait tutoyer sa famille par alliance.
Alors nous sommes arrivés en Amérique sans un sou, nous avons américanisé notre nom de Kayn, nous avons élevé et éduqué un fils qui a fait un beau mariage et a tout changé pour nous.
Aujourd’hui, nous avons beaucoup de relations.
Oui, le mariage, c’est la règle du jeu.
Arrivez en retard à vos rendez-vous !
Si vous êtes ponctuel, on vous fera attendre. Vous resterez assis un bon moment. Mauvais !
Mais si vous êtes en retard, vous serez obligé de courir pour attraper le bus, de vous ruer dans le métro, de grimper quatre à quatre les escaliers (l'ascenseur est justement en panne). Excellent
(Page 34 : chapitre "Le manque d'exercice peut tuer, agissez !)
- Les Juifs ? […] Et si paraissait un document prouvant que la modernisation fait partie d'un complot juif ?
- Ce serait la preuve absolue d'une menace que le tsar ne saurait ignorer.
[…]
- ça nuira à son influence et ça répondra à l'inquiétude de sa majesté; qui se demande qui se cache derrière les troubles ! Il se méfie des Juifs... ce sera facile...
Est-ce que vous écoutiez la radio, le soir du 1er octobre 1938 ?
Vous vous souvenez de la célèbre adaptation d'Osom Bells pour la radio : "l'invasion de la planète Mars" ?
Les gens étaient tous affolés ...
Ils pensaient (hi hi hi) que c'était vrai (ah là là).
Idiot ... n'est-ce pas ?
Une invasion par des êtres d'une autre planète (ah ah) ...
... eh bien ...
On peut enfin en parler !