Entretien avec Thomas Cantaloube à l'occasion de la parution de Frakas dans la collection Série Noire. Découvrez les 5 mots choisis par l'auteur pour évoquer ce livre.
Découvrez le livre : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Serie-Noire/Frakas
Feuilletez les premières pages : https://bit.ly/306X9hx
Retrouvez toutes les critiques de Frakas sur Babelio.fr : https://www.babelio.com/livres/Cantaloube-Frakas/1305131
+ Lire la suite
Sache, mon jeune ami, qu’une torche braquée sur le passé éclaire le présent et dégage les ombres de l’avenir !
Je me suis toujours tenu à l’écart de la politique, mais ce que je voyais dans mes déplacements m’a fait prendre conscience d’une injustice fondamentale : le Cameroun est un pays riche, mais ses habitants demeurent pauvres. Comment est-ce possible ?
(page 229)
Pour garder un secret, il faut commencer par se taire.
La IVe République était née sur les cendres du pétainisme et des combats de la Résistance, la Ve démarrait sur les cadavres des Algériens et les remugles d'un fascisme en képi.
La piétaille coloniale, Algériens, Marocains, Sénégalais, Malgaches et compagnie… s’était avérée précieuse pour libérer l’Europe du joug nazi, mais elle n’allait tout de même par diriger ses affaires chez elle ! Et ce en dépit de la Charte des Nations unies de 1945 qui reconnaissait « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. »
(page 100)
Si on exploitait le pétrole présent sous leurs pieds, ces pauvres bougres pouvaient faire leur baluchon. Ils seraient bien chanceux si on leur versait une indemnité ou si on les relogeait ailleurs. Plus probablement, ils seraient chassés par des mitraillettes et des bulldozers, avec un doigt d’honneur en guise d’adieu, et quelques heures pour paqueter leur vie entière.
(page 269)
Luc Blanchard n’avait eu qu'à décrocher son téléphone pour être prié de passer. François Mitterrand se souvenait de lui et n’avait fait aucune difficulté pour le recevoir. Cela faisait un peu plus d'un an qu'il n’avait pas mis les pieds dans l'immeuble de la rue Guynemer, depuis l'époque où il avait sollicité les lumières et l'appui du sénateur de la Nièvre dans une affaire policière.
La fascination qu'il avait un temps éprouvée pour le politicien avait fait place à l'amertume, et il avait coupé les ponts. Mais l'avoir croisé sur un quai de Seine avait ravivé son intérêt. René, son mentor à France Observateur lui répétait assez souvent : « Parle avec tout le monde. Cultive les relations. Même le pire des abrutis peut finir ministre. En politique, c'est même la règle ! »
Tout ministre qu il avait été, Mitterrand était loin d'être un imbécile, mais il demeurait tricard à la suite du faux attentat de l'Observatoire. L'élu s'échinait donc régulièrement à faire parler de lui, avec plus ou moins de succès, afin de ne pas se dissoudre comme l'écume d'une vague qui se retire.
Comme cela lui arrivait régulièrement depuis son retour en France, il fut surpris de la quasi-absence de visages noirs dans la foule. C’était étrange pour un pays qui s’était approprié le sort de millions d’Africains pendant des décennies. Comme si les échanges n’avaient été qu’à sens unique. Le métissage, une anomalie.
La terrasse s’était remplie de consommateurs entre deux âges, tous blancs bien vêtus. Au pied des marches, dans la rue, et dans l’arrière-salle, tout le monde était noir, des jeunes, des vieux, beaucoup d’enfants.
Aucun Camerounais ne prenait l’apéritif.
(page 138)
Pourquoi les Blancs possèdent-ils encore la plupart des terres? Pourquoi les préfets, les fonctionnaires, les gendarmes, sont-ils toujours envoyés de la métropole? Pourquoi a-t-il fallu des années avant que nous puissions bénéficier des mêmes avantages , des mêmes droits sociaux que les Bretons ou les Alsaciens? Pourquoi le coût de la vie est-il de 30% supérieur à celui de Paris? Pourquoi lance-on encore des chiens contre un malheureux cordonnier guadeloupéen comme cela se faisait contre les esclaves?