'On the Map', 2012 : Taleb ALREFAI.
J'étais en troisième quand pour la première fois de ma vie je parlai à un garçon et au bout de trois conversations, je compris qu'il tournait autour du pot et qu'il cherchait plutôt à parler de choses sexuelles.Alors, pour couper court, je lui demandai de ne plus me téléphoner avant d'avoir lu un roman de Dostoïevski.Je n'entendis plus jamais le son de sa voix.(Koweit)
P.68
J'ai promis à mon père de ne pas rester longtemps au Koweit. La société Abou Ajaj est une pieuvre. C'est une société qui fait commerce des hommes et des titres de séjour. Elle nous dépouille de notre argent et nous laisse à la rue. (p. 93)
Mon père veut que je reste en Egypte. Qu'est-ce que je suis en Egypte ? Un enseignant d'arabe, raté. J'aurais dû partir au Koweït depuis l'obtention de ma licence à l'université, au pays u pétrole et de l'argent. Le salaire d'une journée au Koweït équivaut à un salaire mensuel en Egypte. (...)
Je vais faire mes adieux à la pauvreté et construire une maison à Sanya, la maison dont elle n'a jamais rêvé. (p. 60)
Saniya ne supporte pas mon silence. Une fois, elle m'a dit : "Je sais bien que c'est dans ta nature, mais ton silence me fait peur. J'aimerais ouvrir ton crâne pour savoir à quoi tu penses " (p. 21)
J'ai appris que l'exil, ce n'est pas seulement de vivre loin de son pays, mais qu'il consiste aussi à endurer l'avilissement, la misère, la fatigue, la peine et les regrets.
Cinq mois qui m'ont appris que les mots ne sont rien comparés à la douleur, à la mort que l'étranger porte en lui, et qu'il doit, en dépit de son immense peine, rester debout, résister. (p. 129)
C’est étrange, un contrat de mariage ! À travers un mur élevé, une porte s’ouvre pour laisser passer deux êtres. Avant cette porte, c’est le temps des sentiments, tout un monde… Une fois la porte franchie, c’est autre chose. J’ai beaucoup entendu sur les problèmes qui adviennent après le mariage. J’imagine la suite et c’est comme si ce contrat constituait une sorte de poisse apposée sur l’histoire d’un homme et d’une femme. Un démon, caché dans l’encre du contrat de mariage, murmure à l’homme : “Cette femme est devenue ta servante et ta propriété, tu peux faire d’elle ce qu’il te plaît.” Le démon murmure à la femme : “Cet homme est devenu tien, tu te dois de le suivre.”
Est-ce qu’un homme marié à deux femmes les rassemble dans le même lit pour faire l’amour ? Ce doit être excitant de s’allonger entre nous dans les mêmes draps. Qu’y a-t-il de mal à ce que deux femmes partagent le même homme ?
J'étais derrière les barreaux. Je voyais devant moi un panneau sur lequel on lisait "Interdit de fumer". J'ai imaginé de nombreux autres panneaux couvrant toute la pièce: "Interdit de changer de carte de séjour", "Interdit de travailler", "Interdit de gagner sa vie", Interdit de voyager", Interdit de repartir", "Interdit d'épargner de l'argent", "Interdit de monter", "Interdit de descendre", "Interdit de dormir", "Interdit de se réveiller" (...) , "La fille est interdite", "Le garçon est interdit", Interdit, Interdit...
Le Koweit est interdit.
La vie est interdite. (p. 184-185)
L’homme prend du corps féminin ce qu’il désire, comme un dû dont il a payé le prix par quelque promesse éphémère. La femme considère que faire l’amour est un début, l’homme considère que c’est une fin en soi.
Il émane de ton allure virile un magnétisme, qui laisse tes plus proches collaborateurs pétris d’admiration pour ton calme, ta courtoisie et ton élégance. Tu es “intelligent”, tu façonnes ton image à la perfection, tout comme ta prestance, ta grâce, ton regard. Tes vêtements distingués, la montre à ton poignet, l’éclat de tes souliers, ton pas quand tu avances… Tu séduis et tu tentes n’importe quelle jeune fille, n’importe quelle femme se laisserait amadouer.