Claire Keegan & Camilla Grudova in conversation with Sinéad Gleeson
En 1988, une année bissextile, je marche 366 jours avec des béquilles.
Sois une vagabonde, une nomade,
Une voyageuse, une bourlingueuse,
Navigue sur toutes les mers,
En te guidant grâce aux étoiles.
Grimpe aux arbres, parle aix aux oiseaux,
Sème des graines partout où tu vas
Laisse des empreintes de pas dans toutes les villes
Embrasse et laisse-toi embrasser.
Jusque dans les années 1960, une femme mariée pouvait être enceinte en permanence : hui, dix, douze grossesses n'étaient pas inhabituelles.
Des voyages qui, jusqu’à récemment, signifiaient que douze femmes quittaient tous les jours l’Irlande pour pouvoir avorter.
Représenter un diagnostic – par l’art, les mots ou la photo – est une tentative de s’expliquer ce qui s’est passé, de déconstruire le monde et de le reconstruire à notre façon. Donner une expression à une maladie qui bouleverse notre vie fait peut-être partie de la guérison. Tout comme trouver la forme d’expression qui nous est propre. Kahlo, Grealy et Spence ont été pour moi des lumières dans le noir, pour ainsi dire des guides. Elles m’ont montré qu’il était possible de vivre une vie créative parallèle, qui éclipse la vie de patient, l’écartant du centre de la scène. […] Les blessures deviennent la source de l’inspiration, et non pas la fin de l’inspiration.
Prendre en compte la douleur, c'est tenter de répondre à une question posée par le corps On la partage pour trouver une solution , mais nos paroles sont souvent mises en doute.
Les femmes subissaient une maltraitance d'un genre très particulier. La contraception n'avait pas été légalisée avant 1979, et encore, seulement sur prescription médicale.
Je suis la somme de toutes ces nuits sans sommeil et de ces journées d'hôpital, de l'attente de rendez-vous auxquels j'aurais voulu ne pas aller, de l'oscillation entre ennui et conscience de soi qu'est la maladie. Sans ces expériences, je ne serais pas cette personne qui ramasse ces éclats et tente de leur donner une nouvelle forme sur la page.
Jette à la mer la cargaison pourrie
Les gens qui ménagent la chèvre et le chou,
Ceux qui font tout pour éviter tes bonnes nouvelles,
qui affichent des sourires faux quand tout le monde te sourit,
Les gens qui ont trop peur pour essayer de faire ce que tu feras un jour.
Quand je pense à notre histoire, ce sont ces femmes que je vois. Les invisibles, et la rage qui gronde dans l’air. La complainte collective de leur absence de choix.