Au mauvais endroit au mauvais moment. Je ne l'avais jamais exprimé ainsi. Viens-je enfin de répondre à la question : "Pourquoi Moi ?" Je me la suis souvent posée pendant la séquestration, ainsi que dans les années qui ont suivi. Pour mon ravisseur, c'était l'inverse : j'étais un bon endroit au bon moment. Ces évènements restent difficiles à analyser (...).
Mais comment devenir adulte, quand on a neuf ans ? Comment mûrir du jour au lendemain ? Comment grandir, quand on mesure un mètre trente-trois et qu'on est violé tous les jours ? La réponse n'est pas dans les livres. Cela ne s'apprend pas à l'école. Aucun professeur ne peut me conseiller. La clé est en moi, ce moi conscient que ma survie en dépend.
Sous le titre : "Geist fait appel. Une première condamnation trop sévère ?", je lis : "Hier, le Dr Hans-Jürgen Horn, expert, psychiatre, a déclaré que l'accusé souffrait d'une altération du discernement. Adam Geist ne se serait pas rendu compte de ce qu'il infligeait à l'enfant."
C'est aussi simple que ça ? On peut tout se permettre, sous prétexte d'une altération du discernement ?
Je m'interroge. Pourquoi un article sur ce sujet précis ? Pourquoi devrais-je accepter ? Mon vécu ne regarde personne. Mais je connais la réponse. C'est un monde dangereux, et je n'y étais pas préparé. Mes parents non plus, de même que les nombreux bénévoles qui ont participé aux recherches. Aujourd'hui, rien n'a changé, ou presque.
Les personnes traumatisées : j'ai lu sur le sujet, tout en essayant de me convaincre que je n'étais pas concerné. Un traumatisme, c'est un stigmate : on est marqué au fer rouge, marginalisé. Très peu pour moi ! Je veux être comme tout le monde, vivre comme quelqu'un de normal à qui il arrive des choses ordinaires. Et pourtant, je baigne dans l'anormalité. Le jour où le journaliste vient me rendre visite, je suis encore très loin d'avoir fait le deuil de la banalité. Je ne m'attends pas non plus au bouleversement qui s'opère, lorsqu'on autorise les souvenirs à occuper la place qui leur revient de droit.
Le porte-parole de la police de Wiesbaden accorde également une interview à RTL. "Il ne faut pas négliger la piste de l'homicide." Il ne précise pas que dans la majorité des cas, les enfants disparus ne sont jamais retrouvés, vivants ou morts.
Les souvenirs aiment jouer à cache-cache. Les retranscrire, c'est les contrôler.